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Publié par pascalemmanuel

Un cœur sincère vaut tous les pouvoirs extraordinaires du monde.


Sri Aurobindo - Lettres sur le yoga

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J'ai rassemblé quelques Entretiens de Mère qui abordent, sous un angle ou un autre, la question de la sincérité. Ainsi nous comprendront peut-être mieux l'importance de ce pouvoir et cette parole extraordinaire de Sri Aurobindo. C'est un point de vue, mais je trouve qu'il y a dans ces textes des paroles très belles et très puissantes, pleines de force et qui peuvent nous aider.

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Entretiens 1929

5 mai 1929 : 5 mai 1929 : La sincérité dans l’aspiration attire toujours le secours nécessaire

La seule manière de perdre la bataille avec les forces hostiles est de ne pas avoir vraiment confiance en l’aide Divine. La sincérité dans l’aspiration attire toujours le secours nécessaire. Un appel calme et fervent, la conviction que dans l’ascension vers la réalisation, on ne marche jamais seul, et la foi que toujours l’aide est là quand on en a besoin, mènent facilement et sûrement à la victoire.

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23 juin 1929 : En méditation, la plus impérieuse nécessité est un état de sincérité parfaite

Une concentration unifiée, faite comme il convient, peut avoir une force remarquable. Il est dit, dans une vieille tradition, que si douze hommes sincères unissaient leur volonté et leur aspiration pour évoquer le Divin, il serait obligé de se manifester. Mais la volonté doit être unique et semblable, l’aspiration d’une sincérité complète. Car ceux qui tentent l’expérience peuvent être unis dans une sorte d’inertie, ou même dans un désir erroné et perverti, et le résultat est alors désastreux.

En méditation, la première et la plus impérieuse nécessité est un état de sincérité parfaite et absolue dans la conscience entière. Il est indispensable de ne pas se tromper soi-même et de ne pas tromper les autres ou être trompé par eux.

Nous avons déjà dit quelle futile et vaine entreprise serait celle de vouloir tromper le Divin. Souvent, les gens souhaitent certaines choses, ils ont une préférence mentale ou un désir vital ; ils veulent que l’expérience se produise d’une certaine façon ou qu’elle prenne une certaine tournure qui satisfasse leurs idées, leurs désirs ou leurs préférences ; ils ne restent pas impartiaux, comme une page blanche prête à enregistrer simplement et fidèlement le phénomène.

Dans ce cas, si ce qui se passe ne leur plaît pas, ils peuvent facilement se tromper eux-mêmes ; ils voient une certaine chose, mais ils la tordent juste un petit peu et en font quelque chose d’autre ; ils détournent de son sens une chose qui peut être simple et droite, pour la magnifier en une expérience extraordinaire.

Quand vous entrez en méditation, vous devez être aussi candide et aussi simple qu’un enfant, n’intervenant pas avec votre mental extérieur, n’attendant rien, n’insistant sur rien. Lorsque vous avez obtenu cette condition, tout dépend ensuite de l’aspiration qui est au fond de vous-même.

Si, des profondeurs, vous demandez la paix, elle viendra à vous ; si c’est la force, le pouvoir, la connaissance, ils viendront aussi. Mais tous viendront dans la mesure de votre capacité de les recevoir. Et si vous appelez le Divin, alors aussi — en admettant que le Divin entende votre appel, c’est-à-dire que votre appel soit assez pur et fort pour l’atteindre — vous recevrez sa réponse.

Melampodium divaricatum – Naissance de la vraie sincérité mentale

Entretiens 1951

26 février 1951: Couronnement d’une sincérité mentale absolue   : on est simplement ouvert dans la Lumière

Quand on parle aux autres, on arrive rarement à se mettre d’accord, car on ne voit pas les choses de la même façon. Ou, si je vois le point de vue de l’autre, je ne peux pas l’accepter.

Cela veut dire que vous n’êtes pas plastique. Vous pouvez être certain que si vous trouvez une personne ennuyeuse, elle vous trouve aussi ennuyeuse. Vous n’arriverez jamais à rien si vous ne prenez pas l’attitude de vous mettre à la place de l’autre, c’est indispensable. Quand quelqu’un vous dit une chose que vous ne comprenez pas, il ne faut pas dire   : «   Il ne sait rien   », mais il faut tâcher de comprendre. Si vous voulez être tout à fait sincère, même quand un enfant vient vous raconter quelque chose que vous ne comprenez pas, il ne faut pas dire   : «   Cet enfant est stupide   », mais   : «   C’est moi qui suis stupide, parce que je ne comprends pas !   »

Il y a cent façons de regarder un problème. Si vous voulez trouver la solution, il faut prendre tous les éléments l’un après l’autre, vous élever au-dessus d’eux et voir comment ils s’accordent.

