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Publié par pascalemmanuel

Il est possible que chaque individu soit habité par UNE question particulière, sa façon personnelle d'être au monde, de concevoir la vie, quelque chose de très fondamental. De même, il est possible que chaque pays soit confronté à UNE difficulté particulière. Concernant notre pays, selon moi, l'Agenda de Mère du 3 juillet 1963 pose clairement LA question que nous avons collectivement à résoudre.

Avec la qualité intellectuelle de la France, la qualité de son esprit, le jour où elle sera vraiment touchée spirituellement (elle n'a jamais été touchée spirituellement), le jour où elle sera touchée spirituellement, ce sera quelque chose d'exceptionnel.

Sri Aurobindo aimait beaucoup la France. Je suis née là-bas – il y a certainement une raison. Pour moi, je sais très bien : c'était la nécessité de la culture, de l'esprit clair, précis ; du raffinement de la pensée, du goût, et de la clarté d'esprit – il n'y a pas de pays au monde comme cela. Il n'y en a pas. Et Sri Aurobindo aimait la France à cause de cela aussi, beaucoup-beaucoup. Il disait que pendant toute sa vie en Angleterre, il aimait beaucoup plus la France que l'Angleterre !

Si j'avais une question a poser à ceux qui savent un peu ces choses, ce serait : Qu'est-ce que cela veut dire, être touché spirituellement ? Comment faire pour être touché spirituellement ? Parce que, pour que cela arrive, cela aiderait que cela commence à devenir CLAIR dans la conscience collective.

Tout changerait si seulement l’homme consentait à être spiritualisé. Mais sa nature mentale, vitale et physique se révolte contre la loi supérieure. Il aime son imperfection.

Sri Aurobindo – Aperçus et Pensées

Pour l'homme, si j'ai bien compris, être spiritualisé cela signifie deux choses. Soit se tourner vers l'intérieur afin d'établir un contact avec l'être psychique. Soit se tourner vers le haut afin d'établir un contact avec le Moi supérieur, avec les plans de conscience au-delà du mental. Maintenant, établir le contact est seulement la première étape. Ensuite, il faut s'immerger, se fondre, faire ce avec quoi nous avons établi le contact afin que cela transforme notre nature mentale, vitale et physique.

Mais pour un pays, qu'est-ce que cela signifie ?

Une vidéo de Sraddhalu a donné quelques éléments de réponse. Il expliquait qu'en Inde, on considérait qu'il y avait trois aliments pour nourrir l'âme, la vérité, la beauté et le sacré. C'est très intéressant car nous pouvons observer de nombreux parallèles avec notre vie contemporaine.

Si le mensonge a toujours existé, on dirait que depuis la crise Covid il s'est littéralement déchaîné. En outre, depuis des décennies, nous avons déferlé une sorte de culture de la vulgarité et de la laideur avec des statues de corps obèses et difformes, d'un énorme vagin devant le château de Versailles, des manifestations transgenres qui n'ont rien du raffinement que peut avoir certains spectacles de transformistes, avec un urbanisme de la laideur, etc. Et enfin, les valeurs les plus sacrées de l'humanité sont violées, on peut saccager impunément la planète, couper sans sourciller des arbres centenaires pour faire des buffets de cuisine, raser des forêts, saccager la vie des enfants...

Notre retour conscient volontaire et déterminé vers à la vérité, la beauté et le sacré est une première réponse. Ensuite, j'ai commencé à relire Le Cycle humain que j'avais lu il y a vingt ans et le chapitre 4 La découverte de l'âme nationale donne de formidables réponses. Commençons par les deux premiers paragraphes.

La loi première, le dessein fondamental de la vie individuelle est la recherche de son propre développement. D’une façon consciente ou semi-consciente, ou inconsciemment et à tâtons, elle s’efforce toujours, et à bon droit, d’arriver à sa propre formule   : de se trouver elle-même, de découvrir en elle-même la loi et le pouvoir de son être et de les accomplir. Et pour elle, ce but est fondamental, juste, inévitable, car on peut faire toutes les réserves et toutes les objections que l’on veut, il reste que l’individu n’est pas seulement une créature physique éphémère, une forme mentale et corporelle qui s’agrège et se dissout, mais un être, un vivant pouvoir de la Vérité éternelle, un esprit qui se manifeste.

