Manifestations IMMOBILES et SILENCIEUSES
Douce Mère, et ce qui se passe en France en ce moment, qu'est-ce que cela veut dire (1) ?
C'est clairement l'avenir qui s'éveille et qui veut chasser le passé.
Tu as lu les lettres des enfants de S ? Ils sont là-bas. Par exemple, tous les étudiants et toute la classe ouvrière se sont unis. Il y a naturellement, mentalement, tout le mélange de toutes sortes d'idées, mais la Force derrière... Par exemple, les étudiants veulent changer complètement le mode d'instruction: ils réclament violemment la suppression de tous les examens. Et ils ne le savent pas eux-mêmes, mais ils sont poussés par une force qui veut la manifestation d'une vérité plus vraie.
Eux-mêmes ne voudraient pas de violence – il paraît que ce ne sont pas eux qui ont commencé la violence, mais la police. Et ça, c'est très intéressant, parce que la police représente la défense du passé. Et quand j'ai lu les lettres de ces enfants, puis que l'on m'a donné les nouvelles, alors est venu en moi (cela a été dit très-très clairement, une vision très claire) : l'avenir. C'est la Puissance supérieure qui contraint les gens à faire ce qu'ils doivent faire.
Entre maintenant et ça (qui est très en avant), ce doit être la puissance d'un nombre IMMOBILE. Et alors la vision était claire : si des millions – pas des milliers: des millions – de gens s'assemblent, occupent, absolument pacifiques (simplement s'assemblent et occupent, avec des représentants naturellement qui diront ce qu'ils veulent), alors ça aura le pouvoir. Mais il ne faut pas de violence ; dès que l'on se laisse aller à la violence, c'est le retour au passé, c'est l'ouverture à tous les conflits...
À ce moment-là, je ne savais pas que c'était la police qui avait commencé la violence ; je ne savais pas, je ne connaissais pas les détails de l'histoire. Mais c'était une vision très claire : une occupation par la masse, mais une masse toute-puissante dans son immobilité, qui impose sa volonté par le nombre, avec des représentants intellectuels pour les négociations.
Je ne sais pas... De Gaulle est ouvert à quelque chose de plus que la force purement matérielle. Est-il de taille ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, il est parmi les meilleurs instruments.
C'est clairement (pas dans le détail, mais dans la direction du mouvement), c'est clairement la volonté d'en avoir fini du passé, de laisser la porte à l'avenir.
C'est comme une sorte d'écœurement de la stagnation. Voilà. Soif de quelque chose qui est en avant, qui paraît plus lumineux et meilleur. Et en effet, il Y A quelque chose – ce n'est pas seulement une imagination: il Y A quelque chose. C'est cela, la beauté, c'est qu'IL Y A quelque chose. Il Y A une Réponse. Il Y A une Force qui veut... qui veut s'exprimer.
La France est dans une situation privilégiée : l'Inde d'abord, la France après, pour des raisons... simplement de réceptivité. La France a toujours essayé d'être en avant – c'est d'ailleurs pour cela que ce corps est né là.
(1) Une sorte de grève générale de quelque huit millions d'individus, qui a commencé par une révolte des étudiants et l'occupation de la Sorbonne.
Agenda de Mère du 22 mai 1968
Pourquoi Mère insiste t-elle sur le l'immobilité ?
Agenda du 4 mai 1968.
Tous ces jours-ci, c'est un travail INTENSE, extrêmement intense, d'impersonnalisation de la conscience physique... Ça donne une sorte de... (geste flottant), n'est-ce pas, toute la base solide qui fait la personne corporelle, hop ! partie, enlevée. Et alors, il y a des moments de flottement.
Par exemple, j'ai eu pendant peut-être dix minutes, un quart d'heure, une abolition totale de la mémoire – du souvenir et de la mémoire. Alors... Maintenant, j'ai l'habitude de ces choses (il y en a une quantité formidable), alors je reste comme cela, exclusivement tournée... toutes les cellules sont immobiles, silencieuses et exclusivement tournées là, vers la Force, la Conscience (geste bras ouverts vers le haut), puis attendent. Et alors, c'est une espèce de concentration d'énergie, de force, et puis tout d'un coup, comme venant d'ailleurs (et ça, c'est une sensation très bizarre)...