Il y a un état de conscience, que l’on peut appeler «   gnostique   », où vous pouvez percevoir à la fois toutes les théories, toutes les croyances, toutes les idées que les hommes ont exprimées dans leur conscience la plus haute — les notions les plus contradictoires, n’est‑ce pas, comme les théories bouddhiques, védântiques, chrétiennes, toutes les théories philosophiques, toutes les expressions de la mentalité humaine quand elle est arrivée à attraper un petit coin de la Vérité — et dans cet état, non seulement vous mettez chaque chose à sa place, mais tout vous paraît merveilleusement vrai et tout à fait indispensable pour pouvoir comprendre quoi que ce soit à quoi que ce soit.

Il y a un état de conscience... Oh ! j’allais vous dire des choses que vous ne pouvez pas encore comprendre. Je vais vous donner un exemple plus simple.

Anatole France disait dans l’un de ses livres   : «   Tant que les hommes n’essayaient pas de faire progresser le monde, tout allait bien et tout le monde était content — pas de soucis de se perfectionner ou de *perfectionner le monde, par conséquent tout allait bien. Donc, la pire des choses est de vouloir faire progresser les autres ; laissez-les faire ce qu’ils veulent et ne vous occupez de rien, ce sera beaucoup plus sage.   »

Par contre, d’autres vous disent   : «   Il y a une Vérité à atteindre ; le monde est dans un état d’Ignorance et il faut coûte que coûte, malgré la difficulté du trajet intermédiaire, éclairer les consciences et faire sortir l’homme de son ignorance.   »

Mais je vous dis qu’il y a un état de conscience où les deux façons de voir sont absolument également vraies. Naturellement, si vous prenez deux aspects seulement, il est difficile de voir clair ; il faut arriver à voir tous les aspects de la Vérité perçus par l’intelligence humaine et... quelque chose de plus. Et alors, dans cet état, rien n’est absolument faux, rien n’est absolument mauvais.

Dans cet état, on est libre de tous les problèmes, de toutes les difficultés, de toutes les batailles, et tout vous paraît admirablement harmonieux.

Mais si vous essayez d’imiter cette condition mentalement (vous entendez bien, d’en faire une imitation mentale), vous pouvez être sûr que vous ferez des bêtises ; vous serez un de ces individus qui ont du chaos dans la tête et qui peuvent dire les choses les plus contradictoires sans même s’en apercevoir.

Il n’y a pas de contradiction dans cette condition — c’est une totalité, et une totalité où l’on a la pleine connaissance de toutes les vérités exprimées (qui ne suffisent pas à exprimer la Vérité totale), où l’on sait la place respective de toute chose, pourquoi et en quoi se forme l’univers. Seulement — je m’empresse de vous le dire —, ce n’est pas par un effort personnel que l’on arrive à cette condition ; ce n’est pas parce que l’on essaye de l’obtenir qu’on l’obtient. On devient cela, spontanément.

C’est, si vous voulez, comme le couronnement d’une sincérité mentale absolue, quand vous n’avez plus de parti pris, plus de préférence ou d’attachement à une idée, quand vous n’essayez même plus de savoir la vérité.

On est simplement ouvert dans la Lumière, c’est tout.

Je vous dis cela, ce soir, parce que ce qui est fait, ce qui a été réalisé par l’un, peut être réalisé par d’autres. Il suffit qu’un corps ait pu réaliser cela, un corps humain, pour avoir l’assurance que cela peut se faire. Vous pouvez mettre cela très loin devant vous encore, mais vous pouvez dire   : «   Oui, la vie gnostique est certaine, parce qu’elle a commencé à se réaliser.   »

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26 mars 1951: La faiblesse est une insincérité

Le vital ne cherche-t-il pas lui-même à se transformer ? Il aspire, mais il est toujours victime des choses, des impulsions du dehors.

S’il cherche à se transformer, c’est vraiment magnifique ! Et s’il aspire à la transformation, il essayera de s’en débarrasser. Si le vital est faible, son aspiration sera faible. Et notez que la faiblesse est une insincérité, une sorte d’excuse que l’on se donne — pas très, très consciemment peut-être, mais il faut vous dire que le subconscient est un lieu plein d’insincérité. Et la faiblesse qui dit   : «   Je voudrais tant, mais je ne peux pas   », c’est une insincérité.

Parce que, si l’on est sincère, ce que l’on ne peut pas faire aujourd’hui, on le fera demain, et ce que l’on ne peut pas faire demain, on le fera après-demain, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on puisse le faire. Si vous comprenez une fois pour toutes que l’univers tout entier (ou, si vous voulez, notre terre, pour concentrer le problème) n’est pas autre chose que le Divin qui s’est oublié Lui-même, où mettez-vous la faiblesse là-dedans ? Pas dans le Divin sûrement ! Donc, dans l’oubli.

Et si vous luttez contre l’oubli, vous luttez contre la faiblesse, et à mesure que vous vous approchez du Divin, votre faiblesse disparaît.

Et ceci vaut non seulement pour le mental, mais aussi pour le vital et même pour le corps. Toutes les souffrances, toutes les faiblesses, toutes les incapacités sont, en dernière analyse, des insincérités.

26 mars 1951: L’origine de la sincérité est dans l’être psychique :

Quel est le miroir qui peut refléter le Suprême ?

