Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dans la série des questions bêtes qui interrogent les idées bien établies, je crois que nous pourrions nous demander comment la théorie de la non-violence sait pu se terminer par l'assassinat de Gandhi, une guerre civile ayant fait 500 000 morts et amené la partition de l'Inde. 

Une fois de plus, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Il se dit que l'être humain, en réalité, est complet, et qu'il affirme toujours le contraire de ce qu'il a au-dedans de lui. Par exemple, un homme qui affiche sa générosité cache dans sa personnalité des aspects radins. Et de même avec chaque chose. 

Il paraît qu'à la fin de sa vie, Gandhi aurait reconnu que toute la violence qu'il (ou ils) n'avait pas voulu voir, lui revenait en pleine face. 

Cela me semble juste, d'abord reconnaître notre propre violence. 

Cette question de violence et de non-violence est d'actualité car l'humanité semble prise au piège dans un combat...compliqué. 

"L'Inde et la Renaissance de la Terre" est une compilation de lettres politiques de Sri Aurobindo et dans plusieurs d'entre elles, il parle de la non-violence. 

 

25 juin 1909

(Extrait d’un discours prononcé à Khoulna)

La vertu du brahmane est une grande vertu. Tu ne tueras point – telle est la signification de l’ahimsâ. Mais si cette vertu de non-violence vient au kshatriya (1), si vous dites : «Je ne tuerai point», alors il n’y a plus personne pour protéger le pays. Le bonheur du peuple s’écroulera. L’injustice et l’anarchie régneront. La vertu devient une source de misère et, par votre faute, misère et conflits se répandent dans le peuple.

(1) Le kshatriya représente l'une des 4 castes traditionnelles de la culture indienne. Il est le roi, le noble, le guerrier. (note personnelle)

* * *

Décembre 1916

La guerre et la destruction sont un principe universel qui gouverne non seulement notre vie purement matérielle ici-bas, mais même notre existence mentale et morale. Il est évident, pratiquement, que dans sa vie intellectuelle, sociale, politique et morale, l’homme ne peut faire un pas en avant sans une bataille ; une bataille entre ce qui existe et qui vit, et ce qui cherche à exister et à vivre, et entre tout ce qui se trouve derrière l’un et l’autre. 

Il est impossible, du moins en l’état actuel de l’humanité et des choses, d’avancer, de grandir, de s’accomplir et, en même temps, d’observer réellement et absolument le principe de non-violence que l’on nous propose comme la règle de conduite la meilleure et la plus haute (1).

Nous emploierons seulement la force d’âme et ne détruirons jamais par la guerre, ni même par la violence physique pour nous défendre ? Très bien, mais en attendant que la force d’âme soit efficace, la force asourique [démoniaque] dans les hommes et les nations, écrase, démolit, massacre, brûle et pollue comme nous le voyons aujourd’hui ; elle pourra le faire alors tout à son aise et sans obstruction, et vous aurez peut-être causé la destruction d’autant de vies par votre abstention que d’autres par leur violence... 

Le mal ne peut périr sans entraîner la destruction de bien des choses qui vivent par le mal...

Il ne suffit pas d’avoir les mains propres et l’âme sans tache pour que la loi de la bataille et de la destruction disparaisse du monde ; il faut d’abord que leur racine disparaisse de l’humanité. 

L’immobilité et l’inertie qui refusent de se servir de tout moyen de résistance au mal ou qui sont incapables de s’en servir, n’abrogeront pas la loi non plus, et encore moins. 

En vérité, l’inertie fait beaucoup plus de mal que le principe dynamique de la lutte qui, au moins, crée plus qu’il ne détruit. 

Par conséquent, si l’on regarde le problème de l’action individuelle, s’abstenir de la lutte sous sa forme physique la plus visible et de la destruction qui l’accompagne inévitablement, nous donne peut-être une satisfaction morale, mais laisse inaboli le Destructeur des créatures.

(1) Sri Aurobindo écrit ceci au moment où Gandhi, de retour en Inde, commence à propager sa doctrine d’ahimsâ ou non-violence.

Il n’y a que peu de religions qui ont eu le courage de déclarer sans réserve, comme l’a fait la religion indienne, que cette énigmatique Puissance qui gouverne le monde est une seule Divinité, une seule Trinité, le courage de présenter l’image de la Force qui agit dans le monde sous les traits non seulement de la bienfaisante Dourgâ, mais aussi de la terrible Kâlî exécutant sa danse sanguinaire de destruction, et de dire : «Cela aussi, c’est la Mère; cela aussi, sache que c’est Dieu ; cela aussi, si tu en as la force, adore-le.» 

Et il est significatif que la religion qui a eu cette honnêteté inflexible et ce formidable courage ait réussi à créer une spiritualité profonde et vaste qui n’a aucun équivalent. 

Car la vérité est le fondement de la véritable spiritualité et le courage en est l’âme.

* * *

7 AVRIL 1920

Pourquoi ai-je abandonné la politique ? Parce que notre politique n’est pas authentiquement indienne ; c’est une importation et une imitation européennes. Elle a été nécessaire à un certain moment. Nous aussi, nous avons fait une politique de type européen. Si nous ne l’avions pas faite, le pays ne se serait pas relevé et nous n’aurions pas acquis l’expérience qu’il faut pour nous développer complètement... 

Cependant, il est temps de s’emparer de la réalité plutôt que de prolonger son ombre. Nous devons éveiller l’âme véritable de l’Inde et façonner toutes les œuvres à son image. Cela fait dix ans que je verse silencieusement mon influence dans ce réceptacle politique de type européen, et avec un certain résultat. 

Je peux continuer à le faire quand c’est nécessaire. Mais aller recommencer ce travail, m’associer et collaborer avec les leaders politiques, ce serait soutenir un dharma [loi d’être] qui nous est étranger et une vie politique mensongère. 

Les gens – Gandhi, par exemple – parlent maintenant de «spiritualiser la politique», mais sans savoir comment s’y prendre. Que fait Gandhi ? En mélangeant ahimsâ paramo dharmah [la non-violence est la loi la plus haute], jaïnisme, hartal [grève], résistance passive, etc., il fait un pot-pourri appelé satyâgraha (1)amenant une espèce de tolstoïsme indianisé dans le pays. Le résultat – si toutefois il est durable – sera une sorte de bolchevisme indianisé. Je n’ai aucune objection à son travail – que chacun agisse selon son inspiration. Mais ce n’est pas la vraie chose.

(1) Satyâgraha : littéralement: «insistance sur la vérité», expression utilisée surtout pour désigner la résistance passive telle que Gandhi la concevait.

À suivre....

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
quand on a l'habitude de voir le monde avec les plans de conscience se Sri Aurobindo , on sent tout de suite que Gandhi est un Toilstoi Indien regie par un mental rigide<br /> Sri Aurobindo a ete le seul indien qui a tout de suite percu Hitler comme l'incarnation des forces hostiles alors que Gandhi n a rien vu<br /> Vivre avec la connaissance et la perception de ces plans de conscience permet de percevoir la realite
Répondre