Tétrade de la faculté supra intellectuelle
Après les 6 articles précédents...
Introduction au sapta chathustayas
(les 7 Tétrades du Yoga Intégral de Sri Aurobindo)
Complément à la Tétrade de la paix
...voici le troisième chatusthaya, la tétrade de la faculté supra intellectuelle, le vijnana chathustaya.
Première partie : siddhis (pouvoirs du yoga)
Les siddhis, leurs justifications, leurs dangers et leurs pratiques.
Les deux premiers chatusthayas se réfèrent surtout au principe central de l'existence humaine, l'antahkarana (1) ; mais il existe un pouvoir supérieur et un instrument inférieur, chacun possédant ses siddhis particuliers : d'une part le vijanana ou faculté supra intellectuelle, d'autre part, le corps.
(1) antahkarana : « l'instrument inférieur », comprenant la buddhi ou intelligence, le manas ou mental sensoriel et la chitta (2) ou conscience de base. Il est d'ordinaire assujetti à l'ahankara ou sens de l'ego, et imprégné du sukshma prana ou énergie vitale subtile.
(2) Chitta : « substance fondamentale de la conscience » qui est « universelle dans la Nature, mais inconsciente et mécanique dans la nature de la Matière ».
« L'action de la conscience qui imprègne le corps vivant et en prend possession » et qui devient le mental sensoriel (manas).
Elle se compose d'une couche inférieure de mémoire passive dans laquelle « les impressions de toutes les choses vues, pensées, senties (avec les sens ou les sentiments) sont enregistrées », et d'une couche supérieure (appelée aussi manas-chitta) de mental émotionnel ou les « vagues de réactions et de réponses... s'élèvent de la conscience de base».
Les siddhis du vijnana, de même que les siddhis du corps, appartiennent à cette gamme d'expériences et de réalisations divines anormales en l'état actuel de l'humanité. Ils sont appelés siddhis en raison de leur caractère inhabituel, de leur rareté et de la difficulté à les obtenir ; ils sont niés par le sceptique et rejetés par le saint homme qui conseille de ne pas les convoiter.
Le sceptique n'y croit pas, car, pour lui, ces pouvoirs ne sont qu'impostures, fables et hallucinations, exactement comme le serait un animal intelligent devant les pouvoirs de la raison humaine. Le saint rejette lui aussi ses pouvoirs, car, dit-il, ils nous écartent de Dieu ; pour les mêmes raisons, il les fuit comme il fuit les richesses, les buts et les pouvoirs de ce monde.
Pourtant nous n'avons pas à rejeter ces pouvoirs ni ne devons les refuser, car ce que nous recherchons est autant la réalisation de Dieu dans le monde que celle de Dieu au-delà du monde. Dans le monde, ces facultés expriment la richesse même du pouvoir de Dieu et de Sa connaissance, et elles s'imposent à nous une fois que nous demeurons en Lui, percevant et partageant Sa nature.
En vérité, il existe un stade où le yogi, à moins qu'il ne s'abstienne de toute action dans le monde, ne peut s'empêcher d'utiliser ces pouvoirs, comme un homme ordinaire ne peut s'interdire de respirer et de manger ; car ces facultés sont la manière naturelle d'agir du Vijnana, plan de la conscience idéale auquel accède le yogi, comme l'activité mentale et les mouvements du corps sont l'action naturelle de l'homme dans la vie courante.
Les Rishis du passé ont tous utilisés ces pouvoirs ; les Avatars, les Yogis, les vibhutis, du Christ à Râmakrishna, en ont tous fait usage. Les « grands hommes » utilisent également ces facultés, même de façon imparfaite sans les comprendre, lorsque la force divine se manifeste un tant soit peu en eux : les pouvoirs d'intuition, d'inspiration et d'ishita (1) leur apportent les opportunités nécessaires et les moyens de les mettre à profit, le pouvoir de vyapti (2) par lequel la pensée est projetée dans le monde crée dans l'environnement proche ou lointain des mouvements imprévus.
(1) ishita : l'efficacité de la pure lipsa (intention) dans la chitta, sans l'action délibérée de la volonté, l'un des trois siddhis de pouvoir.