La Conscience Elle-même. C’est parce qu’Elle est là ; sans cela, on n’arriverait jamais à rien. Si la Conscience suprême n’était pas au centre de toute création, jamais la création ne pourrait prendre conscience de la Conscience.

Pour transformer le vital, il faut avoir de la volonté, de la persévérance, de la sincérité, etc. Mais dans quelle partie de l’être se trouvent toutes ces choses ?

L’origine de la sincérité, de la volonté, de la persévérance est dans l’être psychique, mais cela se traduit différemment suivant les personnes.

Généralement, c’est dans la partie supérieure du mental que cela commence à prendre forme, mais pour que ce soit effectif, il faut qu’au moins une partie du vital réponde, parce que l’intensité de votre volonté vient de là, le pouvoir réalisateur de la volonté vient du contact avec le vital.

S’il n’y avait que des éléments réfractaires dans le vital, vous ne pourriez rien faire du tout. Mais il y a toujours quelque chose, quelque part, qui veut bien — c’est peut-être peu de chose, mais il y a toujours quelque chose qui veut bien. Il suffit qu’il y ait une fois une minute d’aspiration et une volonté, même très fugitive, de prendre conscience du Divin, de réaliser le Divin, pour que cela fasse comme un éclair à travers tout l’être — il y a même des cellules du corps qui répondent.

On ne s’en aperçoit pas tout de suite, mais il y a une réponse partout. Et c’est en rassemblant soigneusement, lentement, toutes ces parties qui ont répondu, ne serait-ce qu’une fois, que l’on peut constituer quelque chose qui sera cohérent et organisé, et qui permettra de continuer son action avec volonté, sincérité et persévérance.

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23 avril 1951: Les forces adverses   : l’épreuve nécessaire à votre sincérité

Sri Aurobindo écrit ici   : «   Rares sont les Êtres de Lumière qui consentent ou qui sont autorisés à intervenir.   » Pourquoi ?

Il faut aller le leur demander ! Mais il y a une conclusion, les dernières phrases donnent une explication très claire. Il est dit   : «   En vérité, l’immortalité est-elle un jouet que l’on donne légèrement à un enfant, la vie divine, un prix reçu sans effort, une couronne pour l’homme débile ?   »...

Cela revient à demander pourquoi les forces adverses ont le droit d’intervenir, de vous harceler ?

Mais c’est justement l’épreuve nécessaire à votre sincérité.

Si le chemin était très facile, tout le monde s’embarquerait sur le chemin, et si l’on arrivait au bout sans obstacle et sans effort, tout le monde arriverait au bout, et quand on serait arrivé au bout, la situation serait la même que quand on est parti, il n’y aurait pas de changement.

C’est-à-dire que le nouveau monde serait exactement ce qu’a été l’ancien.

Ce n’est vraiment pas la peine ! Il faut évidemment un procédé d’élimination pour qu’il reste seulement ce qui est capable de manifester la vie nouvelle.

C’est pour cela, il n’y a pas d’autre raison, c’est la meilleure des raisons. Et, n’est-ce pas, c’est une trempe, c’est l’épreuve du feu, il n’y a que ce qui peut résister qui reste absolument pur ; quand tout est flambé, il n’y a que le petit lingot d’or pur qui reste. Et c’est comme cela.

Entretiens 1953

25 novembre 1953 : Il suffit d’un atome de sincérité et l’aide vient

Si on a confiance, l’aide vient automatiquement ?

Il suffit même d’un atome de sincérité, et ça vient. Et si, vraiment, si l’on appelle très sincèrement (pas appeler et en même temps dire   : «   On va bien voir si ça va réussir   » — ça naturellement, ce n’est pas une très bonne condition), mais si l’on appelle très sincèrement et que sincèrement on ait besoin de la réponse, on attend et ça vient toujours. Et si l’on peut faire taire son mental et être un peu calme, alors on perçoit même l’arrivée de l’aide et quelle forme elle prend.

Aster amellus – Aster – Simple sincérité – Le début de tout progrès.

Entretiens 1954

28 avril 1954 : La réceptivité dépend de la sincérité et de l’humilité

Mère, la réceptivité dépend de quoi ?

Cela dépend d’abord de la sincérité   : que vraiment on veuille recevoir, et puis... oui, je crois que les facteurs principaux, c’est sincérité et humilité. Il n’y a rien qui vous ferme plus que la vanité. Quand on est satisfait de soi, on a cette espèce de vanité de ne pas vouloir admettre qu’il vous manque quelque chose, que vous faites des fautes, que vous êtes incomplet, que vous êtes imparfait, que vous êtes... Il y a quelque chose dans la nature, hein, qui se raidit comme ça, qui ne veut pas admettre — c’est cela qui vous empêche de recevoir. Il n’y a qu’à faire l’expérience, d’ailleurs.