De même, la loi première, le dessein fondamental de toute société, communauté ou nation, est de chercher son propre accomplissement ; chacune s’efforce, et à bon droit, de se trouver elle-même, de percevoir en elle-même la loi et le pouvoir de son être et de les accomplir aussi parfaitement que possible, de réaliser toutes ses potentialités, de vivre la vie qui la révélera à elle-même.

Et la raison en est la même ; car les sociétés aussi sont des êtres, de vivants pouvoirs de la Vérité éternelle, des manifestations de l’Esprit cosmique, et elles sont là pour exprimer et accomplir, chacune à sa manière et selon ses propres capacités, la vérité spéciale, le pouvoir et le dessein particuliers de l’Esprit cosmique qui est en elles.

La nation ou la société, comme l’individu, possède un corps, une vie organique, un tempérament moral et esthétique, un mental qui se développe, et, derrière tous ces signes et ces pouvoirs, une âme pour laquelle ils existent.

Et même, on peut dire que, comme l’individu, elle est essentiellement une âme plutôt qu’elle n’en a une ; c’est une âme collective, une âme de groupe, qui, dès qu’elle parvient à une nette différenciation, doit nécessairement devenir de plus en plus consciente d’elle-même ; et elle se découvrira de plus en plus pleinement à mesure qu’elle développera son action et sa mentalité communes et la vie organique qui l’exprime.

*

Le parallèle est exact en tout point, car c’est plus qu’un parallèle   : c’est une réelle identité de nature. La seule différence est que l’âme de groupe est beaucoup plus complexe parce que son être physique, au lieu d’une simple association de cellules vitales subconscientes, est constitué d’un grand nombre d’êtres pensants en partie conscients d’eux-mêmes.

Pour cette raison même, l’âme de groupe semble tout d’abord plus fruste, les formes qu’elle revêt plus primitives et plus artificielles, car sa tâche est plus difficile, elle a besoin de plus de temps pour se découvrir, elle est plus fluide et s’organise moins aisément.

Quand elle arrive à sortir de ce stade de formation vaguement consciente, la première conscience définie qu’elle prend d’elle-même est beaucoup plus objective que subjective. Et dans la mesure où elle est subjective, elle est volontiers superficielle ou flottante et vague. Cet objectivisme apparaît très fortement dans l’idéal sentimental de la nation, habituellement centré sur l’aspect géographique le plus extérieur et le plus matériel, l’adoration de la terre où nous vivons, la terre de nos pères, la terre natale   : country, patria, vaterland, janmabhûmi.

Quand nous comprenons que cette terre n’est que l’enveloppe du corps national (encore que ce soit une enveloppe très vivante, en vérité, et qui exerce une influence puissante sur la nation) et que nous commençons à sentir que son corps plus réel est fait des hommes et des femmes qui composent l’unité nationale — un corps toujours changeant et pourtant toujours le même, comme l’individu —, nous sommes en voie d’accéder à une conscience de groupe vraiment subjective.

Nous avons alors quelque chance de comprendre que même l’être physique de la société est une puissance subjective, et pas seulement une existence objective. Bien plus encore, son être intérieur est une grande âme communautaire, avec toutes les possibilités et tous les dangers de la vie de l’âme.

*

L'extrait suivant nous donne une clef pour un regard plus profond sur notre âme collective.

C’est seulement quand le pouvoir d’âme du groupe sort du subconscient et vient à la surface, que les nations commencent à prendre possession de leur moi subjectif ; elles sont alors en route vers leur âme, si vaguement ou imparfaitement que ce soit.

Certes, on sent toujours plus ou moins le jeu de cette existence subjective, même à la surface de la mentalité du groupe. Mais pour peu que ce vague sentiment se définisse, il s’attache surtout aux détails et aux accessoires   : idiosyncrasies nationales, habitudes, préjugés, tournures mentales prononcées. C’est, pour ainsi dire, un sens objectif de la subjectivité.

L’homme a pris l’habitude de se considérer comme un corps et une vie, comme un animal physique doué d’un certain tempérament moral, ou immoral, et de considérer les choses de l’esprit comme la fine fleur et le sommet de la vie physique plutôt que comme un élément essentiel ou le signe de quelque chose d’essentiel ; et c’est de la même façon, et plus exclusivement encore, que la communauté considère cette petite partie du moi subjectif dont elle prend conscience.

