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Publié par pascalemmanuel

22 avril

On se dirait à la fin d’un monde — notre monde aussi. Je devine bien ce que tu sens. Ça n’en finit pas de mourir et l’autre n’est pas encore né pour nos yeux. C’est cela, sans doute, le bond dans le noir que j’avais vu. C’est comme une fin de tout ou une dissolution de tout. Même nos espoirs et nos plans semblent problématiques et appartenir encore, d’une autre manière, au vieux monde qui meurt. Aller se battre avec l’Unesco, avec le CNRS, avec Chancel (*) ... Je ne sais pas. Même le livre de Mère semble avoir sombré dans le silence là-bas. Il y a des colonnes pour Spaggiari (?) et les derniers héros du hold-up. On a tant gonflé le Mental que plus rien ne veut rien dire — tout est suspect, tout est croyable et incroyable pareillement. Alors, encore « dire » ? Le temps du dire n’est-il pas fini, c’est la fin de la Babel mentale. Je ne sais pas, je sais de moins en moins. Je vois seulement tout qui se dissout.

(*) Qui voulait m'interviewer à "France Culture"

(Quelque soit les réticences de Satprem, ce fut une magnifique interview...)

Suite :

Il n'y a pas de solution sauf LA Solution. Et je me demande si ces « circonstances écrasantes » dont parlait Mère ne sont pas à la porte. Nous arrivons au point où quelque chose doit se produire. J’ai l’impression d’être dans la mort de tout — y compris la mienne. Et les dieux sont silencieux.

26 avril :

Je ne m’inquiète pas ici de tes bonnes raisons ou de tes mauvaises raisons — les raisons ne m’intéressent pas beaucoup. Tout le monde a raison, tout le monde a tort aussi d’une certaine façon parce que le grand tort est de n’être pas divin. La girouette raisonnable peut tourner tant qu’elle veut, selon le caprice des vents.

(...)

Dans cette mêlée, je n’ai connu qu’une seule Force, c’est celle de mon impuissance, j’avais seulement besoin de Mère, tellement besoin d’Elle — qu’ils gagnent, qu’ils perdent, qu’ils me tuent ou non, qu’ils aient raison ou tort, que je sois tout seul ou non, Auroville ou pas Auroville, l’Ashram ou pas d’Ashram, j’avais seulement besoin d’entendre Son battement dans mon cœur, que ce soit Elle et seulement Elle dans tout ce chaos et cette nuit douloureuse.

Le départ physique de Mère, Son retrait de nos yeux, c’était comme une asphyxie pour moi, j’avais perdu tout mon air, tout mon plein, tout mon amour, alors qu’est-ce que cela pouvait me faire Auroville, l’Ashram, les ennemis, les amis, les torts, les raisons — j’étais, je suis seulement ce trou brûlant qui a besoin d’une seule chose : Elle, « Ça », n’importe, ce quelque chose d’absolu pour toujours et pour tous les jours.

C’est dans ce Néant brûlant, qui finissait par être le seul Plein de quelque chose, que j’ai été amené à agir, faire des actes, que j’ai été entraîné à écrire, intervenir à Auroville, prendre des positions — mais je me moquais de toutes les positions et de toutes les villes et de toutes les histoires : j’étais, je suis dans la seule Position respirable, de là j’agis, de là je fais, j’écris. Les torts et les raisons s’en vont aux quatre vents, mais il y a ce seul Souffle dedans, cette seule suprême Raison dedans.

C’est cela que j’ai essayé de communiquer tant bien que mal à mes frères d’Auroville, partout où je rencontrais une lueur d’aspiration, une étincelle de vrai Besoin — parce que je savais, je sentais, je vivais que c’était le seul Pouvoir dans la grande nuit, la seule Raison de tout ce non-sens étranglant. Je me suis penché sur vous comme au milieu de la grande noyade.

(...)

Ceci ne s’adresse pas spécialement à toi, mais à tous mes frères là-haut. C’est tellement l’heure d’être frères...

 

27 avril :

Maintenant, pour reprendre le problème que tu soulèves en citant Mère dans L’Espèce nouvelle : « Et c’est justement l’erreur mentale de vouloir choisir une chose et d’en rejeter une autre : toutes les choses doivent être ensemble — ce qu’on appelle bien, ce qu’on appelle mal, ce qu’on appelle bon, ce qu’on appelle mauvais, ce qui vous semble plaisant et ce qui vous semble déplaisant, tout cela doit être ensemble. Le rejet de l’un et l’acceptation de l’autre, c’est un enfantillage. C’est une ignorance. »

Mère ne fait jamais de philosophie, il n’y a pas d’être plus « pratique » au monde que Mère : tout, pour Elle, est un moyen d’action, de progrès. Or, il n’y a aucun doute que le cancer et la mort sont très utiles pour éveiller chez l’homme la nécessité de trouver le moyen de guérir le cancer ou la cause du cancer et de guérir la mort ou la cause de la mort. Cela ne veut pas dire qu’il faut embrasser le cancer et la mort, cela veut dire qu’il faut trouver DANS le cancer et la mort ce qui peut dépasser et surmonter le Mal : le changer en une troisième chose qui ne sera plus ni notre faux bien et nos faux remèdes, ni cette apparence de mal et son éternelle domination.

(...)

Mais ce n’est pas nous qui les changerons, personne ne peut convertir les serpents : ce sont eux-mêmes, s’ils sont assez sincères, qui seront obligés de changer pour survivre.

(...)

Nous en sommes là : il faut changer ou mourir. Il faut trouver la Position vraie ou mourir. Il faut être UN et PUR ou mourir.

8 mai :

Oui, c’est à la fois très chaud et impersonnel, et dans cette impersonnalité il y a un amour clair, tranquille, d’autant plus vaste qu’il n’y a pas de nœud d’ego pour l’étrangler... Ça commence. C’est commencé. On y va. On entre dedans. J’ai très fort l’impression qu’il se prépare des choses capitales et que tout dépend de la capacité d’entrer dans cette Lumière ou de la supporter. Il y a ceux qui ne pourront pas. La sur-vie est là au milieu d’une espèce de catastrophe grandissante.

Mais c’est seulement la catastrophe du Mental. La Babel devient si folle, qu’un jour, brusquement, ce sera irréversible — tout tombera des mains dans quelque chose qui sera à la frontière de la folie et du rire merveilleux. Juste une petite frontière, mais on sera de ce côté-là ou de l’autre. On se prépare à Ça — ou plutôt on nous prépare...

22 juin :

Ici, on taille à la hache, on cogne aux portes — beaucoup de réceptivités inattendues dans un chaos qui ressemble à la fin d’un monde. Un monde qui touche à sa fin. C’est cela. Et la « nouvelle chose » que nous mettons en branle, ou qui se met en branle à travers les livres. Rien à dire : il faut faire. Que votre prière à tous accélère le Moment. Ce que vous êtes et faites là-bas importe à tout le monde. Il ne faut pas se perdre dans les petites histoires : nous vivons une grande Histoire. Il faut être vrai, c’est tout.

Avec toi, avec tous mes frères et sœurs

très fraternellement

Satprem

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