Si, par un effort de volonté, on arrive à faire admettre, même à une toute petite partie de l’être, que «   eh bien, oui, je me trompe, je ne devrais pas être comme ça, et je ne devrais pas faire ça, et je ne devrais pas sentir comme ça, oui, c’est une faute   », si vous arrivez à lui faire admettre cela, d’abord, comme je l’ai dit tout à l’heure, ça commence par faire très mal, mais quand on tient ferme comme ça, jusqu’à ce que ça ait admis, immédiatement c’est ouvert — et c’est ouvert, c’est étrange, il y a un flot de lumière qui entre, et alors on se sent si content après, si heureux, qu’on se demande   : «   Pourquoi, pour quelle stupide raison ai-je résisté si longtemps ?   »

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5 mai 1954 : Être conscient de son insincérité

Douce Mère, est‑ce qu’il peut arriver qu’une personne soit très insincère mais qu’elle soit inconsciente de son insincérité ?

Je crois que dans un cas comme cela, elle n’est plus insincère   : elle est mauvaise ; parce que si l’on sait qu’on est insincère et qu’on persiste en son insincérité, c’est de la méchanceté, n’est‑ce pas. C’est que l’on a des intentions mauvaises, autrement pourquoi persisterait-on dans son insincérité ?

J’ai dit «   si on est inconscient   » ?

Alors comment peut-on être conscient et inconscient en même temps ? C’est justement cela qui est impossible. Si l’on est conscient de son insincérité, on ne peut pas être inconscient de son insincérité. C’est impossible. Les deux ne peuvent pas exister en même temps !

Mais si l’on est insincère et que l’on ne sait pas où réside cette insincérité ?

Oh ! on ne sait pas ?... C’est parce qu’on n’est pas suffisamment sincère et qu’on ne se regarde pas. Parce que ça, je vous garantis que si vous êtes conscient que vous êtes insincère, vous savez où c’est. Autrement, vous ne pourriez pas être conscient de votre insincérité.

Par exemple, dans une circonstance, on sait ; on sait qu’on devrait faire ceci   : «   je devrais faire ça   », et en même temps on n’a pas envie de le faire, hein ! et alors, au-dedans de soi, on trouve un moyen, une espèce de moyen de se tromper soi-même et de ne pas le faire, parce qu’on n’a pas envie de le faire — hein, ça arrive, très souvent ! (rires)

Et alors si, à ce moment-là, au moment où vous êtes en train de faire ce petit travail intérieur pour trouver une excuse pour ne pas faire ce que vous ne voulez pas faire, si à ce moment-là vous vous rendez compte que vous êtes insincère et que vous continuez à le faire,cela veut dire que vous êtes perverti. Moi, c’est ce que j’appelle être méchant, mauvais.

Mais si vous vous rendez compte que vous êtes insincère, cela veut dire que vous êtes conscient que vous êtes insincère, et comment pouvez-vous dire «   je ne suis pas conscient de mon insincérité   » ?... Quatre-vingt-dix fois sur cent, on le fait sans le savoir. C’est cela, la misère. C’est qu’on se trompe soi-même avec tant de facilité que l’on trouve de bons trucs pour ne pas faire ce que l’on ne veut pas faire, ou l’opposé   : pour faire ce que l’on a envie de faire quand on sait très bien qu’on ne devrait pas le faire — c’est la même chose.

Alors on se donne de bonnes raisons, et, malheureusement, comme je l’ai dit, la majorité des gens sont tellement inconscients qu’ils le font sans même s’en apercevoir. Ils croient qu’ils sont très sincères   : «   Non, sincèrement, je croyais que je devais le faire   », comme ça, innocemment. Mais ça, ce n’est pas qu’ils ne sont pas sincères, du tout, c’est qu’ils sont tout à fait inconscients. Mais si l’on est un tout petit peu conscient de ce qui se passe au-dedans de soi, on s’aperçoit très bien du petit truc que l’on a fait et comment on a trouvé, on a été dénicher quelque part, d’une si jolie manière, une excellente excuse pour faire ce que l’on voulait faire. Alors qu’on sait très bien qu’on ne doit pas le faire.

Ce sont les deux, n’est‑ce pas   : un jeu entre l’inconscience et l’insincérité, l’insincérité et l’inconscience, comme ça.

Mais si vous me dites   : «   Je suis conscient de mon insincérité   », alors naturellement, à ce moment-là, il y a le fait — est‑ce que vous avez décidé que vous resterez dans l’obscurité, ou est‑ce que vous voulez progresser ? Là, le problème se pose. Si vous êtes conscient de votre insincérité, vous n’avez qu’une chose à faire, c’est de mettre le fer rouge et de vous rendre sincère. Ça fait cet effet-là. Il faut prendre un fer rouge   : ça brûle bien, et puis… ouille !... comme ça. Sur le moment, ça fait un petit peu mal, après on est très tranquille.

Douce Mère, tu as écrit   : «   La sincérité est la clef de la porte divine.   » Que veut dire cela ?

C’est une image littéraire, mon enfant, c’est une façon imagée, figurée, littéraire, d’exprimer le fait que, avec la sincérité, on peut arriver partout, même jusqu’au Divin. Si on veut ouvrir une porte, il faut une clef, n’est‑ce pas ? Eh bien, pour la porte qui vous sépare du Divin, la sincérité fait l’effet de clef, et ouvre la porte et vous fait entrer, c’est tout.

