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Publié par pascalemmanuel

Le Pouvoir, c'est la vigueur et la force, Shakti, qui donne la capacité de faire face à tout événement, de tenir bon et de triompher, et aussi d'accomplir le dessein de la Volonté divine. Il peut inclure beaucoup de choses : pouvoir sur les hommes, les événements, les circonstances, les moyens, etc. Tout cela n'appartient cependant pas au mental ou au vital, mais agit par l'unité de la conscience avec le Divin, avec toutes les choses et tous les êtres. Ce n'est pas une force individuelle qui dépendrait de certaines capacités personnelles, c'est le Pouvoir divin utilisant l'individu comme instrument. (Sri Aurobindo – Lettres sur le yoga)

La Force est la Shakti essentielle ; l'Energie est l'élan agissant de la Force, son dynamisme actif ; le Pouvoir est la capacité née de la Force ; la Vigueur est l'énergie consolidée et emmagasinée dans l'Âdhâr. (Sri Aurobindo – Lettres sur le yoga)

[L'aspiration] est l'appel de l'être qui recherche les choses supérieures - le Divin, tout ce qui appartient à la Conscience supérieure ou à la Conscience divine. (Sri Aurobindo – Guidance from Sri Aurobindo)

Ce goût de l'aventure suprême, c'est l'aspiration ; l'aspiration qui vous saisit tout entier et qui vous jette, n'est-ce pas, sans calcul et sans réserve, et sans possibilité de recul, vers la grande aventure de la découverte divine, la grande aventure de la rencontre divine, la grande aventure encore plus grande de la Réalisation divine. (Entretiens de Mère – 1956)

Hoya carnosa – Fleur de porcelaine – Pouvoir d'aspiration collective

Une aspiration collective harmonieuse peut changer le cours des circonstances.

*

L'idéal de l'Unité humaine 

Sri Aurobindo

Chapitre XXVIII – page 285 à 297

Il est essentiel de ne jamais perdre de vue les réalités et les pouvoirs fondamentaux de la vie si nous ne voulons pas être trahis par la domination arbitraire de la raison logique, son attachement aux idées rigoureuses et limitatives, et être entraînés à des expériences qui, bien que commodes pratiquement et captivantes pour une pensée unitaire et symétrique, pourraient bien détruire la vigueur de la vie et appauvrir ses sources.

Car ce qui est parfait et satisfaisant pour les systèmes de la raison logique, peut cependant ne tenir aucun compte de la vérité de la vie et des besoins vivants de l’espèce.

L’unité n’est pas du tout une idée arbitraire et irréelle : c’est la base même de l’existence.

L’esprit en évolution dans la Nature est poussé à réaliser consciemment à son sommet l’unité qui est secrètement à la base de toutes choses ; l’évolution avance par la diversité, elle va de l’unité simple à l’unité complexe.

L’espèce humaine avance vers l’unité et elle doit un jour la réaliser. (1)

*

Mais l’uniformité n’est pas la loi de la vie. La vie existe par la diversité ; elle exige que chaque groupe, chaque être — alors même qu’il est un avec tout le reste en son universalité — soit néanmoins unique par quelque principe ou quelque détail de variation bien réglé.

La surcentralisation, condition d’une uniformité pratique, n’est pas une saine méthode de vie.

Certes, l’ordre est la loi de la vie, mais une réglementation artificielle ne l’est pas.

L’ordre salutaire est celui qui vient du dedans, parce qu’il est le résultat d’une découverte naturelle de notre propre loi et de la loi de nos relations avec autrui.

Par conséquent, l’ordre vrai est celui qui se fonde sur la plus grande liberté possible ; car la liberté est à la fois la condition d’une variation vigoureuse et la condition de la découverte de soi. (2).

La Nature assure les variations par la division en groupes et elle insiste sur la liberté en fortifiant l’individualité au sein des membres du groupe.

Ainsi, pour être entièrement saine et en harmonie avec les lois profondes de la vie, l’unité de l’espèce humaine doit se fonder sur de libres groupements, et ces groupements eux-mêmes doivent résulter d’une association naturelle de libres individus.

Cet idéal est certainement impossible à réaliser dans les conditions présentes, et peut-être même dans le proche avenir de l’humanité, mais il ne faudrait pas le perdre de vue, car plus nous pourrons nous en rapprocher, plus nous serons certains d’être sur le droit chemin. (3).

L’artificialité de la majeure partie de la vie humaine est la cause de ses maladies les plus profondément enracinées ; elle n’est pas fidèle à elle-même ni sincère avec la Nature, et par suite elle trébuche et souffre. (4)

*

Nous pouvons constater l’utilité ou la nécessité des groupements naturels si nous examinons la raison d’être et le fonctionnement de l’un des grands principes de division dans la Nature : son insistance sur la diversité des langues.

