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Publié par pascalemmanuel

Pendant plusieurs années Satprem raconte dans ses Carnets d'une Apocalypse avoir eu beaucoup de difficultés physiques pour trouver comment laisser passer la force supramentale dans son corps, jusqu'à qu'il découvre qu'il ne s'agissait pas tant d'une question de posture que de respiration.

Par ailleurs, il revient aussi à plusieurs reprises d'un nouvel oxygène et d'une respiration nourrissante.

Ça, c'est l'une des plus formidables et réjouissantes perspectives de notre évolution future : la fin possible de l'esclavage de la nourriture.

C'est la raison pour laquelle je me suis dis qu'il serait peut-être utile de nous entraîner avec quelques techniques respiratoires pour nous préparer en commençant par amener une certaine conscience dans notre façon de respirer. J'ai partagé dans un article précédent quelques techniques simples. 

Chez Satprem tout semble parti d'une expérience dans l'invisible où Sri Aurobindo-Mère lui apprirent "à visser la bouche du cheval". Expression très curieuse qu'emploiera très souvent Satprem pour évoquer un imperceptible mouvement de la mâchoire lié à la respiration. Cette petite chose est s importante, si centrale qu'entre 1989 et 1996, il reviendra dessus des dizaines de fois. 

Pour l'immense majorité des gens, moi compris, ces informations sont sans doute très prématurées ; nous n'en sommes pas là dans le processus de transformation. Pourtant, qui sait, il y aura peut-être une personne que cela aidera et puis, je voulais aussi semer cette graine au cas où demain, l'année prochaine, quelque chose de cet ordre nous arrive et nous fasse mieux le reconnaître... parce que nous aurons lu quelques expériences de Satprem.

Parce que le processus entamé par Sri Aurobindo, poursuivi par Mère puis Saptrem concerne toute l'espèce humaine et il est très probable que d'autres vivent déjà des balbutiements de transformation. 

Cela fait plus d'un an maintenant que j'ai des douleurs "étranges" (et parfois plutôt intenses) au niveau des épaules et plus récemment du cou. Étranges en ce sens que ces douleurs apparaissent surtout pendant des méditations où je suis sensé entrer dans la détente, le calme, la relaxation et s'estompent souvent sitôt que je sors de mes intériorisations. Alors, il y avait un petit point dans ma tête qui me disait que, peut-être, ces douleurs étaient liées à une difficultés dans cet endroit du corps de recevoir et de laisser circuler la force. 

Et en recherchant les passage où Satprem avait employé cette étrange expression, j'ai eu la confirmation que le premier passage difficile se situait au niveau des épaules et du cou. Ma pensée n'était pas donc pas tout à fait saugrenue, même si ce n'est pas une preuve en soi. Rien n'est une preuve. 

Avec les extraits des Carnets nous verrons à quel point le processus de transformation est formidablement concret, rien a voir avec les psychologies ou les spiritualités traditionnelles plus ou moins éthérées. Mère parlait de la bouillie bouillante, d'une force à écrabouiller un éléphant, Satprem a parfois évoqué la sensation d'être traversé par un bulldozer....

Avec cette "spiritualité-là" nous sommes face à une Force d'une incroyable densité... qu'il s'agit d'apprendre à recevoir. 

Notons enfin que le cheval est un symbole védique des énergies. 

Visser la bouche du cheval

Passons maintenant en revue les passages où Satprem parle de "visser la bouche du cheval". Tout est parti d'une vision où Sri Aurobindo est venu lui montrer-expliquer quelque chose.

Je doute que vous trouviez cette compilation nulle part ailleurs. C'est un outil de travail pour les personnes en chemin. 

Carnets du 8 janvier 1989

Dans la nuit du 2 au 3 janvier (ou du 1er au 2, je ne sais plus) j'avais vu quelque chose, une de ces visions de la nouvelle conscience, qui répondait à la question que j'avais si souvent posée à Mère et à Sri Aurobindo, parce que je ne savais pas comment faire pour respirer et je ahanais comme un bûcheron avec chaque Masse nouvelle qui descendait, mais en ouvrant la bouche ou la mâchoire pour laisser pousser ce «han», cela tirait les muscles du cou et tous les tendons qui se ramifient entre les dernières vertèbres cervicales et les omoplates, mais serrer la bouche semblait aussi provoquer un autre genre de contraction.

Et voici ce qu'Ils m'ont montré pour bien me faire comprendre, avec leur Sollicitude merveilleuse (c'est toujours tellement émouvant de s'apercevoir qu'Ils veillent).

J'ai vu un formidable cheval blanc, mais alors si formidable, (pas le genre «cheval de course», mais le genre « cheval de labour» : énorme, dix fois plus gros et grand que les lourds chevaux de labour que nous connaissons).

Sur ce cheval, il y avait un être que je ne voyais pas ou dont je voyais juste les fesses, et qui devait être assez formidable aussi parce qu'il occupait tout le dos de cet énorme cheval (il n'y avait pas de selle, il montait «à cru») (et on aurait dit que tout le haut du corps de cet être avait été coupé, comme on coupe une photo, pour que je ne voie pas qui était là - mais je le devine!).

Et alors, cet être, toutes les deux ou trois secondes, très régulièrement et presque mécaniquement, se penchait par-dessus l'encolure du cheval et je voyais son bras qui donnait une sorte de nourriture au cheval - ce n'était pas une nourriture matérielle, c'était une sorte de substance blanche et fluide.

Puis, dans un deuxième temps, j'ai vu ce formidable cheval allongé sur le côté, et moi armé d'une pince ou d'une clef anglaise. Je voyais les deux manches brillants ou nickelés de la pince), qui vissais un «mors» (ou quelque chose qui était peut-être un mors) au coin de la bouche du cheval. C'était si étonnant, cette clef anglaise et moi qui vissais cette formidable bouche ! Et puis c'est tout.

J'en ai conclu (si bête que je sois, même en garçon d'écurie! encore un métier de plus !) qu'il fallait garder la bouche bien fermée et qu'ils me nourrissaient avec chaque respiration.

Ils me nourrissent. Cette «foudre», c'est la prochaine nourriture. Ou le prochain «air ». C'est ce qui doit remplacer la vieille énergie vitale qui nourrit les plantes et les animaux - tout le vieux système évolutif.

La «vie» = la mort.

Carnets du 19 mars 1989

Ce que le corps a cru comprendre finalement : garder l'inspiration aussi profonde que possible en dépit de l'écrasement grandissant qui accompagne chaque expiration. 