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26 mai 1954 : Pouvoir transformateur de la sincérité

C’est par un état de compassion profonde que le Divin agit dans la Matière, et cette compassion profonde se traduit dans la Matière par, justement, cette douleur psychique dont on a parlé ici. On a lu cela ce soir. Ça, c’est comme quand on renverse quelque chose, c’est la même chose, mais on le renverse comme ça (Mère joint les mains, puis les ouvre en offrande).

Eh bien, l’état de compassion du Divin se traduit dans la conscience psychique par une douleur qui n’est pas égoïste, une douleur qui est l’expression de l’identification par sympathie avec la douleur universelle.

Dans les Prières et Méditations, j’ai dit cela (l’une des dernières), j’ai longuement décrit une expérience où je dis   : ... des larmes les plus douces qui ont coulé de ma vie, parce que ce n’était pas sur moi que je pleurais (1) , n’est‑ce pas. Eh bien, c’est cela. N’est‑ce pas, les êtres humains souffrent toujours pour des raisons égoïstes, humainement.

Même, par exemple (je l’ai expliqué plusieurs fois), quand ils perdent quelqu’un qu’ils aiment et qu’ils souffrent, et qu’ils pleurent, ce n’est pas sur l’état de la personne qu’ils pleurent, parce que la plupart du temps, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent et davantage, ils ne savent pas quel est l’état de la personne, ils ne peuvent même pas savoir si cette personne est heureuse ou malheureuse, si elle souffre ou si elle est en paix, mais c’est sur le sentiment de séparation qu’ils éprouvent eux-mêmes, parce qu’ils aimaient avoir cette personne près d’eux et qu’elle est partie.

Par conséquent, toujours à la racine d’une douleur humaine, il y a un retour sur soi, plus ou moins conscient, plus ou moins... comment dire… avoué, mais c’est toujours ça. Même quand on pleure sur la misère d’une autre personne, il y a toujours un mélange.

Il y a un mélange, mais dès que le psychique est mêlé à la douleur, il y a un élément de «   compassion renversée   » (c’est ce que j’ai essayé d’expliquer tout à l’heure) qui se produit dans l’être, et si on peut démêler les deux, se concentrer là-dessus, sortir de son ego et s’unir à cette compassion renversée, par là on peut arriver au contact avec la grande Compassion universelle qui est une chose immense, vaste, calme, puissante, profonde, d’une paix parfaite et d’une douceur infinie.

Et c’est cela que j’entends quand je dis que si on sait juste aller approfondir sa douleur, aller tout au fond, dépasser la partie qui est égoïste et personnelle, et aller plus profondément, on peut ouvrir la porte d’une grande révélation.

Ce n’est pas qu’il faut chercher la douleur pour la douleur, mais quand elle est là, quand elle vient sur vous, toujours, si on arrive à dépasser l’égoïsme de sa douleur — apercevoir d’abord quelle est la partie égoïste, qu’est‑ce qui vous fait souffrir, quelle est la raison égoïste de votre souffrance, et puis dépasser ça et aller au-delà, vers quelque chose d’universel, vers un principe profond —, alors on entre dans cette Compassion infinie, et là, vraiment, c’est une porte psychique qui s’ouvre.

Alors, si l’on me voit verser des larmes, si, à ce moment-là, on essaye de s’unir complètement, n’est‑ce pas, d’entrer dans ces larmes — qu’on se fond là-dedans —, ça peut ouvrir la porte. On peut ouvrir la porte et avoir toute l’expérience, qui est une expérience très unique, et qui vous laisse une marque très profonde dans la conscience.

Généralement ça ne s’efface jamais. Même si la porte se referme, si on redevient ce que l’on est dans ses mouvements ordinaires, ça, a reste derrière et on peut s’y rapporter dans des moments de concentration intense ; on peut s’y rapporter et on sent encore cette immensité d’une douceur infinie, d’une grande paix et qui comprend tout, mais pas intellectuellement, qui compatit à tout, qui peut tout embrasser, et alors tout guérir.

Naturellement la chose est toujours la même, il faut... il faut sincèrement vouloir être guéri, parce que, autrement, ça ne marche pas. Si on veut avoir l’expérience seulement pour avoir l’expérience et puis que la minute d’après on revienne à ce que l’on était avant, ça ne marche pas.

Mais si sincèrement on veut guérir, si on a une vraie aspiration pour surmonter l’obstacle, pour monter — monter au-dessus de soi-même, pour laisser tomber tout ce qui vous tire en arrière, pour rompre les limites, pour se clarifier, se purifier de tout ce qui est sur le chemin, si, vraiment, on a la volonté intense de ne plus retomber dans les erreurs passées, de surgir de l’obscurité et de l’ignorance, de monter dans la lumière, dépouillé de tout ce qui est trop humain, trop petit, trop ignorant — alors ça agit. Ça agit, ça agit fortement. Ça agit parfois d’une façon définitive et totale.

