Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par pascalemmanuel

En commençant la lecture du chapitre Le sacrifice et le Seigneur du Sacrifice dans le Yoga des Œuvres, dans la mesure où nous venons de voir les trois chapitres consacrés à ce sujet dans Essai sur la Guîtâ, je m'attendais à trouver à peu près les mêmes choses. Or, pas du tout, il y a des choses tout à fait nouvelles.

Continuons donc notre tour d'horizon de la question et ce chapitre étant fort long, nous n'en verrons que le début. 

Les premiers paragraphes rassemblent quelques données d'introduction que nous avons déjà abordées et une introduction sur la notion habituelle du sacrifice dans laquelle Sri Aurobindo met en garde contre les exagérations mortifères.

Et à. partir du sixième paragraphe Sri Aurobindo commence à nous donner des indications tout à fait concrètes pour la pratique, nous entrons alors dans le yoga :

 

Finalement, il faut considérer à qui le sacrifice est fait et la manière dont il est fait. Le sacrifice peut être offert à autrui ou à des Pouvoirs divins ; il peut être offert au Tout cosmique ou il peut être offert au Suprême transcendant.

L’acte d’adoration peut prendre n’importe quelle forme, depuis l’offrande d’une feuille ou d’une fleur, d’un gobelet d’eau, d’une poignée de riz, d’une morceau de pain, jusqu’à la consécration de tout ce que nous possédons et la soumission de tout ce que nous sommes.

Quel que soit celui à qui l’on offre le sacrifice et quel que soit le don, c’est le Suprême, l’Éternel dans les choses, qui le reçoit et l’accepte, même si l’offrande est dédaignée ou rejetée par l’intermédiaire immédiat.

Car le Suprême qui transcende l’univers, si voilé soit-il, est aussi en nous et dans le monde et dans les événements ; il est ici, Témoin omniscient et Récepteur de toutes nos œuvres et leur Maître secret.

Obscurément ou consciemment, que nous le sachions ou non, visiblement ou d’une façon déguisée, toutes nos actions, tous nos efforts, et même nos fautes et nos chutes, nos souffrances, nos luttes, sont gouvernés par l’Un en leur ultime résultat.

Tout est tourné vers lui en ses formes innombrables, et à travers ces formes, offert à l’unique Omniprésence.

Quelle que soit la forme sous laquelle nous l’approchons, quel que soit l’esprit dans lequel nous allons à lui, c’est sous cette forme et dans cet esprit qu’il reçoit le sacrifice.

🪷

 

Le fruit du sacrifice des œuvres varie aussi suivant l’œuvre, et suivant l’intention et l’esprit qui l’animent.

Tous les sacrifices sont partiels, égoïstes, mélangés, temporels et incomplets ; même ceux qui sont offerts aux Pouvoirs et aux Principes les plus hauts en portent la marque, et le résultat est lui aussi partiel, limité, temporel ; leurs réactions sont mélangées et leurs effets n’atteignent qu’un but mineur ou intermédiaire.

Le seul sacrifice entièrement acceptable est le don de soi final, suprême, total — un don fait face à face, avec dévotion et connaissance, librement et sans réserve, à l’Un qui est à la fois notre Moi immanent et le Tout qui embrasse tout et constitue tout, la Réalité suprême au-delà de cette manifestation ou de toutes les autres, et qui secrètement est tout cela ensemble, dissimulé partout, la Transcendance immanente.

Car à l’âme qui se donne à lui intégralement, Dieu aussi se donne intégralement. Seul celui qui offre sa nature tout entière trouve le Moi. Seul celui qui peut tout donner jouit du divin Tout en toutes choses. Seul un suprême abandon de soi atteint le Suprême. Seule la sublimation de tout ce que nous sommes par le sacrifice nous rend capables d’incarner le Très-Haut et de vivre ici-bas dans la conscience immanente de l’Esprit transcendant.

Ipomoea – Liseron – Don de soi intégral

Tout ouverte, claire et pure.

Dans les paragraphes suivants, Sri Aurobindo détaille la pratique du sacrifice et évoque trois résultats possibles.

 

Pour résumer, disons qu’il nous est demandé de changer notre vie tout entière en un sacrifice conscient. Chaque moment, chaque mouvement de notre être doit se transmuer en un continuel et fervent don de soi à l’Éternel.