(Chaque inspiration tire la Puissance par le sommet du crâne et chaque expiration la fait descendre jusqu'aux talons – chaque étage de la colonne vertébrale est un « verrou» particulier.) (Visser la bouche.) On verra demain. 

Carnets du 27 mai 1990 

Bien sûr, Ils ne peuvent rien «dire » dans ce séisme équestre foudroyant ! c'est un équilibre rythmique d'un million de microscopiques éléments du corps (muscles, tendons, fibres, nerfs, articulations, vertèbres... etc.). Il faut trouver l'équilibre, le rythme, et c'est seulement le corps qui peut le trouver peu à peu à force d'un million de petites, microscopiques expériences «désagréables » et un peu déchirantes. 

Alors c'est mieux «compris ». 

Il faut vraiment être comme un cavalier sur un cheval foudroyant – faire corps. 

Mais un corps c'est un milliard de choses qui marchent ensemble.

*

Ils m'ont dit l'essentiel : « être debout sur le cheval », «c'est tout un ,,, et «visser la bouche», et aussi «ça ne fait rien si ça tache un peu le vêtement. » 

J'ajouterai : si on coince la Foudre en haletant ou de quelque façon, cela devient écrasant et dangereux. 

Généralement, au bout de cinquante, cinquante-cinq minutes ou une heure, le corps commence à trouver que «ça suffit ». 

Finalement on fait comme on peut ( !) 

*

C'est fou, cette Puissance. Ils veulent vraiment quelque chose de radical – et rien-rien-rien à voir avec tout ce qu'on connaît, matériellement et spirituellement. Un formidable Nouveau. 

C'est un nouveau Divin et une nouvelle Matière. 

Carnets du 24 février 1991

J'ai donc mis cinq mois à comprendre la position que Mère voulait me faire prendre... (j'avais pensé que c'était une «position de repos » après le travail ! pour laisser la foudre s'apaiser.. . un peu, parce que je ne savais plus comment poser, fourrer mon corps après l'opération.) Mais si j'avais compris plus tôt ce «cou rejeté en arrière », je me serais épargné bien des supplices. 

Et Sri Aurobindo m'avait bien montré qu'il fallait visser la bouche.. . avec une clef à molette (!) (C'était plutôt une sorte de pince avec de longs manches nickelés, je la vois encore.) 

La difficulté est que l'on ne peut pas rester en permanence dans cette « position foudroyante », il faut bouger, se mouvoir, faire des gestes, et la Foudre ne s'arrête pas. Alors le déchirement est grand. 

C'est ce qui me fait dire que cette Matière même doit changer, sous l'action de cette «foudre ». Le « fait physique », disait Mère.

Peut-être que cette «bouilloire » finira par faire fondre tout ça ? 

Carnets du 8 mars 1991

La seule façon d'éviter (un peu) cette crampe de fer, c'est de visser à fond la bouche. Mais on ne peut pas être en permanence clans cette position de bombe ou cette marmite de foudre... 

C'est très terrible, chaque seconde. 

C'est tout le système animal tel qu'il a évolué depuis des millions d'années qui doit changer... 

En tout cas, tout ce qui s'est organisé autour d'un squelette. 

Évidemment cette Foudre veut changer tout ça. C'est évident, expérimental, vécu. Mais le moment du changement de composition ?? 

Cette Foudre, c'est le moyen même. Il y aura tout de même «une seconde où,, ... Un peu «awesome ,, [effrayant].

Carnets du 9 mars 1991

C'est si difficile de visser la bouche sur cette espèce de bombe bouillante et d'enfourner à chaque seconde une nouvelle dose de respiration explosive. Pendant cinquante minutes. 

C'est un écrasement fou. Comme une implosion interminable. 

Carnets du 13 mars 1991

La seule chose qui reste impérative, c'est de visser la bouche pour respecter la circulation de cette foudre. 

Carnets du 13 mars 1991

Intéressant... Ce matin, j'étais allongé dans cette «position de la bombe », la tête rejetée en arrière dans un creux au pied de mon lit, lorsque, soudain, il y a eu un «changement de secteur » (ce qui ne m'arrive jamais dans cette «situation-là » !) et j'ai vu, pendue au plafond, exactement au-dessus de ma tête, une sphère de couleur blanc laiteux (au moins aussi grande que ma mappemonde) avec une petite «valve » de couleur argentée juste au-dessus de ma tête (dans la partie basse de la sphère).

Cela pouvait ressembler aux systèmes de «goutte-à-goutte» dans les hôpitaux ! Mais alors, je me suis souvenu de cette vision que j'ai eue, si importante : l'énorme cheval blanc monté par un invisible cavalier, et toutes les deux ou trois secondes je voyais un grand bras qui se penchait sur l'encolure du cheval pour lui donner ou le nourrir d'une substance d'un blanc laiteux, exactement comme la couleur de cette sphère au-dessus de ma tête! (C'est dans cette même vision que l'on me montrait qu'il fallait «visser la bouche du cheval» – Dieu sait qu'il faut «visser» !) 

Carnets du 18-19 avril 1991

C'est une lutte si féroce pour visser la bouche sur cette bombe. 

Carnets du 16 mai 1991 

La densité ou la compression devient si grande dans la «bombe » que chaque dose nouvelle de foudre ou chaque respiration, à chaque seconde déchire la jonction du cou et des épaules et demande un effort si terrible, presque impossible, pour visser la bouche (ou la valve) sur cette effrayante Densité et l'empêcher de refluer vers le haut. .. 

Alors on ne peut pas s'empêcher de respirer en dépit du bourrage absolu de la bombe et de faire entrer une nouvelle dose de foudre. On visse désespérément la bouche sur cette compression folle, et tout le haut des épaules, le cou, deviennent comme une barre de fer brûlante et déchirante. On ne sait pas comment faire et on le sait de moins en moins. Il faut tenir jusqu'à l'«explosion», s'il y en a une. 

C'est peut-être bien tout ce barrage atomique du corps qu'il faut «forcer», tout ce scaphandre ou cette capsule irréductible. La tombe corporelle. 

«La montagne féconde s'ouvrit en deux», dit le Véda... 

J'ai bien l'impression que c'est cela, le «processus » de l'espèce nouvelle. Je n'en vois pas d'autre. 

Il ne s'agit pas de «vaincre la mort», qui semble un processus très sage en l'état actuel de cette pseudo-humanité surabondante, mais de défaire le principe évolutif tel qu'il existe depuis quatre milliards et demi d'années : reproduction, nourriture, cannibalismes divers et prison à perpétuité. La sauvagerie, dont nous sommes les derniers spécimens «éclairés ». 