(2) vyapti : la pénétration de toute chose la conscience universelle ; un courant de connexion consciente entre les êtres, ayant son origine dans l'unité fondamentale.
Nous ne devons pas refuser ces pouvoirs, pas plus qu'un poète ne doit s'interdire d'utiliser son génie poétique (un siddhi tout autant hors de portée de l'homme ordinaire), ou un artiste renoncer à utiliser son crayon. Pourtant le refus du sceptique et le renoncement du saint sont quelque peu fondés, et il faut en prendre note.
Le saint y renonce car lorsque ces pouvoirs se manifestent de façon partielle dans un adhara (réceptacle) faible et dominé par l'ego, cet ego se trouve considérablement renforcé.
Le sadhaka (disciple), dans son ignorance, commence alors à croire que lui-même crée et possède ces pouvoirs et qu'il devient réellement un grand homme (comme il arrive souvent de trouver un ego excessif chez le petit poète ou le demi-artiste ; les hommes en réelle possession d'un grand pouvoir savent qu'il appartient à Dieu – parfaitement conscient que le pouvoir de Dieu les utilise, et non le contraire).
Ainsi le sadhaka enlisé dans l'ahankara (l'ego) se précipite vers ces pouvoirs pour les avantages qu'ils apportent jusqu'au point ou il abandonne sa quête de Dieu.
Par ailleurs, le refus du sceptique est justifié par la crédulité de l'homme ordinaire qui considère ces choses comme miraculeuses ou les invente là où elles n'existent pas. La faiblesse et l’égoïsme des hommes y contribuent également – ceci même chez les sadhakas ; car si un pouvoir se manifeste un tant soit peu en eux ou chez autrui, ils l'exagèrent, l'amplifient, le déforment et construisent autour de quelques expériences insignifiantes et imparfaites toutes sortes de jargons, de mysticismes, de charlatanismes et de bujruki (1) qui deviennent autant de pierres d'achoppement et d’offenses envers le monde.
(1) bujruki : galimatias, impostures.
Nous devons pas conséquent garder absolument présents à l'esprit quelques principes fixes :
1) Ces pouvoirs ne sont pas miraculeux ; ce sont des pouvoirs de la Nature. Ils se manifestent spontanément dès que le vijnapadma (lotus de la connaissance) commence à s'ouvrir en nous, et il n'y a pas lieu de s'en vanter ou d'en tirer vanité, comme on ne se vante pas du pouvoir de manger, de respirer ou de n'importe quelle autre activité de la nature.
2) Ils ne peuvent se manifester pleinement que par l'abandon de l'ego et par l'offrande de notre petit être séparé à l'immensité de l'être Divin.
3) Si ces pouvoirs se manifestent alors que nous sommes dans un état impur, ils deviennent une épreuve dangereuse à laquelle Dieu nous soumet. Cette épreuve ne peut être surmontée, en toute sécurité, qu'en gardant l'esprit libre de toute vanité, tout orgueil, tout égoïsme, et en nous rappelant constamment que ces pouvoirs sont des dons de Dieu et non un acquis personnel.
4) Il ne faut pas rechercher ces pouvoirs pour eux-mêmes, mais les développer ou leur permettre de se développer telle une floraison de perfection qui s'épanouit en nous par la grâce de Dieu.
Sous réserve du respect de ces conditions, nous n'avons pas à rejeter ces pouvoirs lorsqu'ils se présentent. Ils faut les accepter, non pour nous-mêmes, pour un usage et un orgueil personnels, mais pour que Dieu les utilise en nous pour Ses dessins propres afin qu'ils se répandent dans l'humanité var vyapti.
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Deuxième partie : Vijnana
Jnana, trikaldrishti, ashtasiddi, samadhi
la connaissance, la vision des trois temps, les huit pouvoirs, le samadhi constituent le Vijnana Chatusthaya (la tétrade de la faculté supra intellectuelle)
I) Jnana
Jnana désigne le pouvoir de connaissance divine directe qui opère indépendamment de l'intellect et des sens, ou qui les utilise seulement à titre subordonné.