Mais il ne faut pas qu’il y ait quelque chose qui s’accroche aux mouvements, qui ne dise rien à ce moment-là, qui se cache, et puis qui après montre son nez et dit   : «   Oui, oui ! c’est très bien, ton expérience, à mon tour maintenant !   » Alors là, je ne réponds de rien, parce que quelquefois, comme une réaction, ça devient pire. C’est pour cela que je reviens toujours à la même chose, que je dis toujours la même chose   : Il faut être vraiment sincère, vraiment.

Il faut être prêt, s’il y a quelque chose qui est accroché, profondément accroché, à l’arracher complètement, sans que ça laisse de traces. C’est pour cela que quelquefois on fait la même faute et on la répète, jusqu’à ce que la souffrance soit assez grande pour imposer une sincérité totale. Il ne faut pas essayer ce moyen-là, il est mauvais. Il est mauvais parce qu’il détruit beaucoup de choses, il gaspille beaucoup d’énergies, il répand des vibrations mauvaises. Mais si on ne peut pas faire autrement, eh bien, c’est dans l’intensité de la souffrance qu’on peut trouver la volonté de la sincérité parfaite.

Et il y a un moment — dans la vie de chacun il y a un moment où cette nécessité de sincérité parfaite vient comme un choix définitif. Il y a un moment dans la vie individuelle, il y a aussi un moment dans la vie collective quand on fait partie d’un groupe, un moment où le choix doit se faire, où la purification doit s’accomplir. Quelquefois ça devient très sérieux, c’est presque une question de vie et de mort pour le groupe   : il faut qu’il fasse un progrès décisif... s’il veut survivre.

(1) 12 juillet 1918.

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7 juillet 1954 : Le bonheur provient d’une sincérité parfaite

Douce Mère, comment rendre la soumission heureuse ?

Il faut qu’elle soit sincère. Si elle est vraiment sincère, elle devient heureuse. Tant qu’elle n’est pas — vous pouvez retourner la chose —, tant qu’elle n’est pas heureuse, vous pouvez savoir qu’elle n’est pas parfaitement sincère ; parce que si elle est parfaitement sincère, elle est toujours heureuse.

Si elle n’est pas heureuse, cela veut dire qu’il y a quelque chose qui se réserve, quelque chose qui voudrait que ce soit autrement, quelque chose qui a une volonté propre, un désir propre, un but propre et qui n’est pas satisfait ; par conséquent, qui n’est pas complètement soumis, qui n’est pas sincère dans la soumission. Mais si on est sincère dans la soumission, on est parfaitement heureux, automatiquement. Au contraire, on jouit automatiquement d’un bonheur inexprimable. Par conséquent, tant que ce bonheur inexprimable n’est pas là, c’est une indication sûre que vous n’êtes pas sincère, qu’il y a quelque chose, quelque partie plus ou moins grande de l’être qui n’est pas sincère.

Douce Mère, comment découvrir cette partie ?

Aspirer, insister, mettre dessus la lumière, prier au besoin. Il y a beaucoup de moyens. Quelquefois il faut des opérations chirurgicales, mettre le fer rouge dans la plaie, comme quand il y a un vilain abcès quelque part qui ne veut pas crever.

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10 novembre 1954 : Différents degrés de sincérité

Douce Mère, que veut dire exactement «   sincérité   » ?

Il y a plusieurs degrés de sincérité.

Le degré le plus élémentaire, c’est de ne pas dire une chose et en penser une autre, prétendre une chose et en vouloir une autre. Par exemple, ce qui arrive assez souvent, dire   : «   Je veux faire des progrès, et je veux être débarrassé de mes défauts   », et, en même temps, chérir dans sa conscience ses défauts et prendre très grand soin de les cacher afin que personne n’intervienne pour les faire partir. Ça, c’est un phénomène tout à fait courant. C’est déjà un second degré. Le premier degré, c’est quelqu’un qui prétend, par exemple, avoir une très grande aspiration et vouloir la vie spirituelle, et en même temps qui fait tout à fait... comment dire... sans vergogne, les choses qui sont les plus opposées à la vie spirituelle. Ça, c’est le degré de sincérité, d’insincérité plutôt, le plus évident.

Mais il y a un second degré que je viens de vous décrire, qui est comme ça   : il y a une partie de l’être qui a une aspiration et puis qui dit, même pense, même sent, qu’elle voudrait bien être débarrassée des défauts, des imperfections ; et puis, en même temps, d’autres parties qui cachent très soigneusement ces défauts et ces imperfections, afin de ne pas être obligées de les mettre au jour et de les guérir. Ça, c’est très courant.

Et finalement, si l’on va assez loin, si l’on pousse la description assez loin, tant qu’il y a une partie de l’être qui contredit l’aspiration centrale vers le Divin, on n’est pas parfaitement sincère. C’est-à-dire qu’une parfaite sincérité est une chose extrêmement rare. Et d’une façon tout à fait courante, très, très fréquente, quand il y a des choses que l’on n’aime pas dans sa nature, on a le plus grand soin de les cacher à soi-même, on trouve des explications avantageuses, ou on fait simplement un petit mouvement, comme ça. Vous avez remarqué que, quand les choses bougent, comme ça, on ne peut pas les voir clairement ? Eh bien, à l’endroit où il y a un défaut, il y a une sorte de vibration qui fait comme ça, et alors votre vision n’est pas claire, vous ne voyez plus vos défauts. Et ça, c’est automatique. Eh bien tout ça, ce sont des insincérités.