La recherche d’un langage commun à toute l’humanité était très en vogue à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci ; elle a donné naissance à des expériences diverses, dont aucune n’a réussi à s’imposer avec quelque permanence vivante.

Or, quelle que soit la nécessité d’un moyen de communication unique pour l’humanité, et bien que l’on puisse y satisfaire en généralisant une langue artificielle et conventionnelle ou quelque langage naturel — à la façon dont le latin, et plus tard le français jusqu’à un certain point, ont servi pendant un temps de langue culturelle commune dans les relations entre les nations européennes, ou le sanskrit pour les peuples de l’Inde —, toute unification qui détruirait, éclipserait, rabaisserait ou découragerait le libre et large usage des diverses langues naturelles de l’humanité, ne pourrait manquer d’être préjudiciable à la vie et au progrès humains.

La légende de la tour de Babel veut que la diversité des langues soit une malédiction jetée sur l’espèce ; mais quels que soient ses désavantages (qui tendent d’ailleurs à diminuer de plus en plus à mesure que se développent la civilisation et les échanges), elle a été une bénédiction plutôt qu’une malédiction, un don plutôt qu’une tare imposée à l’humanité.

L’exagération inutile d’une chose est toujours un mal, et le pullulement excessif de langues variées qui ne servent pas à l’expression d’une véritable diversité d’esprit et de culture, est certainement une entrave plutôt qu’une aide; mais cet excès, qui a existé dans le passé, n’est guère à craindre dans l’avenir. La tendance va plutôt en sens contraire. (5)

Remarques :

(1).   comme ça c'est dit 😊 ! On ne peut être plus clair. Reste à savoir comment les peuples vont se laisser guider vers cette unité sans trop grogner.  Poursuivons !

(2). Manifestement, cette prise en compte de la nécessité de la liberté n'est pas trop la tasse te thé des mondialistes qui utilisent depuis quelques années davantage la brutalité, la réduction des libertés publiques et n'hésite pas à surfer avec la tentation totalitaire de l'oligarchie mondialiste.  

(3). Sri Aurobindo a écrit cela entre 1915 et 1918 et l'a corrigé en 1949, et la situation ne semble toujours pas prête à s'unir mais il me semble que la crise internationale COVID et ce qui se prépare actuellement pourrait bien changer la donne. Rendez-vous dans 5 ou 10 ans, un battement de cil dans l'histoire de la terre, et nous y verrons déjà beaucoup plus clair.

(4).  Par l'énoncé même des causes de notre malheur Sri Aurobindo nous donne aussi les remèdes. Allons-nous écouter ? Peut-être que nous savons mieux que Lui 😊...

(5). Dans les paragraphes suivants Sri Aurobindo va se placer en grand défenseur des différentes langues de la terre.

Je ne peux m'empêcher à François Asselineau qui, outre son combat contre l'Union européenne, l'euro et l'OTAN, s'est souvent placé en fervent défenseur de la francophonie en rappelant à maintes occasions, qu'une langue, c'est une vision du monde.

Il est par ailleurs l'un des rares hommes politiques à régulièrement défendre la langue française. Il s'est en effet insurgé, à la fois contre les langues régionales qui constituent pour lui cette exagération évoquée par Sri Aurobindo et contre la loi Fioraso qui autorise désormais les grandes écoles à donner des cours, exclusivement, en anglais. 

Et puis, je ne peux m'empêcher de faire un lien entre la grande importance accordée par Sri Aurobindo à la langue maternelle et le fait qu'en France, les enfants ont de plus en plus de difficulté à maîtriser la lecture et l'écriture. 

Je suis à peu près certain que du temps des Hussards noirs de la République, à 14 ans, tous le monde savait lire et écrire alors que désormais, les jeunes arrivent en fac sans une maîtrise correcte.

En fait, j'ai quelques difficultés à croire que cela ne soit pas le fruit d'une intention délibérée de faire baisser le niveau scolaire. Si l'État français voulait sincèrement s'en donner les moyens, l'illettrisme serait une chose du passé. 

Continuons avec le paragraphe suivant qui pose la valeur de la langue. 

 

La diversité des langues répond à deux desseins importants dans l’esprit humain : une utilité d’unification et une utilité de variation.

Une langue contribue à rassembler les individus au sein d’une large unité où la pensée grandit, le tempérament se forme et l’esprit mûrit. C’est un lien intellectuel, esthétique et expressif qui modère la division quand elle existe et fortifie l’unité une fois qu’elle est réalisée. Surtout, elle donne une conscience de soi à l’unité nationale ou raciale et crée le lien d’une expression commune et d’une histoire commune de leurs accomplissements.

