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Publié par pascalemmanuel

Savitri

Livre 6 - Le Livre du Destin

Chant deux - Le pourquoi de la Douleur

Sur cette question de la douleur et du destin, j'aimerais commencer avec quelques remarques.

Tout d'abord, question angoissée de la Mère de Savitri est la question que nous nous sommes tous posés à un moment donné : si Dieu existe, pourquoi permet-Il cela : la souffrance, la douleur, le mal... 

À propos de cette épineuse question qui tourmentent tant l'humanité, il est utile de rappeler que Sri Aurobindo y réponds en quelques pages dans L'Énigme de ce monde...

PDF L'Énigme de ce monde

Et dans les chapitres 12 et 14 du Livre 2 de La Vie Divine.

12. L’origine de l’Ignorance – page 605

13. La concentration exclusive de la Conscience-Force et l’Ignorance – page 621

14. Origine et remède du mensonge, de l’erreur, de l’injustice et du mal – page 637

PDF La Vie Divine

Et pourquoi ne pas poser directement la question au Divin ? Lorsque nous sommes sincères, parfois "la vie" nous amène des réponses.   

Quelques observations :

D'un certain point de vue, des choses paraissent tout  à fait désagréables, négatives et au final, d'un autre point de vue, d'un mal est né un bien et de l'autre, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Et puis, lorsque la souffrance et la douleur sont intenses, cela créé du même coup une intensité d'appel, d'aspiration pour que les choses changent. Sans l'adversité des choses négatives, nous aurions sans doute créé un petit paradis de guimauve, bien gentillet, sans intensité. Assurément, il aurait manqué quelque chose...

Et puis, si nous savons que mettre la main au feu va nous brûler, la connaissance qui vient de l'expérience est incomparable. Manifestement, il fallait que l'humanité puisse expérimenter toutes les possibilités...

Et enfin, ce long et douloureux passage par la douleur semble être la caractéristique propre à l'échelon humain.  Or, Sri Aurobindo nous a expliqueé que l'homme est un être de transition. Au fur et à mesure que l'être humain se dégagera de la conscience mentale pour entrer et vivre dans la conscience spirituelle, ces imperfections s'effaceront petit à petit.

Et lorsque le moment sera venu pour la conscience supramentale, ces choses disparaîtront tout à fait. 

Maintenant, dans le texte magnifique de Sri Aurobindo, quelques passages ont retenu mon attention.

1) Premier extrait

Caché dans le cœur des mortels l’Éternel vit :

Il vit secrètement dans la chambre de ton âme,

Là, une lumière brille, ni la douleur ni le chagrin ne peuvent entrer. 

Une obscurité fait écran entre ton moi et lui,

Tu ne peux pas entendre ni sentir l’Hôte merveilleux,

Tu ne peux pas voir le soleil bienheureux.

Ô reine, ta pensée est une lumière de l’Ignorance,

Son brillant rideau te cache la face de Dieu.

Ta pensée illumine un monde né de l’Inconscience

Mais cache l’intention de l’Immortel dans le monde.

La lumière de ton mental te cache la pensée de l’Éternel,

Les espoirs de ton cœur te cachent la volonté de l’Éternel

Les joies de la terre te ferment la félicité de l’Immortel.

Nous avons là quelques indications qui peuvent guider nos méditations sur la recherche du Divin en nous. 

Une obscurité fait écran... me rappelle cette idée que l'obscurité se fait plus dense au fur et à mesure que l'on s'approche...

Notre pensée, même lumineuse, est un voile qui nous empêche de percevoir. Faire silence, ne penser à rien...

Même nos émotions, nos espoirs sont un voile...

Même s'il n'y a là encore rien de très nouveau, c'est si merveilleusement dit que se mettre en résonance avec ces mots, peut nous ouvrir aux vérités qu'ils contiennent.

Deuxième extrait :

La douleur est le marteau des dieux

Qui brise la résistance aveugle du cœur mortel,

.../...

Si le cœur n’avait pas été forcé de vouloir et de pleurer

Son âme serait restée gisante, contente, à l’aise,

Et jamais n’aurait songé à dépasser le départ humain

Et jamais n’aurait appris à grimper vers le Soleil.

.../...

La terre est pleine du tourment des dieux ;

Sans trêve ils enfantent, harcelés par l’aiguillon du Temps

Et luttent pour accomplir l’éternelle Volonté

 

Et façonner la vie divine dans les formes mortelles.

.../...

L’esprit est voué à la douleur jusqu’à ce que l’homme soit libre.

.../...

Les hommes meurent pour que l’homme puisse vivre et Dieu puisse naître.

Ainsi, notre coeur même résiste : les dieux veulent façonner la vie divine en nous et nous voulons rester de simples humains. Si nous résistions moins au Divin projet, sans doute souffririons-nous moins.