Et la sincérité parfaite, c’est quand il y a au centre de l’être la conscience de la Présence divine, la conscience de la Volonté divine, et que tout l’être, comme une masse lumineuse, claire, transparente, exprime cela dans tous ses détails. Ça, c’est la vraie sincérité.

Quand à n’importe quel moment, quoi que ce soit qui arrive, quand l’être s’est donné au Divin et ne veut que la Volonté divine, que n’importe ce qui se passe dans l’être, à n’importe quel moment, toujours, tout l’être, avec une unanimité parfaite, peut dire au Divin, et sent pour le Divin   : «   Que Ta Volonté soit faite   », quand c’est spontané, total, intégral, là vous êtes sincère. Mais jusqu’à ce que cela soit établi, c’est une sincérité mitigée, plus ou moins mitigée, jusqu’au moment où l’on n’est pas sincère du tout.

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22 décembre 1954

Il ne faut pas négliger d’avoir une petite dose d’humilité, suffisante, et il ne faut jamais être satisfait de la sincérité que l’on a. Il faut toujours en vouloir davantage.

Solidago – Solidage – Sincérité mentale

Condition essentielle à l'honnêteté intégrale.

Le mental s'est ouvert et s'élève vers la lumière.

Entretiens 1955

2 janvier 1955 : Purifier l’expérience, c’est la rendre sincère

Comment peut-on purifier l’expérience ?

Sri Aurobindo a parlé, au commencement, des expériences qui sont rendues impures par des ambitions, ou des vanités, ou... il l’explique. Et alors, purification de l’expérience, cela veut dire rendre l’expérience sincère et sans motif. Enlever tous ses motifs d’ambition et de vanité, de désir, de pouvoir, etc. Ça, ça s’appelle purifier l’expérience, la rendre sincère, spontanée, et sans la mélanger à des désirs et à des ambitions. Il y a des ambitions spirituelles, il en parle, et ce sont même les plus dangereuses.

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9 novembre 1955 : Un être absolument sincère devient maître des forces adverses

La raison d’être de l’ego, c’est la formation de l’individu. Quand l’individu est prêt, l’ego peut disparaître. Mais avant ça, il ne disparaît pas parce qu’il a encore du travail à faire.

Quand le monde sera prêt pour recevoir la création nouvelle, les forces adverses disparaîtront. Mais tant que le monde aura besoin d’être tenté, travaillé, baratté pour se préparer, les forces adverses seront là pour être la tentation et ce qui frappe, ce qui pousse, ce qui vous empêche de vous endormir, ce qui vous oblige à être absolument sincère.

Un être qui est absolument sincère devient le maître des forces adverses. Mais tant qu’il y a dans un être un égoïsme, ou un orgueil, ou même une mauvaise volonté, il sera toujours l’objet de la tentation, de l’attaque ; et il sera complètement soumis à ce conflit constant avec ce qui, sous l’apparence d’êtres hostiles, travaille malgré soi à l’Œuvre divine.

Aster amellus – Aster bleu lavande – Sincérité dans le vital – Le sûr chemin vers la réalisation.

Entretiens 1956

11 janvier 1956 : C’est la sincérité du don et l’absolu du don qui comptent

L’homme riche, ou même les personnes qui sont dans le bien-être et qui ont toutes sortes de choses dans la vie et qui font don au Divin de ce qu’ils ont en surplus — parce que c’est généralement le geste   : on a un peu plus d’argent qu’on n’en a besoin, on a un peu plus de choses qu’on n’en a besoin, et alors, généreusement, on donne cela au Divin. C’est mieux que de ne rien donner. Mais même si ce «   un peu plus   » que ce dont ils ont besoin représente des lakhs de roupies, le don est moins parfait que celui de la moitié de la mangue. Parce que ce n’est pas à la quantité ni à la qualité que cela se mesure   : c’est à la sincérité du don et à l’absolu du don.

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1er août 1956 :  La sincérité   : vertu fondamentale et seule protection sur le chemin spirituel

Quelle est la vertu fondamentale à cultiver pour se préparer à la vie spirituelle ?

Je l’ai dit bien des fois, mais c’est une occasion de le répéter   : c’est la sin-cé-ri-té.

Une sincérité qui doit devenir totale et absolue, parce que seule la sincérité est une protection sur le chemin spirituel. Si vous n’êtes pas sincère, dès le second pas vous êtes sûr de tomber et de vous casser le nez. Il y a toutes sortes de forces, de volontés, d’influences, d’entités qui sont là à guetter la moindre petite faille dans cette sincérité et qui, immédiatement, se précipitent par cette faille et commencent à vous désorganiser.