Toutes nos actions — la plus petite, la plus ordinaire, la plus insignifiante, et la plus grande aussi, la plus noble et la plus exceptionnelle — doivent être accomplies comme des actes consacrés.

Notre nature individualisée doit vivre dans l’unique conscience d’un mouvement intérieur et extérieur dédié à Quelque Chose qui est au-delà de nous et plus grand que notre ego.

Peu importe la nature du don ou à qui nous le faisons ; il doit y avoir, dans l’acte, la conscience que nous l’offrons à l’Être divin, un en tous les êtres.

Nos actions les plus ordinaires, les plus grossièrement matérielles, doivent revêtir ce caractère sublimé : quand nous mangeons, nous devons être conscients que nous donnons notre nourriture à cette Présence en nous ; ce doit être une offrande sacrée dans un temple, et le sentiment que nous satisfaisons un simple besoin physique ou un plaisir doit nous quitter.

Et s’il s’agit d’une grande œuvre, d’une haute discipline, d’une difficile et noble entreprise, qu’elle soit accomplie pour nous-mêmes, pour les autres ou pour l’espèce humaine, il ne sera plus possible de se limiter à l’idée d’espèce, de soi-même ou des autres.

Ce que nous faisons doit être consciemment offert comme un sacrifice des œuvres, non pour l’espèce, les autres ou nous- même, mais à travers cela ou directement, pour l’Unique Divinité ; l’Habitant divin dissimulé par ces symboles ne doit plus être caché mais à jamais présent pour notre âme, notre mental et nos sens.

L’accomplissement de nos actions et leurs résultats doivent être remis entre les mains de l’Un avec le sentiment que cette Présence est l’Infini et le Très-Haut qui, seul, rend possibles notre labeur et notre aspiration.

Car c’est en son être que tout se passe ; c’est pour lui que la Nature nous prend tout notre labeur et toutes nos aspirations afin de les offrir sur son autel.

Même quand la Nature elle-même est très manifestement l’ouvrier et que nous sommes seulement le témoin de ses opérations ou un simple support et un réceptacle, nous devons avoir le même souvenir constant, la même conscience persistante du Maître divin et de son travail.

Les mouvements mêmes de notre respiration, les battements de notre cœur, peuvent et doivent devenir conscients qu’ils sont le rythme vivant du Sacrifice universel.

🪷

 

Il est clair qu’une conception de ce genre, quand elle est effectivement mise en pratique, doit entraîner trois résultats qui sont d’une importance centrale pour notre idéal spirituel.

Tout d’abord, il est évident que même si l’on commence cette discipline sans dévotion, elle conduit tout droit et inévitablement à la dévotion la plus haute possible, car elle doit naturellement s’approfondir en la plus complète adoration que l’on puisse imaginer et en le plus profond amour de Dieu.

Avec cette discipline, viennent nécessairement une perception croissante du Divin en toutes choses, une communion toujours plus profonde avec le Divin dans toutes nos pensées, tous nos actes, toute notre volonté et, à chaque moment de notre vie, une consécration de plus en plus ardente de la totalité de notre être au Divin.

Or, ce qui se trouve ainsi impliqué dans le yoga des œuvres constitue aussi l’essence même d’une bhakti intégrale et absolue.

Le chercheur qui met cette discipline en pratique vivante, édifie en lui-même une image constante, active et effective de l’esprit même de la dévotion, et il est inévitable que cet esprit fasse naître une adoration suprêmement captivante du Très-Haut à qui est offert ce service.

Un amour absorbant de la Présence divine dont il se sent toujours plus intimement proche, grandit dans le travailleur consacré.

Et avec cet amour, ou contenu en lui, grandit aussi un amour universel pour tous les êtres, toutes les formes et toutes les créatures vivantes qui sont les demeures du Divin : non pas les brèves émotions accaparantes et agitées propres à la division, mais l’amour stable et non égoïste qui exprime la vibration profonde de l’unité.

En toute chose, le chercheur commence à rencontrer l’unique Objet de son adoration et de son service.

Ainsi, par ce chemin du sacrifice, la voie des Œuvres rejoint celle de la Dévotion ; il peut apporter une dévotion aussi complète, aussi absorbante, aussi intégrale que le désir du cœur peut le demander ou que la passion du mental peut l’imaginer.