En vérité, elle s’accroche toujours à ses particularités, ses habitudes, ses préjugés, mais d’une façon objective et aveugle, en insistant sur leur aspect le plus extérieur et sans chercher le moins du monde derrière eux ce qu’ils représentent et essayent aveuglément d’exprimer.

Dans le premier chapitre Sri Aurobindo nous dit ceci :

...Lamprecht, s’appuyant sur l’histoire européenne et particulièrement celle de l’Allemagne, suppose que le progrès de la société humaine traverse certaines étapes psychologiques distinctes, qu’il appelle respectivement symbolique, typique, conventionnelle, individualiste et subjective. Cette progression forme ainsi une sorte de cycle psychologique par lequel toute nation ou civilisation doit nécessairement passer.

Bien entendu, toutes les classifications de ce genre risquent de pécher par rigidité, voulant substituer aux spirales et aux zigzags de la Nature, la ligne droite du mental. La psychologie de l’homme et des sociétés est trop complexe, ses tendances diverses et entremêlées forment une synthèse trop poussée pour se prêter à une analyse formelle aussi rigoureuse. Cette théorie du cycle psychologique ne nous dit pas non plus le sens intérieur de ses phases successives, ni la nécessité de leur succession, ni le terme, le but vers lequel elles s’acheminent.Beaucoup parlent de la création de

Cependant, pour comprendre les lois naturelles, qu’elles soient mentales ou matérielles, il est nécessaire d’analyser leur fonctionnement en ses éléments discernables, ses composants principaux, ses forces dominantes, encore qu’on ne les trouve réellement nulle part à l’état isolé. Je laisserai de côté la manière dont ce penseur occidental expose son idée. Les noms suggestifs qu’il nous offre, si nous examinons leur sens et leur valeur intrinsèques, peuvent cependant jeter quelque lumière sur le secret lourdement voilé de notre évolution historique, et de fait, c’est dans cette direction qu’il serait le plus utile de faire des investigations.

Ainsi, tout en la nuançant, Sri Aurobindo reprend à son compte la théorie de cet historien allemand des cycles historiques et psychologiques des nations. Ces précisions étaient nécessaires pour introduire l'extrait suivant qui stipule que nous sommes entrés dans la phase subjective du cycle :

Nous pouvons donc en conclure que le subjectivisme conscient et délibéré de certaines nations est le signe précurseur d’un changement général dans l’humanité, et que si le développement du subjectivisme s’est trouvé favorisé par certaines circonstances locales, il ne dépend pas vraiment de ces circonstances et n’en est d’aucune façon le produit.

Ce changement général est incontestable ; c’est, à l’heure actuelle, l’un des principaux phénomènes dans la vie des nations et des communautés. La conception que l’Irlande et l’Inde furent les premières à formuler catégoriquement   : «   être soi-même   » — conception si différente de l’impulsion et de l’ambition des nations asservies ou infortunées d’autrefois qui s’efforçaient plutôt de devenir semblables aux autres —, est maintenant un principe de vie nationale de plus en plus généralement admis.

Cette idée peut conduire à de grands dangers et à de graves erreurs, mais elle est la condition essentielle pour que s’accomplisse ce que l’Esprit-du-Temps exige maintenant de l’espèce humaine   : qu’elle trouve subjectivement, non seulement dans l’individu mais dans la nation et dans l’unité du genre humain lui-même, son être profond, sa loi intérieure, son vrai moi, et qu’elle vive en accord avec cela et non plus selon des règles artificielles.

Si cette dernière phrase n'explique pas comment faire, c'est déjà une aide formidable de savoir quoi chercher. Dans un dernier extrait, Sri Aurobindo analyse l'exemple désastreux de l'Allemagne et nous dit ceci :

Ce qui est arrivé à l’Allemagne, arrive parfois aussi au chercheur sur le chemin du yoga quand il suit une fausse lumière qui le conduit à sa ruine spirituelle — car le yoga, cet art de la découverte consciente de soi, est un chemin semé de périls beaucoup plus graves que ceux qui menacent généralement l’homme ordinaire.

