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Publié par pascalemmanuel

À notre rythme de tortue, continuons l'exploration du Yoga de la Volonté intelligente du chapitre X d'Essai sur la Guîtâ.

Revoir partie 1

Revoir partie 2

Pour résumer les deux parties précédentes, Sri Aurobindo nous a expliqué comment les sens perturbent l'intelligence et la volonté ainsi que la nécessité de pratiquer une sorte de retrait des sens.

Ensuite, Sri Aurobindo  insiste sur le fait qu'il s'agit moins de renoncement intérieur au désir qu'un rejet ascétique extérieur. 

Et puis, dans les deux paragraphes suivants (page 120-121), Sri Aurobindo complète son explication et en vient à donner des indications sur la façon de procéder avec cette "éducation" des sens. 

Certes, la discipline de soi, la maîtrise de soi ne sont jamais faciles. Tous les êtres humains intelligents savent qu’il leur faut exercer un certain contrôle sur eux-mêmes, et rien n’est plus commun que ce conseil de dominer ses sens ; mais d’habitude il n’est donné et suivi qu’imparfaitement, de la façon la plus limitée et la plus insuffisante.

Même le sage, l’homme à l’âme claire, avisée, discriminante qui tâche à acquérir une complète maîtrise de soi se trouve néanmoins talonné et emporté par les sens.

C’est parce que le mental se prête naturellement aux sens ; intérieurement intéressé, il observe les objets des sens, s’y fixe et en fait l’objet d’une pensée absorbante pour l’intelligence et d’un puissant intérêt pour la volonté.

De cela vient l’attachement, de l’attachement le désir, du désir l’anxiété, la passion et la colère quand le désir n’est pas satisfait, ou qu’il est mis en échec ou rencontre une opposition, et par la passion l’âme est obscurcie, l’intelligence et la volonté oublient de voir et de siéger en l’âme calme qui observe ; il y a une chute depuis la mémoire du vrai moi, et par ce glissement la volonté intelligente est elle aussi obscurcie, voire détruite.

Pour le moment, elle n’existe plus en effet pour la mémoire que nous avons de nous-mêmes, elle disparaît dans un nuage de passion ; nous devenons passion, colère, chagrin et cessons d’être le moi et l’intelligence et la volonté.

À cela, il faut donc obvier, (*) et l’on doit entièrement placer tous les sens sous contrôle ; car c’est uniquement par une absolue maîtrise des sens que la sage et calme intelligence peut être fermement établie en sa juste demeure.

(*) obvier : prendre les dispositions nécessaires pour faire obstacle à quelque chose, parer à un mal possible (note personnelle). 

Cela ne peut pas s’obtenir parfaitement par l’action de l’intelligence elle-même, par une discipline de soi simplement mentale ; cela ne peut s’obtenir que par le Yoga, avec quelque chose de plus haut que l’intelligence et à quoi sont inhérents le calme et la domination de soi.

Et ce Yoga ne peut être couronné de succès que si l’on dédie, si l’on consacre, si l’on abandonne tout son être au Divin, « à Moi », dit Krishna ; car le libérateur est en nous, mais ce n’est point notre mental, ni notre intelligence, ni notre volonté personnelle — qui ne sont que des instruments.

C’est le seigneur en qui, nous est-il dit à la fin, nous devons entièrement prendre refuge.

Et pour cela, il nous faut d’abord faire de lui l’objet de tout notre être, et par notre âme rester en contact avec lui.

Tel est le sens de la phrase « il doit être fermement établi en Yoga, entièrement abandonné à Moi » ; mais jusqu’à présent c’est la plus simple des suggestions incidentes, à la manière de la Guîtâ, trois mots seulement qui contiennent en germe toute la substance du suprême secret, qu’il reste encore à développer, yukta âsîta matparah.

Commentaire :

Je me suis réveillé une nuit très ému en me disant que si l'on abandonne tout son être au Divin, nécessairement cela devait avoir un effet. 