Carnets du 19 mai 1991 

Cette après-midi j'ai tenu pendant vingt-trois minutes ( !) 

Avec un certain mouvement continu des épaules, du bassin et des genoux, et une certaine façon de visser la bouche, on arrive à écraser l'une sur l'autre les doses de Foudre sans leur laisser le temps de refluer. Mais c'est un écrasement inimaginable et un effort «surhumain ». Et naturellement «ça » cogne contre l'obstacle sous les pieds. 

Mais le «mouvement» a l'air plus automatique et plus synchrone qu'autrefois.

30 décembre 1991 

Voilà, j'ai mis plus de cinq ans à comprendre ce «mouvement de la bouche» (des mâchoires plutôt) et comment il faut la visser et à quel moment, et à quel point (comme des tenailles). 

Et l'écrasement est plus formidable que jamais – plus écrasant qu'avant mon départ pour Genève. 

 

Carnets du 14 juin 1992

Je pensais qu'en marchant dans l'allée de Land's End, je «diluerais » un peu la Puissance et que ce serait plus «manœuvrable » que ma chevauchée habituelle, mais hier, après la marche, j'ai été pendant des heures (à chaque seconde) dans un tel péril «explosif » – je ne savais plus où poser mon corps ni comment visser (ou dévisser plutôt) ma bouche, chaque seconde était comme « au bord de» – je me demande si je dois continuer ce genre de processus ambulant... J'ai fini par m'endormir à onze heures du soir, après sept heures explosives dont chaque seconde était... je ne sais quoi.

Carnets du 20 juillet 1992

Hier, 19 juillet, par hasard, le corps a découvert la vraie façon de visser la bouche ! Voilà près de dix ans que je cherche ce mouvement. Ça a l'air tout à fait idiot et cela fait une formidable différence (surtout pour le déchirement des épaules et du cou).

Le vrai« mouvement de la bouche», c'est qu'il n'y ait pas de mouvement ! C'est une façon de visser les mâchoires sans les bloquer – c'est indescriptible, ce sont de microscopiques «nuances» anatomiques !

Combien de milliers et de millions de faux mouvements pénibles avant de trouver le simple juste !

Mais voyons si c'est un «juste» pour longtemps ! En tout cas, aujourd'hui aussi «ça» fonctionne! Mais alors, cet écrasement... est-ce qu'une bombe peut se remplir de plus en plus ? – et pourtant elle ne cesse de se remplir !

Carnets du 12 août 1992

«Visser la bouche du cheval» est le mouvement le plus difficile dans toute cette carrière inconnue.

C'est probablement aussi difficile que de passer de la bouche du poisson au museau du phoque... en quelques années. C'est de l'évolution concentrée ! C'est comme de visser la fusée d'une bombe avec ses mâchoires. Une bombe à emplissage perpétuel. Alors il faut ouvrir-fermer-ouvrir-fermer-ouvrir visser et revisser – c'est cela la difficulté.

Mais ce n'est pas une bouche extérieure, comme la bouche du poisson : ce sont comme des clapets internes, deux clapets, à la base du cou, de part et d'autre, à hauteur des clavicules (un peu au-dessus). Un peu comme dans une forge aspirante et refoulante, je suppose. Mais c'est de la foudre qui passe par ces clapets et va pilonner en bas, et alors elle reflue parce que tout ne passe pas directement comme un tuyau ouvert dans le sol.

Et alors, s'il y a la moindre irrégularité ou défaut de synchronisation entre le clapet de droite et celui de gauche (ou une obstruction plus grande à droite qu'à gauche), cela fait un déchirement affreux : tout tire plus d'un côté que de l'autre, et les innombrables fibres, muscles, tendons font un innombrable carrousel. Il y a dix mille manières de mal visser ces clapets ou de les faire fonctionner asynchroniquement ( !)

(…)

Le corps croit avoir «compris » un mouvement et cinq secondes après ou deux respirations après, il ne le comprend plus. Alors il est comme le nageur dans la vague qui boit une première «tasse», puis une deuxième... et c'est critique. Et ainsi de suite.

Le corps est perpétuellement à essayer de comprendre ces vagues de foudre, l'une après l'autre, et apparemment il ne comprend pas grand-chose. C'est une pauvre bête. Il se demande pourquoi il a cette bouche malencontreuse.

Après tout, il est bien symbolique que la bouche soit l'organe le plus difficile et le plus irréductible.

Évidemment, tout ce que je dis là est incompréhensible pour les autres. C'est pourquoi Sri Aurobindo n'a rien dit. Tout cela n'a plus rien à voir avec les éléments que les humains connaissent : l'eau, l'ai, le feu – c'est un autre élément.

Mais c'est la vieille physiologie-anatomie qui doit l'affronter.

Ce qui désespère le corps, ce n'est pas la douleur, c'est de ne pas comprendre.

Sur 10000 mouvements, il n'en comprend pas un – c'est toujours différent, rien qu'il puisse fixer.

«Visser la bouche», il y a 10 000 manières de la mal visser! et de se déchirer. Alors le corps cherche-cherche désespérément la bonne manière.

Comment visser la bouche d'un volcan ?

Carnets du 22 août 1992

Tout de même, ce squelette, depuis quelques jours, semble avoir trouvé une manière moins déchirante, mais c'est très intermittent.

Il est peut-être sur la piste ?

Toute la difficulté tourne autour de ces épaules et de la manière de «visser la bouche».

Carnets du 2 septembre 1992

J'apprends des choses aussi idiotes que non seulement il faut visser la bouche mais il faut aussi savoir l'ouvrir ! (selon le rythme respiratoire de la «foudre»). (Pas «ouvrir» vraiment mais «faire glisser » au-dedans.)

Carnets du 10 septembre 1992

C'est l'écrasement du maxillaire supérieur (avec toutes ses fibres) sur le maxillaire inférieur (avec toutes ses fibres) qui fait toute la difficulté – fus que «visser la bouche», c'est problématique.

Tout de même, à travers ces milliers de faux mouvements ou de «mauvaises secondes », il se dégage une sorte de «pattern » Ue ne trouve pas de meilleur mot en français) ou une sorte de «principe» anatomique, ou de «façon», ou de «tracé» qui laisse pressentir ou deviner ce qui serait le mouvement le plus favorable ou le mieux adapté- c'est ce que j'appelais la «formule »... Ce n'est pas encore au point, mais il n'y a plus cette sorte de supplice ou de « crochet de fer ».

On arrivera peut-être« au point» ...