3 ème extrait :

Celui qui veut se sauver lui-même vit calme et nu ;

Celui qui veut sauver la race doit partager sa douleur :

Il saura cela, celui qui obéit à la grandiose urgence.

Quel rapport entre le calme, la nudité et le fait de se sauver ? 

Peut-être parce qu'on est mis à nu, que la force spirituelle a trifouillé dans tous les recoins de notre être et que l'on a tout donné. Et qu'alors un calme inébranlable fait totalement partie de nous. 

Peut-être parce que pour nous ne pouvons entrer dans le sanctuaire divin de notre coeur que nu, dépouillé de tous nos artifices, dépouillé de tout, et qu'alors, nous sauf définitivement sauf.

Satprem a parlé plusieurs fois de la nudité et en Inde, certains adeptes minoritaires du jaïnisme vivent entièrement nus. 

Et quelle est cette grandiose urgence ? 

La transformation ? Le grand passage entre notre "humanité humaine" actuelle et notre "humanité divinisée" de demain ? 

Les extraits suivants parlent de la douleur, du travail difficile :

Dans ce chant, Sri Aurobindo reviendra plusieurs fois sur le fait de "partager la douleur"...

Avec une ambiguïté, en tout cas dans ma "non-compréhension".

Parfois, il est clair qu'il parle du Rédempteur, de l'Avatar et d'ailleurs certaines lignes ressemblent beaucoup au Labeur d'un Dieu. 

Les grands qui sont venus sauver ce monde souffrant

Et le délivrer de l’ombre du Temps et de la Loi,

Doivent passer sous le joug de la douleur et du chagrin :

Ils sont pris par la Roue qu’ils espéraient briser,

Sur leurs épaules, ils doivent porter le fardeau du destin de l’homme.

Parfois la parole se fait consolation...

Mais la dette est payée, liquidé le compte originel.

.../...

C’est fini, le terrible sacrifice mystérieux

Du corps martyrisé de Dieu offert au monde ;

Et parfois, on a l'impression que tout n'est pas vraiment finit et que cela s'adresse aux hommes. 

Quiconque a découvert son identité avec Dieu

Paye par la mort du corps la vaste lumière de son âme.

La grande promesse de Sri Aurobindo, maintes fois renouvelée, dont nous ne réussissons pas à avoir vraiment la foi : 

La semence de Divinité dort dans le cœur des mortels,

La fleur de Divinité grandit sur l’arbre du monde :

Tout découvrira Dieu en soi-même et dans les choses ;

Et là, un passage très fort, sans compromission. 

Une noire hostilité dissimulée habite

Dans les profondeurs de l’homme, au cœur caché du Temps,

Qui revendique le droit de ruiner l’œuvre de Dieu.

Un ennemi secret embusque la marche du monde ;

Il laisse une marque sur la pensée, sur les paroles, les actes ;

Il pose une tache et un défaut sur toutes les choses créées ;

Tant qu’il ne sera pas mis à mort, la paix est interdite sur la terre.

Il n’y a pas d’adversaire visible, mais l’invisible

Nous entoure, des forces intangibles assaillent :

Et cela continue avec ce passage qui rappelle le Véda, les voleurs de lumière. 

Une Force adverse est née d’antan :

Envahisseur de la vie mortelle des hommes,

Elle leur cache le droit chemin immortel.

Un Pouvoir est entré pour voiler la Lumière éternelle,

Un Pouvoir s’oppose à l’éternelle volonté

Détourne les messages du Verbe infaillible,

Contorsionne le tracé du plan cosmique :

Un murmure à l’oreille pousse au malheur le cœur humain,

Il scelle les yeux de la sagesse, le regard de l’âme,

Il est l’origine de notre souffrance ici,

Il lie la terre aux calamités et à la douleur.

Tout cela, il doit le conquérir celui qui veut faire descendre la paix de Dieu

L’ennemi caché qui loge dans la poitrine humaine

L’homme doit le vaincre ou manquer son haut destin.

C’est la guerre intérieure sans merci.

Je reviens à mon questionnement. Les Avatars viennent ouvrir la voie, c'est un fait. Ceci dit, les difficultés de Satprem attestent que tout n'est pas fait pour autant. En chaque homme, bien des obscurités existent encore et doivent être conquises. C'est ainsi que je le comprends. 

Pourtant, il y a ce message très fort que Sri Aurobindo adresse aux hommes, presque décourageant :

Ô mortel, endure la loi de la douleur de ce grand monde ;

Dans ton dur passage par ce monde souffrant

Appuie ton âme sur la force des Cieux pour te soutenir,

Tourne-toi vers la haute Vérité, aspire à l’amour et à la paix.