Jnana perçoit les choses cachées à l'homme ordinaire ; jnana nous aide à cesser de voir le monde en termes d'expériences sensorielles et permet de devenir sensible aux grandes forces invisibles, aux pouvoirs, impulsions et tendances qui se tiennent en arrière de notre vie matérielle, la déterminent et la gouvernent.
A jnana, l'ensemble du système du monde se révèle en ses principes cachés ; la nature du Purusha (1), les œuvres de Prakriti, les principes de notre être, de dessein de Dieu dans Son action cosmique, l'harmonie de Ses gunas (modalités) – le Brahman (2), l'Ishwara (3), l'Atman (4), l'homme, l'animal et l'objet, l'idée, le nom et la forme, la réalité et la relation, tout est dévoilé au regard de celui que Dieu a illuminé du soleil de Sa connaissance, jnanadipena bhaswata (5).
(1) Purusha : l'âme, l'esprit : le Moi (atman) « comme origine, témoin, soutien, seigneur, celui qui jouit des formes et des œuvres de la Nature (prakriti) ».
(2) Brahman : la Réalité divine, l'«Un (eka) au-delà duquel rien n'existe ».
(3) Ishwara : le seigneur, l'Être suprême (purushottama) comme Seigneur, « Celui qui Omniscient et Omnipotent, régit tout » et par son pouvoir conscient (shakti) « se manifeste dans le Temps et gouverne l'univers ».
(4) Atman : Le Moi, « un Moi qui n'est plus notre ego limité (ahankara) ni notre mental, notre vie ou notre corps, un Moi universel...
(5) Avec la lampe éclatante de la connaissance. Gita 10.11
Jnana a trois formes :
- jnana de la pensée,
- jnana de l'expérience (réalisation ou pratibodha (6),
- jnana de l'action ou satya-dharma (7)
(6) pratibodha : perception, éveil intérieur, connaissance acquise par l'expérience, réalisation
(7) satya-dharma : la loi de la Vérité ; la connaissance dans l'action.
Le jnana de la pensée comporte trois pouvoirs :
-
Drishti, la révélation ou swayamprakasha (8)
-
Sruti, l'inspiration
-
Smirti, qui comprend :
-
l'intuition
-
vivéka (le discernement intuitif)
(8) swayamprakasha : lumineux en soi, connaissance évidente, de l'ordre de la révélation.
Drishti
Drishti est la faculté par laquelle les anciens Rishis ont vu la Vérité du Véda. C'est la vision directe de la vérité qui n'a nul besoin d'observer l'objet, nul besoin de preuve, d'imagination, de mémoire, de raisonnement ni d'aucune autre faculté de l'intellect – à l'instar d'un homme qui voit un objet et le reconnaît immédiatement, même s'il ne peut le nommer ; c'est la pratyakshadarsana (la vision directe) de satyam (1).
(1) Satyam : vérité ; vérité essentielle de l'être, un des trois termes qui expriment la nature de vijnana (satyam-ritam-brihat)
Sruti
Sruti est la faculté par laquelle nous percevons instantanément la vérité cachée dans une forme de pensée ou dans un objet qui s'offre à notre connaissance , ou dans le mot par lequel la chose est révélée.
C'est grâce à cette faculté que la signification du mantra (formule ou syllabe sacrée) apparaît dans le mental ou dans l'être du saddhaka alors qu'il n'en connaît pas le sens, il n'a pas besoin d'explication – comme un homme qui entend le nom d'une chose et, par ce nom et sans la voir, connaît sa nature. Un pouvoir spécial de sruti est la révélation de la vérité par une vak (2) juste et parfaite dans la pensée.
(2) Vak : langage, parole, phrase, discours subtil entendu en shabdadrishti ; une parole intérieure exprimant jnana, la connaissance.
Shabdadrishti : la perception de sons inaudibles à l'oreille physique ordinaire ; (appelée aussi shravana) l'audition subtile.
Smirti
Smirti est la faculté par laquelle la connaissance vraie dissimulée dans le mental se révèle au jugement. Elle est aussitôt reconnue comme vérité – comme chez quelqu'un qui a oublié un fait qu'il connaît, mais s'en souvient dès qu'on le lui rappelle.
