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Publié par pascalemmanuel

Dans un autre Agenda, Mère nous dit que le détachement indifférent de toutes les sensations du corps est une base indispensable pour la transformation. Ici, dans ce magnifique passage de L'Agenda du 27 mars 1961 sur le passage du détachement à l'amour divin, entre autre petites merveilles. Remarquons que Mère n'affirme rien et se pose la question.

Probablement j’avais besoin de cette expérience-là... Tu sais, cette espèce de détachement dont je t’ai parlé quand j’ai eu cette expérience – quand le corps a eu cette expérience (du 24 janvier 61) – , eh bien, ça s’accentue, au point que, maintenant, c’est pour tout-tout-tout ce qui concerne une action sur la terre. C’était probablement nécessaire.

Ça a commencé par une sorte de... ce sont comme des choses qui se dissolvent (Mère fait le geste d’effriter quelque chose entre ses doigts). C’étaient des espèces de liens entre ma conscience et le Travail (pas des liens de moi-même parce que je n’en avais pas, mais le corps : toute la conscience physique, tout ce qui l’attache aux choses qui l’entourent et au Travail et à l’entourage – je t’ai dit cela à propos de l’immortalité physique ; eh bien, c’est cela qui se produit). Alors ce sont comme des choses qui se dissolvent: ça se dissout, ça se dissout, ça se dissout. Et ça va s’accentuant de plus en plus.

N’est-ce pas, ces jours derniers, les difficultés sont venues l’une après l’autre, l’une après l’autre (les choses deviennent de plus en plus difficiles), mais avant, j’avais justement le pouvoir d’agripper comme ça, et tenir (Mère ferme son poing comme pour maîtriser les circonstances), et puis il y a eu cette espèce de détachement : ça file partout-partout-partout...

Alors probablement cette affaire avec X fait partie du même procédé. Cette assurance de la réalité du Pouvoir, de la réalité de l’action spirituelle, c’est cela qui a été touché : que, ici (là-haut), ça ne communique pas avec ici (en bas). Voilà, c’est comme ça.

Cela veut dire que tu quittes tous les contacts avec la terre ?

Non, ce n’est pas cela. Les choses continuent. Je ne sais pas, je ne me rends pas compte. Je ne peux pas dire exactement ce que c’est, mais... C’est une... Sais pas. C’est évidemment, en tout cas, que la nature du contact doit être très différente.

Parce que, à mesure que ce détachement se produit, la réalité de la Vibration – et surtout la vibration d’Amour divin – , ça croît, ça croît (même pas en proportion du corps, n’est-ce pas), d’une façon formidable, formidable ! C’est... le corps commence à ne plus sentir que ça.

Alors est-ce que l’un (le détachement) est nécessaire pour que l’autre (l’Amour divin) s’établisse ? Je ne sais pas.

Ipomoea cairica – Ipomoea

Détachement de tout ce qui n'est pas le Divin

Une seule occupation, un seul but, une seule joie : le Divin.

* * *

Suite de L'Agenda :

C’est cela, c’est comme si je vivais, comme si le corps vivait (en dépit de toutes ces maladies, ces attaques, toute cette mauvaise volonté qui s’est acharnée contre lui), c’est comme s’il vivait dans un bain de vibration divine – un bain, quelque chose... et qui est immense-immense-immense, qui n’a pas de limites ; et qui est d’une stabilité ! Comme ça, il vit là-dedans comme cela (geste comme si Mère flottait).

Et alors, même au moment où il y a ce qu’on appelle physiquement une douleur, même quand moralement il y a des coups comme, par exemple, d’avoir un caissier qui vous demande de l’argent et qu’on n’en a pas à lui donner (1) tout cela, toutes les complications possibles (elles viennent toutes en même temps), eh bien, en dépit de tout cela, tout, tout ce qui se passe, même les choses qui pour notre conception mentale ou notre réaction mentale sont extrêmement désagréables, tout est un bain, un bain de vibration d’Amour divin. Ce qui fait que si je ne contrôlais pas mon corps, je serais tout le temps à sourire comme une imbécile! à toute chose. Un sourire béatifique à toute chose (je ne l’ai pas parce que je me contrôle ).

(silence, l’heure sonne)

Non, non : do not brood about it [ne te tracasse pas]. Laisse faire, ça s’arrangera. Ça s’arrangera comme ça doit s’arranger, de la façon dont cela doit s’arranger.

Il est mentalement sensitif (X), mais dans quelle mesure ? Et dans quelle mesure est-ce que cela se cristallise différemment à cause de toutes ses idées...?