C'est comme de chercher le «mouvement de la brasse» dans une tempête !

(En tout cas le corps semble savoir ce qui est franchement nocif ou à éviter...)

Carnets du 12 septembre 1992

Voilà la dernière «formule» (avec pas mal de «ratés»), mais on se rapproche du mouvement favorable pour« visser la bouche du cheval» ...

Enfoncer gentiment (sans forcer) la mâchoire supérieure (sans enfoncer) et ne pas laisser glisser la mâchoire inférieure. Un balancement léger.

En même temps que la mâchoire supérieure s'enfonce, les muscles de la mâchoire inférieure doivent glisser en avant.

J'aurai tout de même mis presque dix ans à trouver ce mouvement !

Voyons la Formule de demain ...

Carnets du 13 septembre 1992

Il faut arriver à un certain automatisme Divin, parce que c'est une question de microsecondes et de micromillimètres – c'est de la foudre, n'est-ce pas, on ne peut pas «se rappeler» du mouvement à faire – il faut qu'il se fasse et vite ! à la microseconde.

Mais il semble que le mouvement pour «visser la bouche du cheval» soit mieux «compris» par le corps.

Mais alors, cet écrasement... fou.

C'est ce «balancement» de la bouche autour d'un «axe» invisible (le mors du cheval) qui est si... difficile. Les quarts de seconde comptent. Sinon on se déchire d'un côté ou de l'autre du «passage» (cou-épaules).

Comment on n'éclate pas ?

Carnets du 26 septembre 1992

Je suis toujours dans les 10 000 manières de visser la bouche, et pourtant, toujours le corps cherche ou espère, inlassablement, qu'il va trouver ou attraper la «bonne manière» – à chaque seconde il «étudie», essaye, essaye...

Probablement il cherche la «quadrature du cercle», mais l'important est de continuer.

Carnets du 3 octobre 1992

J'ai donc mis presque quatre ans à trouver (à peu près) la « bonne manière» de visser la bouche ! ! Exactement trois ans et neuf mois. Ce sont des tonnes de Puissance qui passent par là.

Carnets du 4 octobre 1992

Un certain «automatisme divin» semble s'être installé dans cet impossible mouvement de la bouche qui fait jouer simultanément des milliers de fibres en une microseconde. Plus de déchirement atroce. Mais un écrasement démesuré... (Probablement la Puissance se sent plus «libre» !) C'est une Grâce. En fait, voilà des années et des années que le corps cherche ce mouvement. C'est comme un premier animal terrien qui apprend à vivre, sans mère préalable – sauf la Grande qui conduit invisiblement (mais tangiblement). Mais il faut une attention corporelle de chaque seconde, sans relâche. C'est peut-être cela, «l'enfant qui engendre ses propres mères», dont parle le Véda ? (Tout de même, Elle m'a montré qu'il fallait visser la bouche !) (Elle m'a montré chaque pas et chaque étape, en fait, avec une Sollicitude sans mesure.)

On vit des choses suprêmes dans une grande ignorance – qui sait malgré tout.

Carnets du 16-17 octobre 1992

C'est curieux, chaque matin, tout ce que le corps croyait avoir découvert la veille n'est plus découvert du tout ! Comme si tout était à réapprendre sans cesse. Pas commode.

Tout de même, le «principe général» est mieux compris, mais pas une seconde (ou deux secondes de suite) il n'est maîtrisé.

C'est-à-dire qu'il faudrait maîtriser en même temps des dizaines de milliers de microscopiques «choses »... eh bien...

S'il y en a une seule qui coince, tout coince. Il faut une immense patience. Enfin, il n'y a pas à se plaindre : depuis le 13 octobre «quelque chose » est un peu mieux compris dans ces «bielles» ou dans cette manière de visser la bouche (et surtout de la dévisser à la seconde voulue !).

Il faudrait être en caoutchouc et nous sommes en fer. C'est notre malheur corporel !

Carnets du 23 octobre 1992

Le mouvement de va-et-vient des deux «bielles» est, je crois, bien compris par le corps, c'est-à-dire le mouvement de balancier pour visser (et dévisser) la «bouche du cheval». Maintenant je comprends bien pourquoi Il me faisait tenir des pinces ou des tenailles pour visser la bouche...''

C'est, en effet, une «respiration rythmique».

Jusqu'à présent, c'est vraiment le passage ou le mouvement le plus difficile que je connaisse.

Mais le corps se sent sur la bonne piste (jusqu'à nouvel ordre !).

(En tout cas, il n'y a plus ce déchirement atroce – Dieu veuille.)

(…)

Comme dit si exactement le Véda :« Their rein ofcontra! is in its nostrils" (des chevaux) ... «The whip of their ur- ging falls on its Zains" ! [Leur rêne de contrôle est dans ses narines... Le fouet de leur pression tombe sur ses reins] (merveilleux d'exactitude). Rig Véda, dixième hymne aux «Maruts» (V.61)

C'est un« rythme» un peu terrible, comme une locomotive à vapeur (d'ailleurs, on dit des « chevaux-vapeur » !).

Et tout est dans ce mouvement pour «visser» correctement la bouche, à la fraction de seconde voulue.

Peut-être le premier amphibien ne s'étonnait-il pas autrement de ce mouvement respiratoire.

La ténacité corporelle à trouver le vrai mouvement respiratoire, vient peut-être du premier Souvenir d'un air divin et d'une respiration divine. Les vieilles cellules savent ce que nul ne sait.

Ils croient tout savoir avec leur tête, mais ce sont des ânes même pas savants.

C'est vraiment le début d'une Vie Nouvelle sur la terre.

Carnets du 1er novembre 1992

Je sais de moins en moins comment visser la bouche de ce cheval... C'est tout le contraire de ce que je croyais «bon» la veille. Rien n'est jamais découvert. Simplement on vit de jour en jour ou de seconde en seconde... sans savoir très bien comment on fait pour vivre.

Voilà quatre ans que je me débats avec cet «impossible » mouvement.

Carnets du 9 novembre 1992

Encore découvert une nouvelle manière de visser la « bouche du cheval » ( !).. .. ..

D'impossibilité en nouvelle possibilité... impossible, on avance ... ( ?)

(En tout cas, on tient.) On est bourré comme une bombe.

Carnets du 12 novembre 1992

Il faut une «clef foudroyante» pour visser cette bouche...

C'est un quadruple mouvement (les deux côtés de la mâchoire du haut et les deux côtés de la mâchoire du bas, avec toutes leurs attaches) qu'il faut «contrôler» synchroniquement, en une fraction de seconde!... Vraiment, il n'y a que le Suprême dans la matière qui peut se mêler de cela! (je crois qu'il s'en mêle!)