Intuition et vivéka (discernement)
L'intuition est le pouvoir qui reconnaît la vérité et suggère aussitôt les raisons exactes pour lesquelles il s'agit de la vérité.
Vivéka est le pouvoir qui établit immédiatement les limites et les distinctions nécessaires, il empêche les erreurs intellectuelles de s'immiscer ou de confondre une vérité imparfaite avec la véritable satyam.
Vivéka est de la plus haute importance au regard du progrès de l'homme dans son étape présente. Actuellement, même chez les hommes les plus avancés, les pouvoirs de vijnana n'agissent pas selon leurs pouvoirs, pleur places et leurs natures propres ; ils agissent dans l'intellect , comme assistants de l'intellect, parfois comme guides. Qu'une intuition ou une révélation se présentent, immédiatement l’intellect, la mémoire, l'imagination et la logique s'en emparent et commencent à les travestir dans un mélange de vérité et d'erreur ; ils font descendre la vérité au niveau de la nature, des sanskaras (1) et des préférences, alors qu'ils devraient purifier et soulever cette nature et son jugement sur les hauteurs de la vérité.
(1) sanskara : impression, formation mentale, réaction habituelle formée par le passé
Sans vivéka, ces pouvoirs sont aussi dangereux qu'utiles. Leurs lumières brillent plus que la lumière de l'intellect, mais l'ombre projetée par ce dernier sur ces pouvoirs est souvent plus épaisse que le brouillard d'ignorance qui entoure la connaissance mentale ordinaire. Ainsi l'homme ignorant qui utilise ces facultés trébuche bien plus souvent que celui qui marche à la lumière claire, même limitée, de l'intellect.
Lorsqu'en nous ces pouvoirs commencent à opérer, nous devons être dhira (1) et sthira (2), ne pas nous laisser emporter par l'enthousiasme ; il faut laisser à vivéka le temps de saisir nos pensées et intuitions, d'y mettre bon ordre, de séparer les parties mentales des parties vijnamaya, de corriger les développements faux, les fausses limitations, les usages impropres, le temps de leur assigner leur juste emploi, leur développement correct, leur limite vraie – de procéder, comme dans l'image de l'Upanishad, au vyhua, c'est-à-dire rassembler les rayons du soleil de la connaissance, suryasya rashmayah (3)
(1) Dhira : ferme, calme, patient ; l'esprit calme et sage, « le penseur qui regarde la vie sans ciller et ne se permet pas d'être troublé et aveuglé par ses sensations et émotions ».
(2) Sthira : constant, ferme, stable, immobile, inébranlable.
(3) Suryasya rashmayah : les rayons de Surya, rais de la « substance lumineuse et rayonnante de la conscience de l'éternelle Existence », dont « chaque rayon est une vérité ».
La connaissance n'est pas pour l'esprit pressé, mais pour le dhira, l'homme capable de s'asseoir longuement, d'assimiler et d'organiser ce qu'il reçoit, sans se précipiter sur chaque fragment de vérité comme le corbeau qui s'envole immédiatement après s'être emparé de la première miette.
Réalisation
La réalisation, ou jnana par l'expérience, est la perception des choses par :
- bhava (1) de l'être, ou Sat, réalisant les vérités de l'être,
- bhava de Chit, ou connaissance, réalisant les vérités de la pensée,
- bhava de tapas, ou force, réalisant les vérités de la force et de l'action,
- bhava de l'amour, ou ananda, réalisant les vérités de l'émotion, de la sensation et de la félicité.
Bhava : devenir ; état d'être (parfois ajouté à un adjectif pour former un nom abstrait. Par exemple « brihadbhava » l'état de brihat (vaste), c'est-à-dire la « vastitude » ; état de conscience ; subjectivité ; état mental et émotionnel ; indication physique (expression faciale ou corporelle) d'un état psychologique, Etc...(glossaire du Journal du Yoga)
(1) Ici, probablement dans le sens de « réalisation, expériences spirituelle ». NDT
Satyadharma
Satyadharma (la loi vraie) consiste à appliquer jnana à la bhava (2) et à l'action.