D'abord, certaines parties en nous sont tout à fait hostiles ou réticentes à ce don de soi, il est sans doute utile, dans une première étape, de le reconnaître.

Et puis, je me suis dit que nous pouvons avoir envie, accepter l'idée, désirer, aspirer à nous donner au Divin, toutes sortes de choses, sans que cela soit un fait réalisé. 

Je me suis dit qu'à un moment donné, ce ne devait plus être une idée, un besoin, ou je ne sais quoi, mais un fait. À partir de quel moment peut-on affirmer que notre vie est donnée ? Que notre être est abandonné entre les mains du Divin ? Sans doute que pendant longtemps, cela reste un processus, que le don de soi ne peut être que progressif. 

Mais peut-être qu'il existe un moment de bascule ou la quantité de choses données est supérieure à la quantité de choses encore à donner et que nous pouvons dire : c'est fait. Cela renvoie à la notion de proportion évoquée par Mère, entre la quantité de cellules sous l'influence du Divin et celles encore sous l'influence du Mensonge. 

À moins qu'il ne s'agisse de quelque chose de plus simple et de plus central comme le don de soi de notre être mental, de notre être émotif, de notre être vital. 

Dans tous les cas, je me suis dit que lorsque le don de soi est fait, quelque chose d'extraordinaire doit se passer,  au moins au niveau du ressenti. 

Et en me réveillant ce matin-là, j'étais avec une émotion-sentiment que si ceci était réalisé, cela donnait une sensation extraordinaire. Extraordinaire en quoi ? Je ne sais pas, c'est indescriptible. Ce n'est pas une sensation de toute-puissance, de force, je ne me sentais pas galvanisé,  rien de ce genre. C'est indescriptible en ce sens que le coeur se sent enfin comblé, formidablement comblé, avec cet étrange sentiment que tout est resté pareil, que rien n'est changé. Tout est différent et tout est pareil !

Si cette simple idée d'abandonner son être au Divin me laissait une impression extraordinaire, quand cela devient un fait, cela doit être incommensurable... 

Alors je me suis dit, mince, il faut revenir là-dessus, parce qu'il y a là, quelque chose que nous n'avons pas bien compris, il faut que tu incites les gens à y regarder de plus près.  

Ipomoéa - Liseron blanc - don intégral de soi

Parce que nous pouvons prétendre n'importe quoi, c'est si facile de dire : j'offre ma vie au Divin, et patati et patata. Mais qu'en est-il réellement ? Jusqu'où s'étend et descend le don de soi ? Dans mon travail personnel, cherchant parfois ce qui résume au mieux la situation, en tout cas pour moi,  j'en suis souvent venu à me dire que, finalement, l'essentiel du problème tournait beaucoup autour de la faculté de se donner. Une fois que telle ou telle chose en nous est vraiment donnée, la situation est toute différente...

*

Ensuite, plus tard, je me suis interrogé sur ces trois mots sanscrits  sensés contenir dans leur essence tout le secret de la Guîtâ : yukta âsîta matparah.

J'ai donc cherché dans le glossaire ce qu'ils signifient et je n'ai trouvé que yukta qui signifie yoga. J'en conclu que la première partie du secret tourne autour de la capacité d'être en union-communion avec le Divin.

Rien de très concluant avec le mot âsîta qui renvoie soit à différents personnages célèbres, soit à la couleur bleu foncée, soit, plus intéressant, à un soleil noir, peut-être celui des Védas, caché dans l'obscurité. Un lecteur aura peut-être des suggestions plus pertinentes. 

Le terme matparah, moins énigmatique renvoie à 4 traductions très proches qui consistent toutes à faire de la Présence divine à l'intérieur de soi, le but suprême. 

Pour résumer, l'idée centrale semble être que, sans doute nous pouvons faire quelques progrès avec nos propres capacités, mais qu'au final, seul le Divin peut nous emmener à destination...

À suivre...

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