N'est-ce pas, tout ce que l'on fait, tout ce que l'on sait, tout est basé sur une sorte de mémoire semi-consciente qui est là – ça, parti. Et alors plus rien. Et c'est remplacé par une sorte de Présence lumineuse et... les choses sont là, on ne sait comment.
Ce n'est pas comme si elles étaient revenues comme avant, ce n'est pas cela, c'est... Et elles sont là sans effort. Et il n'y a là que juste ce qui est nécessaire au moment voulu. Il n'y a pas tout ce bagage qu'on traîne derrière soit tout le temps comme cela, comme avant, ce n'est pas cela: il y a juste la chose dont on a besoin.
Mais il faut être très-très-très tranquille ; si l'on s'agite ou s'énerve le moins du monde, ou même que l'on fasse un effort, il n'y a plus rien...
Et au point de vue le plus matériel, il y a aussi une sorte de perception que tout l'équilibre matériel passé, lui aussi a disparu, et qu'alors ça peut être n'importe quoi à n'importe quel moment... Heureusement (probablement c'est pour cela que c'est fait), heureusement, les cellules ont une foi très ardente, très ardente.
Je t'ai dit tout à l'heure que j'avais senti cette avalanche d'attaques. Elle est venue sous une forme très subtile : l'irréalité de la conception telle qu'elle a été admise et adoptée – l'irréalité de la Présence divine dans le corps, l'irréalité du monde en transformation qui deviendra de plus en plus divin ; tout cela comme une irréalité qui venait (geste par en bas, comme une vague), sournoise, pour couper la base et le support de la foi.
Mais la Conscience était là, et la conscience que c'était une attaque ; et il n'y a pas eu un combat ni un essai, une tentative de convaincre, ni rien, simplement comme cela (Mère ouvre ses bras vers le haut), le surrender TOTAL.
Et alors ça... c'est ce que j'ai dit, c'est intouchable. C'est une immobilité lumineuse.
Et petit à petit, toute la conscience des cellules sort de cette emprise et renaît dans la Lumière. C'était très-très intéressant.
Et l'attaque est venue avec, naturellement, toutes les suggestions de maladie, de mort, de décomposition, d'irréalité – tout cela qui grouillait.
Il n'y a pas eu une seule tentative de lutte ni rien, rien ; tout simplement (même geste, bras ouverts) : une aspiration et un don de soi.
Ce n'est pas encore fini, mais...
J'avais l'intention d'en parler seulement quand ce serait tout à fait fini, mais à cause de cela (affaire de l'abdication du pape), je vois que cela a précipité les choses – précipité et concentré.
On verra. On va voir.
Commentaire personnel :
Si nous avons des oreilles pour entendre, nous avons-là un petit manuel du guerrier de la nouvelle conscience.
Dans le combat qui a lieu en ce moment, si nous devons manifester, je dirais que nous devons le faire en silence parce que.... il suffit que quelqu'un ouvre la bouche et annonce sa vision des choses pour que mille choses dans sa façon de voir, de dire ou d'être heurte nos propres conceptions. Dès que nous ouvrons la bouche, c'est la porte ouverte à mille conflits possibles. Or, par-dessus tout, nous devons nous unir.
Ensuite, tout au long de son travail de transformation avec cette nouvelle conscience, et cela a pris quelques décennies Mère est souvent revenue sur cette immobilité réceptive.
Si nous devons manifester, nous devrons apprendre à rester immobile, trouver à l'intérieur de nous cette immobilité ouverte et réceptive, car c'est cela qui nous donnera la force et le pouvoir.
Remarquez qu'il n'y alors aucun combat, aucune tentative de lutte dit Mère, c'est par la vibration de cette force, tellement puissante, que nous pourrons conquérir. Mère, cette vieille femme selon les apparences, parlaient d'une force à écrabouiller un éléphant. Encore faut-il pouvoir l'incarner ! Et pour ça, il faut un corps très calme, très stable, très immobile. Ça, cela aura le pouvoir, non nos conceptions plus ou moins savantes, plus ou moins construites de ce qui devrait être fait.
Commençons par nous entraîner à cette immobilité silencieuse. Chez nous, de façon quotidienne, dans nos vies de tous les jours, dans notre entourage. Pour le moment, c'est peut-être la meilleure chose que nous puissions faire, la plus utile et la plus nécessaire.