(2) Ici, probablement dans le sens de « condition de la conscience ». NDT
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II) Trikaladrishti
La Trikaladrishti est une faculté spéciale de jnana par laquelle ce pouvoir général s'applique à l'actualité (1) des choses, aux événements dans leurs détails, aux tendances, etc. du passé, du présent et de l'avenir du monde, tel qu'il est, a été et sera dans le Temps. Cette faculté spéciale de jnana s'attache aux faits particuliers, alors que jnana s'attache à la vérité générale.
Actualité : Dans la Synthèse des Yogas, l'éditeur explique que Sri Aurobindo ayant employé dans leur sens philosophiques les termes actualiities, (au sens de ce qui est « actuel, en acte », par opposition à ce qui est « en puissance », « possible », « éventuel », « potentiel » ou « virtuel »), potentitalities (ou possibles) et impératives, ils ont été traduits par leurs équivalents français : « actualités » ou « actuels », « potentiels » ou « possibles » et « impératifs ».
Au sens philosophique, « l'actualisation » est le passage de ce qui est en puissance à l'acte, le passage de l'état virtuel à l'état réel. (Glossaire – NDT)
Trikaladrishti agit de plusieurs façons :
1) Directement, sans intermédiaire ou raison particulière, par drishti (1), sruti (2) et smirti (3).
2) Par concentration sur l'objet – procédé que Patanjali (4) appelait sanyama (5) Dès l'instant où l'esprit de l'observateur et celui de l'objet observé deviennent un, l'observateur sait ce que l'objet contient. Il connaît son passé, son présent ou son avenir, comme nous connaissons le contenu de notre être propre.
3) En recourant à des intermédiaires, des signes extérieurs ou des sciences divinatoires : samudrik (la chiromancie), astrologie, augures, etc. Ces sciences n'ont pas grande valeur si elles ne sont pas utilisées par les facultés supérieures vijnanamaya ; les signes dont elles se servent indiquent généralement des tendances, et il n'est pas possible de faire clairement la distinction entre les choses possibles et ce qui se produit effectivement en suivant seulement les textes et les shastras (6) ou des méthodes empiriques et aléatoires.
4) Par les deux pouvoirs de vyapti et de prakamyaqui constituent ce qu'en Europe on appelle télépathie.
(1) drishti : révélation.
(2) sruti : l'ouïe, l'audition, l'inspiration, une faculté de jnana, « une sorte d'audition de la vérité, une réception immédiate de la voix même de la vérité ».
(3 )smirti : le souvenir, la mémoire, la faculté de jnana « par laquelle la vraie connaissance cachée dans le mental se révèle au jugement, puis aussitôt reconnue comme la vérité. » Elle consiste en l'intuition et en vivéka.
(4 )Patanjali : Auteur des Yogasutras (NDT)
(5) sanyama : concentration ; identification ; concentration de la conscience sur un objet jusqu'à que le mental de l'observateur devienne un avec l'objet observé.
(6) shastras : connaissance systématique. Tout enseignement et science systématisés.
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III) Ashtasiddi (les huit pouvoirs) : vyaptih, prakamyam, aishwaryam, ishita, vashita, mahima, laghima, anima.
Les Ashtasiddis sont de trois ordres :
1) Deux siddhis de connaissance – vyapti et prakamya
2) Trois siddhis de pouvoir – aishwaryam, ishita et vashita
3) Trois siddhis du corps – mahima, laghima, anima
1) Prakamya
Prakamya signifie la prakasha (l'illumination) complète des sens et du manas (mental), grâce à laquelle les limites ordinaires du corps sont dépassées. Les sens et le manas deviennent conscients par vision, audition, toucher, ou plus généralement et plus facilement par les sensations mentales et perceptions de la conscience :
1) D'objets, de scènes et d'événements éloignés ou hors de portée du fonctionnement normal du mental et des sens.
2) D'objets, de scènes et d'événements appartenant à d'autres plans d'existence.
3) D'objets etc. du passé ou de l'avenir, dont les images sont contenues dans l'objet étudié.