Millimètre par millimètre on se rapproche, ou semble se rapprocher, de la «manière» favorable...

Carnets du 17 novembre 1992

Le corps reste avec son éternelle prière : si seulement je comprenais mieux le mouvement...

Il ne sait toujours pas comment on fait pour «visser la bouche» de ce volcan, sauf par moments de grâce qu'il ne sait pas recopier.

Carnets du 26 novembre 1992

Le corps a retrouvé (à peu près) et presque compris le mouvement de cette «respiration rythmique» si extraordinairement lente qu'il avait découvert le 14 novembre.

(...)

Cette formidable lenteur écrasante – un beau cadeau de naissance ( !)

C'est probablement le vrai mouvement pour «visser la bouche du cheval» ... (3 janvier 89)

Carnets du 21 décembre 1992

La résistance devient si grande. Il faut visser la bouche sur une bombe de plus en plus pleine.

Et comment faire ? Comme s'il n'y avait plus de «passage», ou un passage de plus en plus «étranglé».

 

Carnets du 4 janvier 1993

Je n'arrive plus à visser la bouche de ce volcan sans me déchirer à chaque seconde – quoi faire ?

L'obstruction est si grande. Ce matin, je me suis réveillé avec ces paroles : «ça glisse- ça glisse ! » On est supplicié.

Carnets du 1er février 1993

Le plus incompréhensible de tous ces mouvements, c'est ce qu'il faut faire pour «visser » cette bouche. Je suis dans la même imbécillité depuis neuf ans. Cela fait beaucoup de mauvaises secondes.

Carnets du 5-8 mars 1993

J'ai enfin trouvé la formule, et quand j'y songe, c'était la formule évidente, mais il fallait que ce soit le corps qui découvre l'évidence par la force des choses. C'était le 5 mars.

Le 5 mars à midi, après le travail, je me suis plaint à Sujata, j'étais désespéré et dégoûté. Je lui disais : voilà tant d'années (c'était en janvier 89) que Sri Aurobindo m'a montré qu'il fallait «visser la bouche», et après toutes ces années de travail tous les jours et à chaque seconde, je ne sais toujours pas comment faire : tantôt ça tire à droite, tantôt à gauche, ou en haut ou en bas, ici et là! et naturellement ça déchire et c'est un chaos. Chaque fois que je croyais trouver le «mouvement », il était comme déjoué deux secondes après ou le lendemain : ce qui «marchait » sur un point en démolissait un autre et ainsi de suite - il y a des milliers de points ! sinon des millions. On ne s'en rend pas compte tant qu'on vit au naturel, mais dès qu'une Force étrangère au corps intervient, tout vous saute à la figure et on découvre l'innombrable ramification (il faudrait dire les innombrables barricades du corps).

Et le 5 mars après-midi, le corps a trouvé... je ne sais comment à vrai dire, mais peut-être qu'il a cédé ou compris la stupidité ou l'incapacité de toute sa mécanique anatomique et qu'aucun «mouvement » ne déjouerait jamais ces innombrables obstructions.

Voici ce que j'ai noté en bref sur un bout de papier le 5 mars au soir :

«Le mouvement immobile ! (C'était cela, le "point d'équilibre miraculeux" !) Ça se passe tout seul! sans rien à visser. Mais c'est millimétrique et fragile .. . J'avais déjà observé cela plusieurs fois "par hasard" et j'appelais cela la "roue libre"! Le moindre faux mouvement ou intervention mécanique, ce sont des tonnes subites qui viennent déchirer et écraser. Alors on s'aperçoit de ce qui se passe ou de ce qui passe...

Question de millimètre. »

Je serais incapable de décrire ce qu'il faut faire parce que c'est incompréhensible pour tout corps qui n'est pas soumis à cette Formidable coulée solide – cette Tempête vraiment. Il faut être là-dedans pour comprendre les innombrables millimètres de barrière.

Il y a, en effet, une bouche à «visser », mais pas du tout comme notre mécanique l'entend : c'est un certain équilibre très immobile entre la mâchoire supérieure et la lèvre supérieure, et la mâchoire-lèvre inférieure.

Il y a seulement un imperceptible glissement ou balancement presque immobile des lèvres l'une sur l'autre selon la pression même de la Puissance, en obéissant à la Pression ou au Mouvement de la Puissance, mais si, une fraction de seconde, le vieux réflexe mécanique s'en mêle, on est instantanément écrasé et déchiré par ces «tonnes subites », qui alors peuvent tout démolir en une fraction de seconde.

C'est une question de «laisser-faire» dans une concentration... folle, pourrait-on dire, pour ne pas avoir de mauvais réflexe. C'est comme de se laisser porter par la tempête au lieu de lutter contre ou même d'essayer de nager – et pourtant ce n'est pas passif parce qu'il faut cette concentration corporelle si intense pour ne pas lâcher l'«équilibre » ou l'«axe» pendant une fraction de seconde. C'est indescriptible. Mais c'est trouvé, le corps a trouvé. La tempête reste, l'écrasement reste, mais plus le chaos.

Dès que l'anatomie veut «mécaniser » le mouvement ou «fixer » le mouvement (comme dans tous les mouvements naturels), c'est le chaos suppliciant.

Mais c'est fragile et millimétrique... Et très difficile à supporter pendant des heures de suite.

*

Aujourd'hui, dans Savitri, j'ai traduit ces vers : «La mortalité supporte mal. .. cet assaut d'éther et de feu.»

"La mortalité supporte mal le loucher de l'éternel

Elle craint la pure intolérance divine

De cet assaut d'éther et de feu..."

Ils diront que ce sont des «images » poétiques...

Carnets du 12 avril 1993

Tout de même, le corps commence à comprendre un peu le fonctionnement de la tempête. C'est évidemment trop puissant et surtout trop rapide ou foudroyant pour que tout comprenne en même temps ! Mais à force de centaines de milliers de mauvaises secondes, quelque chose se reconnaît là-dedans. Il faut longtemps évidemment pour s'y reconnaître... Mais c'est la piste qui commençait à se découvrir le 26 novembre dernier. .. il y a des milliers d'obstructions, mais quelque chose commence à être compris, c'est-à-dire que le corps comprend mieux le rythme et la façon de visser la bouche de cet impossible cheval.

Carnets du 5 juin 1993

Tout de même, il semble que le corps ait trouvé une manière plus «favorable» (ou moins défavorable!) de visser cette maudite bouche.