L’Allemagne avait pris son ego vital pour son vrai moi ; elle était partie à la recherche de son âme et n’avait trouvé que sa force. Comme l’Asura (1) , elle avait dit   : «   Je suis mon corps, ma vie, mon mental, mon tempérament   » et elle s’était attachée à eux avec une force de Titan ; elle avait surtout dit   : «   Je suis ma vie et mon corps   » et, pour la nation comme pour l’homme, il n’est pas d’erreur plus désastreuse.

L’âme de l’homme ou de la nation est quelque chose de plus que sa vie et son corps, elle est plus divine que cela, plus grande que ses instruments, et elle ne peut être enfermée dans une formule physique, vitale, mentale ou caractérielle.

Vouloir l’emprisonner ainsi (quand bien même la formation mensongère s’incarnerait-elle dans le corps cuirassé d’un énorme dinosaure humain collectif), ne peut qu’étouffer la croissance de la Réalité intérieure et doit fatalement aboutir à la décomposition ou à l’anéantissement qui frappent tout ce qui n’est ni plastique ni adaptable.

*

Il est donc évident qu’il existe un faux subjectivisme autant qu’un vrai ; les erreurs qui peuvent menacer la tendance subjective sont aussi grandes que ses possibilités, et elles peuvent conduire à de terribles catastrophes. Cette distinction doit être clairement saisie si l’espèce humaine veut traverser sans accident cette période de l’évolution sociale.

(1) L’Asura, ou Titan, incarne les forces des ténèbres et de l’égoïsme ignorant ; il lutte contre la vérité divine. (Note de l’éditeur)

C'est curieux. La perspective de découvrir la vie intérieure collective est aussi touchant que celle de découvrir sa propre vie intérieure, comme s'il n'y avait aucune séparation, comme s'il s'agissait d'un seul et même processus.

Il est beaucoup question de groupes de toutes sortes, de communautés, ou de la situation du pays. Il me semble que ces choses que nous dit Sri Aurobindo sont très importantes, et même parmi les patriotes qui veulent défendre le pays, je n'ai rien entendu de si profond.

Et puis, une idée fausse circule beaucoup chez des personnes spirituelles. Elles parlent de l'unité humaine, que l'humanité est une seule famille, et qu'en conséquence, les nations devraient disparaître. C'est une idée dangereuse qui fait beaucoup de dégâts. Ces extraits rappellent que derrière les nations, il y a un Principe divin.

Aphorismes de Sri Aurobindo

332 — Le monde de Dieu avance pas à pas et il réalise l’unité moindre avant de tenter sérieusement l’unité plus grande. Affirme d’abord la liberté nationale si jamais tu veux amener le monde à être une seule nation.

333 — Une nation ne se fait pas par le sang commun, une langue commune ni par une religion commune ; ce sont là seulement des auxiliaires importants et des commodités puissantes. Mais partout où des communautés d’hommes non attachés par des liens de famille se sont unies dans un même sentiment et une même aspiration afin de défendre l’héritage commun de leurs ancêtres ou pour assurer un avenir commun à leur postérité, une nation est déjà née.

334 — La nation est un grand pas dans la marche de Dieu afin de dépasser le stade de la famille ; par conséquent, l’attachement au clan et à la tribu doit s’effacer et disparaître avant que puisse naître une nation.

Commentaire de Mère : Ainsi Sri Aurobindo nous révèle le grand secret politique dont la réalisation peut nous mener à l’union de toutes les nations et finalement à l’unité humaine. 11 février 1970

335 — La famille, la nation, l’humanité sont les trois enjambées de Vishnu pour passer de l’unité isolée à l’unité collective. La première est faite ; nous nous efforçons encore à la perfection de la seconde ; nous tendons les mains vers la troisième, mais le travail de pionnier a déjà commencé.

336 — Étant donné la moralité actuelle de l’espèce humaine, une unité humaine solide et durable n’est pas encore possible ; mais il n’y a aucune raison pour qu’une approximation temporaire ne vienne récompenser une aspiration opiniâtre et un effort infatigable. La Nature progresse par des approximations constantes, des réalisations partielles et des succès temporaires.

Commentaire de Mère : Comme Sri Aurobindo l’a prédit, les choses vont vite, et la situation de l’humanité a beaucoup changé depuis que Sri Aurobindo travaille dans le physique subtil   : l’idée de l’unité humaine a fait beaucoup de progrès dans la compréhension générale. 12 février 1970

À suivre avec quelques extraits du Chapitre 5 : le vrai et le faux subjectivisme

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