D’autre part, c’est un moyen de différenciation nationale, le plus puissant de tous peut-être ; ce n’est pas simplement un principe de division stérile mais un principe de différenciation fécond et utile. Car chaque langue est le signe et le pouvoir de l’âme du peuple qui la parle naturellement. Chaque langue crée donc son esprit particulier, le caractère propre à sa pensée, une certaine approche de la vie, de la connaissance et de l’expérience.

Quand elle accueille la pensée des autres nations et leur expérience de la vie, leur impact spirituel, elle les transforme en quelque chose de nouveau qui lui est propre, et par ce pouvoir de transmutation, enrichit la vie humaine de ses emprunts fructueux au lieu de répéter simplement ce qui a déjà été acquis ailleurs.

Il est donc d’une valeur capitale pour une nation, pour l’âme d’un groupe humain, de conserver sa langue et d’en faire un instrument de culture vigoureux et vivant. Une nation, une race ou un peuple qui perd son langage, ne peut pas vivre une vie complète ou authentique.

Or, ce qui enrichit la vie nationale, enrichit aussi la vie générale de l’espèce humaine.

*

Dans les paragraphes suivants Sri Aurobindo évoque le cas des colonies britanniques, des États-Unis, de l'Irlande puis de l'Inde avec ces 12 langues principales. Quelques autres passages ont retenu mon attention. 

 

Une langue commune favorise l’unité ; on pourrait donc soutenir que l’unité de l’espèce humaine exige une unité de langage ; les avantages de la diversité devraient être abandonnés pour un bien plus grand, même si le sacrifice temporaire est grave.

Mais une langue commune ne favorise une unité réelle, féconde, vivante, que quand elle est l’expression naturelle de l’espèce, ou qu’elle est devenue naturelle après une longue adaptation et un long développement intérieurs.

L’histoire des langues universelles parlées par des peuples pour qui elles n’étaient pas naturelles, n’est pas encourageante.

Elles ont toujours fini par devenir des langues mortes ; stérilisantes tant qu’elles conservaient leur emprise, fructueuses seulement quand elles se décomposaient et s’éparpillaient en de nouvelles langues dérivées ou quand elles disparaissaient pour laisser revivre la langue originale (si elle persistait encore) en y ajoutant son influence et une empreinte nouvelle.  (page 292)

*

 

Le langage est le signe de la vie culturelle d’un peuple, l’indice de l’âme de la pensée et du mental qui se trouve derrière l’âme de son action et enrichit celle-ci. (page 293)

*

 

Si nous insistons ici sur la culture, sur les choses du mental et de l’esprit, ce n’est pas nécessairement dans l’intention de sous-estimer le côté matériel et extérieur de la vie ; notre but n’est pas du tout de rabaisser ce à quoi la Nature n’a cessé d’attacher une importance si persistante. Au contraire, l’intérieur et l’extérieur dépendent l’un de l’autre.

Or, nous sommes bien obligés de constater que dans la vie d’une nation, une grande époque de culture nationale et de vie mentale et psychique vigoureuse, coïncide toujours avec un brassage général et un mouvement général qui ont leurs répercussions sur la vie extérieure, politique, économique et pratique de la nation.

Le progrès culturel apporte ou accroît le progrès matériel, mais il en a aussi besoin pour pouvoir fleurir dans toute sa vigoureuse et saine plénitude.

La paix, le bien-être et l’ordre établi du monde humain sont des choses éminemment désirables pour fonder une grande culture mondiale où toute l’humanité devra s’unir ; mais ni l’unité extérieure ni l’unité intérieure ne doivent être privées d’un élément encore plus important que la paix, l’ordre et le bien-être, la liberté et la vigueur de la vie ; et celles-ci ne peuvent venir que de la variété et de la liberté des groupes et des individus. (*)

L’idéal que nous devrions garder en vue et nous efforcer de réaliser pour l’avenir humain, n’est donc pas une unité uniforme, une similitude logiquement simple, scientifiquement rigide, admirablement nette et mécanique, mais une unité vivante, pleine de liberté et de saine variété. (page 293)

(*). Une remarque :

Ainsi, Sri Aurobindo accorde une plus grande importance à la liberté et à la vigueur de la vie qu'à la paix, l'ordre ou le bien-être. Voilà qui devrait nous interpeller ! Continuons. Ensuite Sri Aurobindo se demande : "Comment être sûr d'atteindre ses objectifs difficiles ?"

La suite a de quoi nous laisser un peu perplexes. En effet, il commence par énumérer quelques solutions inefficaces ou insuffisantes et en vient à dire, page 295 : 

 

Rien, à aucun moment, n’a été suggéré pour résoudre le problème, sauf une sorte de système d’amas, ou de bouquet plutôt, unifiant ses épis, non par la tige vivante d’une origine commune ou d’un passé unique (qui n’existent pas), mais par le lien artificiel d’une unité administrative, qui peut à tout moment se rompre irréparablement sous la pression des forces centrifuges.