🪷

 

Ensuite, la pratique de ce yoga exige un constant souvenir intérieur de la seule connaissance centrale libératrice, et quand ce souvenir s’extériorise activement et constamment dans les œuvres, il s’en trouve intensifié.

En tout est le Moi unique, l’unique Divin est tout ; tous sont dans le Divin, tous sont le Divin, il n’est rien d’autre dans l’univers.

Cette pensée ou cette foi remplissent tout l’arrière-plan de la conscience du travailleur et finissent par devenir la substance même de sa conscience.

Un souvenir, une méditation dynamique de ce genre doivent se changer, et se changent effectivement à la fin en une vision profonde et constante, une conscience vivante et totale de Cela dont nous nous souvenons si intensément ou sur quoi nous méditons sans cesse.

Car ce souvenir nous oblige à nous référer, avec persistance et à chaque moment, à l’Origine de tout être, toute volonté, toute action, ce qui entraîne aussitôt un embrassement et un dépassement de toutes les formes et toutes les apparences particulières en Cela qui est leur cause et leur support.

Cette voie conduit inévitablement à une vision profondément et intensément vivante (aussi concrète que peut l’être la vision physique) des œuvres de l’Esprit universel en toutes choses.

Elle s’élève à un sommet où l’on vit, pense, veut et agit constamment en la présence du Supramental, du Transcendant.

Tout ce que nous voyons et entendons, tout ce que nous touchons et sentons, tout ce dont nous sommes conscients, doit être connu et senti par nous comme Cela que nous adorons et servons ; tout doit être changé en une image du Divin, tout doit être perçu comme un habitacle de sa Divinité, tout doit être enveloppé de l’Omniprésence éternelle.

Par cette communion avec la Présence, la Volonté et la Force divines, la voie des Œuvres se transforme à la fin, voire longtemps avant, en une voie de la Connaissance plus complète et plus intégrale que tout ce que la simple intelligence de la créature peut bâtir ou tout ce que la recherche de l’intellect peut découvrir.

🪷

 

Enfin, la pratique du yoga du sacrifice nous oblige à renoncer à tous les supports intérieurs de l’égoïsme, à les rejeter de notre mental, de notre volonté et de nos actes, et à éliminer de notre nature la semence de l’ego, sa présence, son influence.

Tout doit être fait pour le Divin ; tout doit être dirigé vers le Divin.

Rien ne doit être entrepris pour nous-mêmes en tant qu’existence séparée ; rien ne doit être fait pour les autres — voisins, amis, famille, pays, humanité ou autres créatures —, simplement parce qu’ils sont en contact avec notre vie personnelle, notre pensée, nos sentiments, ou parce que l’ego a une préférence ou un intérêt à leur bien-être.

Avec cette manière de faire et de voir, tous les actes et toute la vie deviennent une seule adoration dynamique du Divin et un service quotidien dans le temple sans limite de sa vaste existence cosmique.

La vie devient de plus en plus le sacrifice de l’éternel dans l’individu, offert constamment à l’éternelle Transcendance.

Le sacrifice est offert sur l’immense champ sacrificiel de l’Esprit cosmique éternel, et la Force qui offre le sacrifice est aussi la Force éternelle, la Mère omniprésente.

Par conséquent, c’est une voie d’union et de communion par les actes et par l’esprit et la connaissance dans les actes, aussi complète et intégrale que peut l’espérer notre volonté d’atteindre le Divin ou que peut l’entreprendre l’énergie de notre âme.

🪷

Cette voie a tout le pouvoir d’une voie des Œuvres intégrale et absolue, mais la loi de sacrifice et du don de soi au Maître ou Moi divin veut qu’elle s’accompagne de tout le pouvoir de la voie de l’Amour, d’une part, et de l’autre, de tout le pouvoir de la voie de la Connaissance. À la fin, ces trois Pouvoirs divins travaillent de concert, fondus, unis, complétés et perfectionnés l’un par l’autre.

🪷

Ensuite, dans les paragraphes suivants, Sri Aurobindo évoque trois réalisations fondamentales : la réalisation du Divin en moi, du Divin dans les autres et le monde, du Divin Transcendant mais cela dépasse largement notre sujet. 

À suivre avec la suite du chapitre...

AUM NAMO BHAGAVATÉ

AUM

🪷

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article