C'est une perpétuelle tempête de feu dans ce corps (sauf quand je peux dormir).

Plus exactement: ce n'est pas que le corps soit «dans» une perpétuelle tempête : il est «secoué par» une perpétuelle tempête de feu.

Le corps tangue et roule et s'enfonce et se redresse. Et il est chargé de plomb « like a ship that is full» - exact. Ça n'a jamais été si déchaîné.

Carnets du 23 juin 1993

Le corps se dit : il doit bien y avoir un mouvement plus naturel pour visser cette bouche, mais il n'arrive pas à trouver ce naturel-là.

Carnets du 4 juillet 1993

Je crois tout de même que ce que le corps a trouvé le 30 juin était une vraie «formule », ou en tout cas une découverte provisoirement favorable !

Depuis le 3 janvier 89 je croyais qu'il fallait «visser la bouche», mais je vissais (énergiquement) les mâchoires (les os maxillaires), puis je me suis aperçu qu'il fallait non seulement fermer la bouche mais l'ouvrir aussi !

Puis je me suis aperçu que ce n'était pas le «rythme » anatomique qu'il fallait suivre mais le mouvement même de la Puissance...

Puis, puis, puis... Finalement, le 30 juin (de cette année!) j'ai compris qu'il ne fallait rien «visser » anatomiquement mais suivre une certaine bascule ou un certain glissement des muscles de la lèvre inférieure qui, en effet, «vissent» la bouche sans la visser, sous la pression même du mouvement de la Puissance.

Carnets du 14 juillet 1993

Cette nuit, au milieu de la nuit, je me suis réveillé avec le son OM que j'étais en train de répéter et répéter. Alors je me suis vu avec une sorte de cordelière rouge vif autour du cou – une cordelière ou une sorte d'écheveau fait de nombreux fils soyeux comme on s'en sert pour raccommoder ( !)

Et, je ne sais comment je faisais basculer rythmiquement ou régulièrement cette corde rouge vif d'avant en arrière et d'arrière en avant autour de mon cou - exactement quelque chose qui devrait ressembler à ce difficile mouvement pour « visser la bouche du cheval».

Avec chaque «bascule» je répétais le son OM – c'est cela qui m'a réveillé : je répétais et répétais. Cette «bascule» de la corde ne passait pas par-dessus ma tête (!) mais à l'intérieur de mon cou.

Puis je me suis vu avec cette sorte de chemise-sweater bleu foncé, de velours bleu foncé (comme je l'ai porté longtemps) et il y avait une échancrure assez mince et étroite, au milieu de la chemise, descendant vers la poitrine ou sternum, et par cette échancrure je me voyais avec une petite chemise très blanche au milieu de ce bleu foncé. Tout cela était très précis.

Mais l'important était cette bascule de la cordelière rouge vif, qui se répétait avec le son OM.

C'est certainement l'image de ce mouvement «impossible», ou en tout cas difficile, pour «visser» la bouche du cheval.

Le mouvement semblait assez court et régulier – alors que le mouvement que j'arrive à faire est très irrégulier et plus« long» (c'est-à-dire qu'il descend jusqu'en dessous des omoplates).

Ce OM était puissant et beau – régulier. On me montrait peut-être comment il faut procéder... Mais j'ai beau le «savoir», mon corps se débat encore avec ses broussailles (moins qu'avant, c'est moins broussailleux).

Mais autre chose que «montrer», je crois qu'ils faisaient entrer quelque chose dans la conscience ou l'inconscience de ces broussailles.

C'est moins broussailleux mais terriblement «résistant», comme ma chaufferette électrique.

C'est tellement réconfortant de savoir qu'ils sont là et qu'ils veillent – on «sait», mais on est dans une obscurité si totale.

Carnets du 19 juillet 1993

Le corps a enfin saisi la «règle d'or» du principe pour visser cette bouche. Ce n'est pas qu'il soit encore capable de la suivre toujours, il y a encore toute une jungle résistante, mais cela veut dire que la «circulation du Niagara» devient perceptible d'une façon plus précise dans cette physiologie.

Ce n'est plus une espèce de masse indistincte et ténébreuse et tout à fait ferrailleuse.

Mais cet écrasement fou est tout à fait impérieux (ou «impétueux», comme diraient les Rishis) ...

Évidemment on ne peut pas suivre cela abstraitement sur un schéma anatomique, il faut que ce soit le corps lui-même qui débroussaille et comprenne.

Pour parodier les Latins (et Sri Aurobindo) on pourrait dire respirando solvitur !

Carnets du 20 août 1993

Ce mouvement de bascule pour «visser la bouche» est d'une folle complication - plus je «comprends» la circulation, plus je «vois» la difficulté. C'est vraiment un nid de milliers de misères.

Il faut faire cela sous une pression «à écraser un éléphant» et à la vitesse de la foudre – chaque seconde !

Mais tout de même, c'est mieux «compris» et il y a moins de chaos qu'autrefois.

(J'ai quand même appris un «détail» très capital aujourd'hui – il y en a beaucoup...)

Carnets du 21 septembre 1993

J'ai de plus en plus de mal à visser la bouche de ce volcan.

Carnets du 29 novembre 1993

L'énorme difficulté anatomique vient surtout de la vitesse foudroyante du mouvement : le temps qu'il faut pour ouvrir et fermer la bouche est trop lent pour cette vitesse-là, alors il est perpétuellement en retard (si je puis dire) d'une fraction de seconde, d'où le chaos perpétuel – au bout de deux ou trois secondes, le corps ne sait plus où il en est, s'il respire ou expire ou quoi, il se débat comme un noyé, et pourtant il sait ce qu'il faudrait faire pour que le mouvement soit plus juste. Ce «juste »-là est trop lent pour cette foudre-là. Alors ?

Il a eu à peine le temps d'ouvrir la bouche pour l'enfoncement de la «descente» que déjà cette foudre a rebondi et qu'il aurait dû déjà fermer ou visser la bouche («ouvrir» et «fermer», c'est une façon de parler parce que c'est seulement un «glissement» en ouverture ou en fermeture), alors très vite, en quelques secondes, il ne sait plus où il en est... Il ne faudrait plus de rebondissement, voilà tout, une inspiration continue.

Évidemment il n'y a pas à espérer que le mouvement soit plus juste ou plus contrôlable : il faut que le trou soit fait, voilà tout.

On ne sait pas si c'est à des milliers de kilomètres encore où juste à quelques «millimètres»... C'est un trou insondable, ou qui n'a encore jamais été sondé.