Mais après tout, on peut dire que l’unité est la nécessité primordiale et qu’elle devra s’accomplir à tout prix, de même que l’unité nationale s’est accomplie par l’écrasement de l’existence séparée des unités locales ; plus tard, quelque nouveau principe de variation de groupe se découvrira peut-être, fondé sur d’autres unités que les nations.

Ainsi, Sri Aurobindo commence ce paragraphe pour nous dire que l'espèce humaine avance vers l’unité et elle doit un jour la réaliser, et le termine en disant qu'elle doit s'accomplir à tout prix.... fut-ce, par écrasement. En clair, Sri Aurobindo n'exclut pas que cette unité doive se faire par une certaine violence. En tout cas, jusqu'à la découverte de ce mystérieux nouveau principe. 

Parte t-il du principe Supramental qui est un principe d'harmonisation ? Je me souviens d'un passage du yoga intégral dans lequel Sri Aurobindo évoque la dissolution de toutes les dualités...

À cette question, il me revient aussi en mémoire ces deux paroles d'Aperçus et pensées.

 

Pourquoi Dieu martèle-t-il son monde avec tant d’acharnement, pourquoi le piétiner et le pétrir comme de la pâte, pourquoi le jeter si souvent dans un bain de sang et dans l’embrasement infernal de la fournaise ? Parce que l’humanité dans son ensemble est encore un vil minerai grossier et dur qui autrement ne se laisserait jamais fondre ni modeler. Tels les matériaux, telles les méthodes. Que le minerai se laisse transmuer en un métal plus noble et plus pur, et les procédés de Dieu envers lui seront plus doux et plus bénins, et les usages qu’il en fera, plus raffinés et plus beaux.

Pourquoi Dieu a-t-il choisi ou fabriqué de tels matériaux quand il pouvait choisir dans l’infini des possibilités ? Parce que son Idée divine avait en vue non seulement la beauté, la douceur et la pureté, mais aussi la force, la volonté et la grandeur. Ne méprise pas la force et ne la hais point à cause de la laideur de certaines de ses faces, et ne pense pas non plus que Dieu soit seulement amour. Toute perfection parfaite doit receler en elle quelque chose du héros et même du titan. Mais la plus grande force naît de la plus grande difficulté.

Voyons les dernières lignes de ce chapitre, à mon goût formidablement intéressant, c'est de notre avenir dont Il parle. Après avoir brièvement évoqué le cas de la Grèce antique, des cités de l'Italie et de l'Inde, Sri Aurobindo continue : 

 

Or, aujourd’hui, rien de pareil n’est possible. Nous n’aurons plus qu’une unité unique : la nation mondiale ; toutes les sources extérieures de diversité disparaîtront.

Certes, la source intérieure doit être modifiée, subordonnée de quelque manière, mais aussi, et pour cette raison, elle doit être préservée et encouragée à survivre.

Il se peut que ceci ne se produise pas ; l’idée unitaire peut l’emporter violemment et changer les nations actuelles en de simples provinces géographiques ou en départements administratifs d’un unique État bien mécanisé.

Mais en ce cas, le besoin vital outragé prendra sa revanche, soit en causant une stagnation, un effondrement et une désagrégation qui conduiront à de nouvelles séparations, soit en suscitant du dedans quelque principe de révolte.

Un évangile d’anarchisme, par exemple, pourrait s’imposer et renverser l’ordre mondial pour procéder à une nouvelle création.

La question est de savoir s’il n’existe pas quelque part un principe d’unité dans la diversité, qui ferait que ce mécanisme d’action et de réaction, de création et de destruction, de réalisation et de rechute, pourrait, sinon être totalement évité, du moins modéré dans son action et amené à un fonctionnement plus serein et plus harmonieux.

En conclusion :

Sri Aurobindo semble ne pas avoir d'idée très déterminée sur la façon dont l'unité humaine se réalisera, comme s'Il voyait plusieurs lignes possibles.  

Ensuite, il admet encore la possibilité d'une méthode violente.

Et enfin, il revient encore sur la découverte de ce principe d'unité dans la diversité que l'humanité doit découvrir pour adoucir au mieux le chemin. 

Autant dire que, pour le moment, nous n'y comprenons rien. Tout ce qui peut aider l'humanité, la conscience collective, le mental collectif de l'humanité à mieux comprendre ce principe nouveau serait une aide précieuse. 

Les questions sont plus importantes que les réponses. Laissons brûler la question et des réponses vont inévitablement venir.

Que Sri Aurobindo-Mère, et cette fameuse Conscience du surhomme sensée servir de mentor et aider l'humanité à évoluer nous viennent en aide... 

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