Un peu de félicité t’est prêtée d’en haut

Une note divine touche tes jours humains :

Fais de ton chemin quotidien un pèlerinage,

Car, par de petites joies et des chagrins tu marches vers Dieu.

Ne te précipite pas vers la Divinité par des routes dangereuses,

N’ouvre pas tes portes au Pouvoir abominable

Ne grimpe pas à la Divinité par le chemin du Titan.

.../...

N’enfourche pas ce cheval, Ô âme grandissante de l’homme,

Ne jette pas ton moi dans cette nuit de Dieu.

La souffrance de l’âme n’est pas la clef de l’éternité,

Et la rançon du chagrin n’est pas ce que les cieux demandent de la vie.

Ô mortel, endure, mais n’appelle pas le coup,

Trop vite le chagrin et l’angoisse t’auront découvert.

Trop énorme pour ta volonté est cette entreprise hasardeuse ;

Les forces de l’homme sont sauves seulement dans les limites ;

Et pourtant l’infinitude est le but de ton esprit ;

Sa félicité est là, derrière le visage en pleurs du monde.

Un pouvoir est en toi, que tu ne connais pas ;

Tu es le vaisseau de l’étincelle emprisonnée.

Elle cherche à se délivrer de l’enveloppement du Temps

Et tant que tu l’enfermes en toi, son sceau est la douleur :

La Félicité est la couronne de Dieu, éternel, libre,

Délivré de l’aveugle mystère de la douleur de la vie :

La douleur est la signature de l’Ignorance,

Elle atteste du dieu secret nié par la vie :

Tant que la vie ne l’aura pas trouvé, la douleur ne peut jamais finir.

Le calme est la victoire du moi qui triomphe du destin.

Endure, et finalement tu trouveras ton chemin de Félicité.

Notons qu'Il parle du titan, celui qui prétend faire le travail avec sa propre force. Appeler l'être psychique, la shakti divine, etc... pour que "le Divin" fasse le travail est une démarche tout à fait différente. D'ailleurs un peu plus loin Sri Aurobindo ajoute : 

Si la volonté humaine pouvait devenir une avec celle de Dieu,

Si la pensée humaine pouvait se faire l’écho des pensées de Dieu,

L’homme pourrait être omniscient et tout-puissant ;

Mais maintenant il marche dans le rayon ambigu de la Nature.

Et pourtant, le mental de l’homme peut recevoir la lumière de Dieu,

La force de l’homme peut être mue par la force de Dieu,

Alors il est le miracle qui fait des miracles.

Car c’est ainsi seulement qu’il peut être le Roi de la Nature.

4 jours plus tard, le 7 décembre au matin :

Besoin de revenir sur ce vers : Celui qui veut se sauver lui-même vit calme et nu...

J'ai retrouvé un passage de l'Évangile de Thomas qui m'avait interpellé à l'époque :

Logion 37. Ses disciples lui dirent : Quel jour te manifesteras-tu à nous et quel jour te verrons-nous ? Jésus a dit : Lorsque vous vous dépouillerez de votre honte, que vous ôterez vos vêtements, les mettrez sous vos pieds comme les petits enfants et que vous les piétinerez, alors vous verrez le Fils du Vivant et vous ne craindrez pas.

Et ce passage de Savitri que j'ai lu hier soir et confirme mon intuition posée plus haut avec cette hypothèse :

Je disais : Peut-être parce que pour nous ne pouvons entrer dans le sanctuaire divin de notre coeur que nu, dépouillé de tous nos artifices, dépouillé de tout, et qu'alors, nous sauf définitivement sauf.

Et voici le vers de Savitri du chant 5 (La découverte de l'âme) du Livre 7 (Le livre du Yoga). Savitri commence sa quête et Sri Aurobindo dit ceci :

Dans la simple pureté de la nullité

Son mental s’agenouillait devant l’inconnaissable.

Tout était aboli sauf son être nu

Et l’aspiration prostrée de son cœur soumis.

Ailleurs, je ne me souviens plus où, il a parlé de l'entité intérieure sans vêtement.

En tout cas, pendant 4 ans j'ai eu l'occasion de poser des centaines de fois dans des cours de dessin aux beaux arts et finalement, j'étais payé à méditer car je n'avais rien d'autre à faire qu'observer la conscience dans le corps. Constamment, un travail intérieur se faisait et les profs disaient volontiers qu'il y avait une qualité de présence assez particulière. J'ai beaucoup-beaucoup aimé cette expérience. 

En tout cas, sans être un intégriste de la nudité, vivre tout nu n'est pas pour me déplaire...

Quand l'été fut venu la tenue c'est tout nu

Quand l'hiver fut venu la tenue c'est vêtu

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