4) De l'état d'esprit, des sentiments, des sensations, etc. de nos semblables, ou des pensées, des sensations ou des sentiments particuliers, ou encore des pensées ou des états particuliers qu'ils ont eus dans le passé dont l'impression demeure dans la mémoire de la chitta – ou qu'ils auront à l'avenir, l'image étant disponible dans les parties de la chitta.
Note du Glossaire du Journal du Yoga :
Prakamya inclut le jeu des cinq sens, des instruments de perception sensorielle, ainsi que de l'être mental. C'est grâce à prakamya que les yeux voient, que les oreilles entendent, que le nez sent, que la peau ressent, que la langue goûte et que l'être mental reçoit tous les contacts du dehors.... Ce n'est pas l'être mental qui voit, entend ou sent, c'est le jiva (1) qui voit entend et sent. C'est le jiva qui connaît. C'est le jiva qui est l'Ishwara, parcelle du suprême. (Les écrits bengalis de Sri Aurobindo – page 250).
(1) Jiva : « l'entité vivante », l'âme, le purusha individuel, « un esprit et un moi supérieur à la nature », qui « consent à ses actes, reflète ses humeurs », mais « est lui-même un reflet vivant, une forme de l'âme ou une création, à partir de lui-même, de l'Esprit universel et transcendant », une expression du « principe de multiplicité dans l'être spirituel de l'Existence divine une ».
Le jiva, en tant que manifestation partielle de l'ishwara, participe à tous ses pouvoirs comme « le témoin, celui qui donne sa sanction, qui soutient, qui connait – le seigneur », et en lui « se rencontre et se joue les deux aspects deux-en-un du Divin, Prakriti et Purusha.
Dans la conscience spirituelle plus élevée, il devient simultanément un avec ces deux aspects, et là il exhausse et combine en lui toutes les relations divines crées par leurs interactions ».
Prakamya signifie la prakasha (illumination) complète des sens et du manas (mental), par laquelle ils dépassent les limites ordinaires du corps et deviennent conscients par vision, audition, toucher, ou plus généralement et plus facilement par sensations mentales et perceptions de la conscuebce.
« Il existe aussi une autre sorte de Prakamya, non mentale mais sensorielle : c'est le pouvoir de percevoir les odeurs, les sons, les contacts, les goûts, les lumières, les couleurs et autres objets des sens non perceptibles à l'homme ordinaire ou hors de portée des sens habituels.
Prakamya mentale : lecture de la pensée d'autrui par prakamya.
2) Vyapti
A chaque forme de prakamya correspond une forme de vyapti, vyapti de réception ou de communication. Par prakamya nous pouvons, par exemple, percevoir les sentiments de quelqu'un ; par vyapti, nous sentons ces sentiments entrer en contact avec notre propre conscience, ou, à l'inverse,nous pouvons projeter nos propres sentiments dans la conscience d'autrui.
Prakamya est semblable à la vision de quelqu'un qui regarde de loin et voit un objet ; vyapti est la sensation que cet objet vient vers nous, ou entre en contact avec nous.
Par vyapti, il est possible de transmettre à quelqu'un n'importe quel contenu personnel – pensée, sentiment, pouvoir, etc. ; si la personne réceptrice est capable de le saisir et de le conserver, elle peut le faire sien et en faire usage.
Cela est possible soit en projetant dans l'autre ce qui est en nous, presque physiquement pourrait-on dire, soit en appliquant notre volonté sur le swabhava (tempérament) en imposant le transfert.
Le maître et le gourou utilisent couramment ce pouvoir de vyapti, de loin plus efficace que la parole ou l'écriture ; mais aussi tout être humain utilise ou subit inconsciemment vyapti car chaque pensée, chaque sentiment, chaque sensation ou tout autre mouvement de conscience crée une onde, un courant, lequel, emporté dans la conscience du monde, pénètre tout adhara (réceptacle) capable et autorisé à le recevoir. Une moitié au moins de nos pensées et de nos sentiments habituels est le résultat de tels emprunts inconscients.
Note du glossaire du Journal du Yoga :
Vyapti : pénétration de toute chose par la conscience universelle ; un courant de connexion consciente entre les êtres, né d'une unité fondamentale.