Même la foudre que nous connaissons, on a le temps de la voir descendre – plus rapide que notre foudre.

Carnets du 3 décembre 1993

Le corps a mis des années à comprendre la simple différence anatomique du parcours entre l'enfoncement et le rebondissement. C'est encore trop fulgurant et puissant pour qu'il puisse «suivre » sans accroc, mais c'est tout de même «compris », bien que pas trop effectivement...

Peut-être un jour saurai-je «visser la bouche » de ce cheval foudroyant ?

Mais j'ai vu tant de milliers de fois que, chaque fois que l'on croit avoir «compris » quelque chose, ça ne marchait plus trois minutes après...

Ça ne marchera bien que quand il n'y aura plus rien à pilonner au fond ( !)

Pour l'instant, nous sommes dans le chaos divin.

Carnets du 10 décembre 1993

C'est cette incapacité d'établir un rythme respiratoire qui est très terrible. L'anatomie n'arrive pas à suivre. Et quand elle s'efforce de «suivre», ça devient encore plus terrible. Comment visser la bouche de la Foudre ?

Alors... «laisser faire le chaos » ?

Évidemment l'anatomie veut fixer ou mécaniser quelque chose qui n'est pas fixable ni mécanisable (en tout cas, pas plus de trois secondes).

«Rythme », cela veut dire retour régulier de «quelque chose» ...

Cette Foudre-là ne correspond pas à notre «règle » – elle est parfaitement irrégulière ! et hors-la-loi (des hommes).

C'est désolant pour le vieux bonhomme de bonne volonté !

Évidemment Elle veut démolir notre «règle » – ou en tout cas, changer les règles du jeu.

Évidemment Elle bute contre quelque chose de fondamental – c'est le « grim foundation stone » [l'inexorable pierre de fond]. Évidemment aussi, ça ne peut pas « aller mieux» - ce sera pire jusqu'à ce que ça change radicalement... fondamentalement...

Carnets du 23 décembre 1993

«Au milieu de la nuit, j'étais quelque part "en bas" et je me suis vu avec une quantité de gros éclats de bois enfoncés dans ma tête. Beaucoup plus gros que des épines, l'un d'eux était aussi gros que mon poignet et s'enfonçait en pointe au sommet du crâne, et tous ces "éclats" étaient très gros. J'avais la tête comme bardée de ces éclats, ou bardée de ces épines-éclats. Quelqu'un voulait m'aider à les extraire, finalement j'ai tout enlevé moi-même. Puis je voulais montrer ces "éclats" à Sujata et je demandais à ce quelqu'un de les porter "en haut" - il en avait plein les mains !

«Peu après, je me suis vu avec plein de morceaux de fer, quelques-uns gros comme des clous, dans la bouche. Il y en avait en haut et en bas de la mâchoire et de tous les côtés. Surtout un au centre qui était comme un clou. Quelqu'un voulait m'aider à les extirper (avec une pince), mais finalement j'extrayais tout moi-même – une quantité de ferrailles diverses dans les gencives et de tous les côtés.

«Tout cela a sûrement un rapport avec cette manière malheureuse de "visser la bouche du cheval".

«Peut-être que ça ira mieux ?»

C'était ma notation du 11 décembre. Ce n'est pas allé «mieux» mais pire, jusqu'à ce 18 décembre. Mais je me demande maintenant si tous ces «éclats» de bois dans la tête ne correspondent pas à divers centres qui commandent la volonté anatomique et les réflexes ?

Ce serait vraiment un grand changement. Il faut voir si ça se maintient. J'extrayais tout cela moi-même. Cette Nouvelle Conscience est étonnante.

 

 

Carnets du 16 janvier 1994

Cette fois, j'ai trouvé le principe mécanique (depuis hier). C'est la suite de la découverte du 21 décembre. Toute la difficulté vient de ce que cette mécanique corporelle a beaucoup de mal à croire et à comprendre que ces «tonnes de briques» puissent être fluides. En fait, j'ai effleuré des centaines de fois cette découverte, sans arriver à la mettre au point avec les milliers et millions de trucs à coordonner en une fraction de seconde.

Il reste encore beaucoup de «réglages» à opérer – c'est une question de micromillimètres et de microsecondes - mais le principe est trouvé. C'est fragile, c'est précaire, mais le pilonnage semble se faire avec moins de déchirement tout en devenant plus écrasant - on pourrait dire brûlant.

«Visser la bouche», cela ne veut pas dire «visser les mâchoires», et pourtant... Dès que le réflexe «squelettique» s'en mêle, c'est désastreux – c'était un long désastre... Espérons que ce sera moins éprouvant.

Sri Aurobindo m'avait bien montré qu'il fallait «visser la bouche du cheval» – combien d'années il a fallu pour que le corps comprenne (un peu) ce que cela veut dire... ?

Mais je n'ai pas encore trouvé le Rythme – c'est toujours en bordure du chaos, mais un chaos plus contrôlé.

Il y a des quantités de réflexes à «régler», c'est pourquoi j'avais tous ces «éclats de bois» et épines dans la tête, et ces morceaux de fer dans la bouche. (Je les enlevais moi- même !) Ces visions de la Nouvelle Conscience sont d'une exactitude étonnante – et énigmatique.

Carnets du 24-25 janvier 1994

Le «schéma» anatomique du «mouvement de bascule» est à peu près clair dans mon corps, bien que très difficile à suivre tant il est rapide et puissant – et variable.

Cette «bascule» est la clef pour « visser la bouche» de ce cheval.

C'est un peu comme de faire le «grand soleil» de l'acrobate autour d'une «barre fixe» variable.

Mais si je voulais la barre fixe invariable du squelette et de la mâchoire, ce serait, comme pendant longtemps le déchirement ou le crochet de fer atroce.

Comment être souple dans une armure de fer ? C'est un peu cela.

Carnets du 8 février 1994

Je crois que j'ai épuisé les millions de manières de mal visser ou de ne pas savoir visser la bouche de ce volcan furieux et inlassable.

Que faire ?

Carnets du 22 mars 1994

Je crois que j'ai enfin trouvé le principe mécanique ou anatomique de ce mouvement pour « visser la bouche du cheval». Ce n'est pas maîtrisé, loin de là, sauf en quelques successions bien venues, mais c'est compris. C'est le principe. (Anti-mécanique !)

Carnets du 29 mai 1994

Négativement, j'ai trouvé la seule «formule» possible pour ne pas se déchirer... mais c'est un écrasement et un halètement épuisants. Enfin, c'est déjà «quelque chose». (Ce sont tous les muscles et attaches de la lèvre inférieure qui font tous les dégâts déchirants.)