On verra.

(silence)

Mais tu sais, ce n’est pas un joke [une plaisanterie] la transformation.

(silence)

J’avais tellement l’impression, hier, que TOUTES les constructions, toutes les habitudes, toutes les façons de voir, toutes les réactions ordinaires, tout ça s’écroulait – complètement. Que j’étais suspendue dans quelque chose de... tout différent, quelque chose... Je ne sais pas.

(silence)

Et vraiment, le sentiment que TOUT ce que l’on a vécu, tout ce que l’on a su, tout ce que l’on a fait, tout ça, c’est une parfaite illusion (*)  – c’est cela que j’ai vécu hier soir.

Alors, n’est-ce pas-Quand on a l’expérience spirituelle que la vie matérielle est une illusion  (il y a des gens qui trouvent cela douloureux ; moi, j’ai trouvé cela si merveilleusement beau et heureux que ça a été l’une des plus belles expériences de ma vie), mais là, c’est toute la construction spirituelle telle qu’on l’a vécue qui... devient tout à fait une illusion!  – pas la même illusion, mais une bien plus grave illusion.

Et alors, s’il n’y avait pas... Évidemment il y a Ça qui est là (l’Amour divin) comme ça, comme quand on met un matelas pour que quelqu’un ne se casse pas le cou en tombant – c’est tout à fait l’impression: cette expérience de cette vibration d’Amour divin, c’est le matelas... pour qu’on ne se casse pas le cou!

Voilà, petit. Alors ne t’en fais pas ; quelles que soient tes difficultés (riant), tu peux te dire que c’est seulement un commencement !

Et je ne suis pas un bébé, il y a quarante-sept ans que je suis ici ! Et il y a, oui, certainement quelque chose comme... soixante ans que je fais un yoga consciemment, avec tout ce que les souvenirs – les souvenirs d’une vie immortelle – peuvent vous apporter, et puis voilà où j’en suis ! Alors... Quand Sri Aurobindo dit qu’il faut avoir de l’endurance, je crois qu’il a raison.

Ce n’est pas un chemin pour les faibles, c’est sûr.

Le corps a souffert, autant je crois qu’un corps peut endurer sans se casser en morceaux, et il continue, et il n’a pas demandé merci – pas une fois il n’a dit : «Non, c’est trop», pas une fois. Il dit : «Ce que Tu veux, Seigneur, je suis là.» Bon, eh bien, ça continue.

(Mère se lève pour sortir)

Alors je ne dirai jamais aux gens : «Vous savez, c’est une promenade» ! Non, ça ne ressemble pas du tout à une promenade. Et c’est tant pis pour... On dit : «Oh! c’est trop sévère», mais il vaut mieux dire la vérité, n’est-ce pas?

Il ne faut pas se décourager.

L’absolu de la Victoire est in-dis-cu-table ; seulement je ne parle pas à la mesure de notre petite pensée. Mais c’est à nous de virer – c’est cela qu’on attend de nous, de virer, pas rester comme ça à tourner en rond.

Voilà, petit.

C’est une trempe, tu sais. On est trempé.

Et ça ne sert à rien d’abdiquer, parce qu’il faut recommencer la fois suivante. C’est ce que je dis toujours: «C’est l’occasion, allez jusqu’au bout.» Ce n’est pas la peine de dire: «Ah! je ne peux pas», parce que la prochaine fois ce sera encore plus difficile.

(1) Parmi les feuillets épars de Mère, nous avons retrouvé cette note sans date, mais qui pourrait être de cette date (et de pas mal d’autres ! ) :  «Maintenant la situation est devenue très critique, toutes les réserves sont avalées, il y a des dettes, des travaux importants restent inachevés et la vie quotidienne est devenue un problème. C’est la subsistance de plus de 1.200 personnes qui est en jeu.»

* * *

(*)  Que se passerait-il si nous regardions comme une illusion l'encombrant mélange dont notre nature humaine est tissé comme ? Peut-être serait-il plus facile de nous en détacher.

* * *

Le détachement [des imperfections et des faiblesses de la nature] consiste à se tenir à l'écart, à ne pas s'identifier à elles, à n'être ni bouleversé, ni troublé parce qu'elles sont là, mais plutôt à les regarder comme une chose étrangère à sa propre conscience et à son propre moi, à les rejeter et à appeler la Force de la Mère dans ces mouvements pour qu'elle les élimine et y apporte la vraie conscience et ses mouvements. Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga

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