Vyapti réceptive : réception dans notre esprit des pensées, sentiments, etc. d'autrui ; forme de vyapti par laquelle « les pensées, les sentiments, etc. d'autrui, ou de n'importe quelle connaissance concernant les éléments extérieurs, sont ressentis comme provenant du mental de ces personnes ou de ces éléments ».
Vyapti active ou émettrice : transmission de pensées ou d'états de conscience à d'autres personnes ; forme de vyapti par laquelle « vous pouvez envoyer vos propres pensées, sentiments, etc. à un individu et les placer en lui. »
3) Aishwarya
Aishwarya est le pouvoir de la Volonté sur un objet ou un événement sans l'aide d'aucun moyen physique. Aishwarya peut agir :
1) Par une pression ou tapas (1) de la chaitanya (2) directement sur l'objet à influencer.
(1) Tapas : « concentration du pouvoir de la conscience » ; pouvoir de volonté ; « la force qui agit à travers aishwarya, ishita et vashita, ou une combinaison de ces siddhis de pouvoir.
(2) Chaitanya : conscience ; identique à chit.
2) Par une pression ou tapas de la chaitanya sur la Prakriti (la nature) (la Prakriti générale et cosmique ou la Prakriti en l'objet lui-même) afin d'amener directement le résultat recherché.
3) Par une pression sur la Prakriti afin de créer les circonstances qui imposeront directement le résultat voulu.
4) Sans pression, par simple pensée-volitive, l'ajna (l'ordre) ou l'ajnanam de l'Ishwara (la Volonté qui connaît le Seigneur), auquel la Prakriti obéit automatiquement.
Ce dernier état est le plus élevé des pouvoirs de l'Aishwarya et son suprême siddhi (perfection) ; car ici Chit (la conscience) et Tapas (la force) deviennent un, comme la Volonté de Dieu Lui-même.
Note du glossaire du Journal du Yoga :
Aishwarya : maîtrise, souveraineté ; sentiment du pouvoir divin...
4) Ishita
Ishita désigne la même efficacité de la volonté non plus comme un ordre ou par la pensée ou par ajnanam (la volonté qui connaît), mais par le cœur ou le tempérament (chitta), dans la perception d'un besoin ou d'une lipsa (1) pure.
(1) Lipsa : élan, recherche, aspiration, ardeur, intention.
Tout ce vers quoi tend lipsa, voire tout ce dont elle a besoin, même inconsciemment, vient spontanément à l'homme qui possède Ishita.
Ishita se manifeste également, tantôt par une pression sur l'objet ou sur la Prakriti, tantôt par simple perception de son but qui se réalise avec une efficacité automatique.
Ce dernier mode de fonctionnement est le pouvoir le plus haut d'Ishita et son suprême siddhi.
5) Vashita
Vashita est le contrôle de la nature de l'objet : il obéit à la parole, reçoit la pensée transmise ou perçoit l'action suggérée et y répond.
Vashita agit automatiquement par le contrôle d'une nature sur une autre, ou volontairement à l'aide de l'afflux de force naturelle dans la parole, la pensée ou en suggérant l'action, afin de produire un effet sur la nature d'autrui.
Le contrôle volontaire est le siddhi le plus bas et le plus ordinaire. Le contrôle automatique, le siddhi suprême ou entièrement divin. Vyapti est l'un des principaux moyens d'action de Vashita.
Les conditions du pouvoir
Il faut souligner que, lorsque nous faisons usage des siddhis de pouvoir, aucun d'eux ne peut agir parfaitement ou librement tant que demeure une trace d'impureté dans la chitta, d'égoïsme dans la pensée ou la nature, ou de domination par le désir.
Si tel est le cas, le pouvoir n'est qu'occasionnel, peu efficace – sans grand intérêt en soi.
Cela peut toutefois être utile afin d'habituer le mental à abandonner ses samskaras et ses fonctionnements habituels et à accepter le mouvement de la vijnanamayi shakti (la force gnostique) ; les procédés tantriques reconnus (kriyas) peuvent aussi donner l'accès à ces pouvoirs et permettre une utilisation régulière et efficace, mais limitée. Le sadhaka (le disciple) du Purna Yoga devrait éviter ces procédés.