Il m'a fallu quelque dix ans pour «comprendre» cette seule gymnastique-là.

C'est peut-être cela, «visser la bouche du cheval» ? Enfin on cherche toujours à survivre. C'est si fulgurant et écrasant qu'il est difficile de découvrir

toutes les «finesses» de ces foutues fibres musculaires.

Ce matin j'avais retrouvé ce «crochet de fer» suppliciant et j'étais si désespéré qu'il a bien fallu trouver une nouvelle «combinaison» – il y a des millions de combinaisons...

Carnets du 11 juin 1994

Je n'arrive pas à croire que ce soit vrai. J'ai enfin trouvé la «formule» pour visser cette bouche de foudre.

C'est très fragile (minutieux), mais cela arrive tout de même au bout de millions d'expériences... difficiles.

C'est quelque chose d'inexplicable mécaniquement ou anatomiquement, mais c'est comme cela que« ça» peut se passer au mieux, sans trop de déchirement ni de chaos. Cela tient du « mouvement microscopique », mais avec quelques milliers de «nuances». C'est très dur à supporter en longueur de temps et très écrasant, mais je sais, ou le corps sait, que toutes les autres «façons» sont déchirantes ou chaotiques, donc...

*

Mais évidemment tout cela pilonne et pilonne infatigablement « quelque chose» en bas ou en dessous, dur comme du roc, et quand le trou sera fait il n'y aura plus ce «rebondissement» et Ça passera tout droit comme de l'air. .. nouveau.

Tout changera alors.

*

La première barrière, c'est ce passage du cou-épaules. (Le mouvement de la bouche, mâchoires et lèvres.)

Carnets du 20 août 1994

Il n'y a aucun doute que le mouvement mécanique pour «visser la bouche» de ce cheval est mieux compris par le corps, Mais ça devient si impérieusement écrasant...

Mais on comprend bien que c'est ab-so-lu-ment Divin,

C'est seulement dans le corps que l'on peut vraiment comprendre le Divin – et l'aimer.

Le corps comprend très bien le Soleil – et il aime ça, et il sait que c'est ça.

Carnets du 1er septembre 1994

Tout de même la «formule» trouvée le 2 août reste la meilleure «possible» pour visser la bouche de cet impossible cheval.

Dire qu'à une époque (pendant des années) je faisais cela en vissant les mâchoires - c'est fou !

Comment apprendrais-je cela à quiconque ??

À une époque aussi, j'avais même essayé le mouvement allongé, les mâchoires vissées !! c'est dingue – jusqu'au jour où j'ai cm que la tête allait se détacher du tronc !

Allongé est la pire des positions – c'est suppliciant.

Les Védas disaient bien que la «jarre mal cuite» peut casser .

Carnets du 11 octobre 1994

La «formule» pour visser la «bouche du cheval» est décidément mieux comprise par le corps, mais cela devient si écrasant, de plus en plus écrasant.

Carnets du 23 mai 1995

Aujourd'hui, il y avait quelque chose d'un peu différent dans cette impossible manière de « visser la bouche du cheval » (il y a des millions de manières ! et aucune de bonne depuis dix ans !)

Est-ce que j'arriverai à la « bonne manière » ... ?

Carnets du 29 mai 1995

Au bout de dix ans et quelques, le corps a enfin compris ce qu'il faudrait faire pour visser la bouche de ce cheval volcanique*, – mais le mouvement est si foudroyant et microscopique a la fois, et écrasant, mettant en jeu des milliards de fibres « symétriques » en un éclair, que le mouvement est presque continuellement « raté ». Mais le principe est compris. C'est-à-dire que le corps a plutôt compris ce qu'il ne faut pas faire.

* C'est ce que j'appelle « la bascule par en dessous ».

Carnets du 12 juin 1995

Cette après-midi, j'ai encore trouvé.une autre manière (très différente) de « visser la bouche du cheval » – douze ans après ! Et cela a l'air d'être moins «insupportable» ...

(C'est cet « axe » impossible depuis le début !)

Il a fallu l'impossibilité désespérante et suppliciante d'hier pour que le corps s'obstine à trouver le Moyen... quelque « solution » ...

Carnets du 15 juin 1995

J'essaie « la bascule libre » ... (sans visser la bouche.)

Minuit – je ne sais pas comment manœuvrer cette anatomie, d'aucune façon, alors on souffre comme un idiot pendant cinq-six-sept heures de chaque seconde. Et que faire ?

On dit : à Toi, que Ta volonté soit faite, et puis c'est tout. Mais c'est long.

On ne sait RIEN. C'est désolant et suppliciant.

Carnets du 26 août 1995

On ne sait pas comment c'est possible, mais c'est chaque jour plus écrasant.

Je n'aurais jamais pu subir cela avec ma vieille manière de «visser la bouche».

Mais je vois bien qu'il faut une très longue accoutumance.

*

La «Matière», ce que nous appelons matière, c'est la douleur de n'être pas Divin.

On meurt et on peine de n'être pas Divin et pour être Divin.

Carnets du 13 octobre 1995

La « formule » trouvée le 6 août semble toujours valable – avec quelques milliers de variantes en cours de route. Mais avec la vieille formule je n'aurais jamais pu tenir ce qui vient maintenant.

En tout cas je « comprends » mieux ce que veut dire (anatomiquement) «visser la bouche du cheval». Mais plus on comprend, plus c'est écrasant !

La « formule » sera trouvée quand il n'y aura plus de formule ! ·

Carnets du 10 décembre 1996

En fait, ce n'est pas « visser la bouche » : c'est un mouvement de bascule active de la mâchoire inférieure, mais de seconde en seconde l'axe de la « bascule » varie...

La bascule doit toujours « glisser » sous la mâchoire inférieure. Toute intervention de la mâchoire supérieure est déchirante (je me suis déchiré là-dessus pendant des années !)

On fait comme on peut au fur et à mesure (!)

Ce n'est tout de même plus comme le temps où le cou me rentrait dans la tête !

Je présume que c'est comme cela que les premiers amphi- biens sur le sable ont dû « procéder ».

Un jour, ce sera tout naturel !

*

P.S. Il y a un autre « axe basculant » correspondant à celui du cou, c'est l'axe du bassin et des jambes – mais celui-là n'est pas si difficile, sauf si l'on se casse la figure et bascule par terre dans un moment d'inattention.

Et finalement il y a un dernier « axe » sous les pieds... C'est là, ou de là, que ça rebondit.

Je crois bien que je parle hébreu aux poissons !

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