Les conditions de Jnana (la Connaissance)
Notons également que l'on ne peut atteindre la perfection de jnana et de trikaladrishti (la vision des trois temps) que si l'antahkarana (l'instrument intérieur) parvient à une shuddhi (purification) intégrale, notamment par l'exclusion du désir et par une vishuddhi (pureté) de la buddhi (la raison), une absolue passivité du manas (mental sensoriel) et, finalement,par la perfection de l'action des pouvoirs de vijnana.
Une action imparfaite et irrégulière de ces pouvoirs supérieurs est toujours possible ; nombreux sont ceux qui, sans être yogi ni sadhaka, les possèdent confusément.
Les siddhis physiques (pouvoirs 6, 7 et 8)
Les pouvoirs de Mahima (1), Laghima (2) et Anima (3), n'ont pas besoin d'être examinés ici, car, bien qu'appartenant au dharma (la loi) de vijnana,ils agissent sur le corps et font donc strictement partie du siddhi physique (4).
(1) Mahima : grandeur ; ampleur ; un des siddhis du corps : « une force sans entrave dans le pouvoir mental ou dans le pouvoir physique ». Mahima se manifeste dans le physique par une force anormale, non musculaire, possédant le pouvoir d'augmenter la taille et le poids du corps.
« Mahima inclut Garima, le pouvoir de devenir lourd à volonté ».
Mahima pranique : mahima dans le prana ou être nerveux.
(2) Laghima : « légèreté », un des siddhis du corps ; « un pouvoir de légèreté, à savoir un pouvoir de libérer l'être mental, vital et physique de toute pression ou pesanteur », un pouvoir par lequel il est possible « de se débarrasser de toute fatigue et de tout épuisement,et de vaincre la gravitation ».
Laghima pranique : siddhi de légèreté et d'affranchissement de la fatigue dans le prana ou être nerveux.
(3) Anima : finesse, subtilité, un siddhi physique qui délivre le corps des limitations ordinairement imposées par la matérialité grossière de sa substance, comme la sujétion à la raideur, à la tension et à la douleur, résultant d'un grand effort.
(4) : voir le quatrième chatusthaya, la tétrade du corps.
IV) Samadhi
Samadhi est le pouvoir de chaitanya (la conscience) de fixer son attention sur son objet afin d'étendre la portée de sa connaissance et de sa conscience, à travers les trois stades de veille, de sommeil et de rêve, jusqu'à la réalisation des tattwas (principes) du Brahman sur lesquels la conscience de veille ordinaire est aveugle ; pouvoir également d'expérimenter – dans des images reflétées ou dans les choses elles-mêmes – des mondes et des plans de conscience autre que le plan terrestre matériel ou les plans de notre conscience physique de veille.
Pour le moment, la description du Samadhi peut aussi être ajournée.
Troisième partie : quelques remarques personnelles
S'il est illusoire et dangereux de désirer les pouvoirs, en parler permet de mettre un peu de la clarté sur ce qui est possible et ce qui relève de la fantaisie et de les faire entrer dans la conscience collective. Le fait de savoir que ces choses existent et sont possibles change quelque chose dans la conscience, cela crée une ouverture et élargit le champ des possibles.
Ce texte, si l'on ne se laisse pas troubler par les mots sanskrits, se veut un outil de travail qu'on prend le temps de découvrir et étudier pour trouver comment mettre en pratique les passages qui nous interpellent le plus. Par exemple, ce passage...
...chaque pensée, chaque sentiment, chaque sensation ou tout autre mouvement de conscience crée une onde, un courant, lequel, emporté dans la conscience du monde, pénètre tout adhara (réceptacle) capable et autorisé à le recevoir. Une moitié au moins de nos pensées et de nos sentiments habituels est le résultat de tels emprunts inconscients.
est une invitation supplémentaire à rester focalisé et ancré autant que possible sur le Divin, la Conscience divine, la paix, la lumière, la joie d'être. Sous un autre angle, vu la quantité non négligeable des idées-impressions idiotes qui nous traversent, on comprend mieux pourquoi il est préférable de laisser le fruit au Divin... ☺