Par conséquent, avant de rien faire, de rien commencer, de rien essayer, soyez sûr d’abord que vous êtes non seulement aussi sincère que vous pouvez l’être, mais que vous avez l’intention de le devenir encore bien davantage. Parce que c’est votre seule protection.

Cet effort pour cultiver la vertu initiale peut-il être collectif  ?

Certainement il peut l’être. Et c’est cela que l’on essayait autre- fois dans les collèges d’initiation. Encore maintenant, dans les sociétés plus ou moins secrètes ou les groupements très limités, on cherche à ce que la collectivité soit assez unie et fasse un effort collectif assez complet pour que le résultat soit le résultat du groupe au lieu d’être le résultat d’un individu.

Mais naturellement, cela complique le problème terriblement... Chaque fois que l’on se réunit, on essaye de créer une entité collective ; mais pour qu’une vertu soit réalisée d’une façon collective, cela demande un effort formidable. Pourtant ce n’est pas impossible.

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19 décembre 1956 : La sincérité, c’est la puissance transformatrice

«   Est-il possible pour un être humain d’être parfaitement sincère ?   »

«   Est‑ce qu’il y a une sincérité mentale, une sincérité vitale, une sincérité physique ? Quelle différence y a-t-il entre ces sincérités ?   »

Naturellement, le principe de la sincérité est le même partout, mais le fonctionnement est différent suivant les états d’être.

Quant à la première question, on pourrait simplement répondre par   : non, si l’homme reste ce qu’il est. Mais il a la possibilité de se transformer suffisamment pour devenir parfaitement sincère.

Pour commencer, il faut dire que la sincérité est une chose progressive, et à mesure que l’être progresse et se développe, à mesure que l’univers se déroule dans le devenir, la sincérité doit aller en se perfectionnant sans cesse. Tout arrêt dans ce développement change nécessairement la sincérité d’hier en une insincérité de demain.

Pour être parfaitement sincère, il est indispensable de n’avoir aucune préférence, aucun désir, aucune attraction, aucun dégoût, aucune sympathie ni antipathie, aucun attachement, aucune répulsion. Il faut être dans une vision totale, intégrale des choses, où tout est à sa place et où l’on a une attitude similaire vis-à-vis de toutes choses   : l’attitude de la vision vraie.

Ce programme est évidemment très difficile à réaliser pour un être humain. À moins qu’il n’ait décidé de se diviniser, il paraît presque impossible qu’il puisse être libre de tous ces contraires en lui. Et pourtant, tant qu’on les porte en soi, on ne peut pas être parfaitement sincère. Automatiquement, le fonctionnement mental, vital, et même physique, est faussé.

J’insiste sur le physique, parce que même le fonctionnement des sens est faussé   : on ne voit pas, on n’entend pas, on ne goûte pas, on ne sent pas les choses telles qu’elles sont dans leur réalité tant que l’on a une préférence. Tant qu’il y a des choses qui vous plaisent et des choses qui vous déplaisent, tant que l’on a une attraction pour certaines choses et une répulsion pour d’autres, on ne peut pas voir les choses dans leur réalité ; on les voit à travers sa réaction, sa préférence ou sa répulsion. Les

sens sont des instruments qui se faussent, de la même façon que les sensations se faussent, que les sentiments se faussent et que les pensées se faussent. Par conséquent, pour être sûr de ce que vous voyez, de ce que vous sentez, de ce que vous éprouvez et de ce que vous pensez, il faut que vous ayez un détachement complet ; ce qui n’est évidemment pas une tâche facile. Mais jusqu’à ce moment-là, votre perception ne peut pas être totalement vraie, et par conséquent elle n’est pas sincère.

Naturellement, c’est un maximum. Il y a des insincérités grossières que tout le monde comprend et sur lesquelles, je pense, il n’est pas nécessaire d’insister. Comme, par exemple, de dire une chose et d’en penser une autre, de prétendre que l’on fait une chose et d’en faire une autre, d’exprimer une volonté qui n’est pas votre volonté vraie.

Je ne parle même pas du mensonge tout à fait grossier qui consiste à dire autre chose que ce qui est ; mais même cette façon diplomatique d’agir qui consiste à faire une chose avec l’idée d’obtenir un certain résultat, à dire une chose en s’attendant à ce qu’elle produise un certain effet, toute combinaison de ce genre qui vous porte naturellement à vous contredire vous-même, est un genre d’insincérité assez grossière que tout le monde peut reconnaître facilement.

Mais il y en a d’autres plus subtiles, qui sont difficiles à discerner. Par exemple, tant que vous avez en vous des sympathies et des antipathies, tout naturellement et pour ainsi dire spontanément, vous aurez une perception favorable de ce qui vous est sympathique, et une perception défavorable de ce qui vous est antipathique (de ce qui, ou de ceux qui). Et là aussi, le manque de sincérité sera flagrant.

Pourtant, vous pouvez vous tromper vous-même et ne pas percevoir que vous êtes insincère. Alors dans ce cas, vous avez pour ainsi dire la collaboration de l’insincérité mentale. Parce qu’il est vrai qu’il y a des insincérités d’un caractère un peu différent suivant les états d’être ou les parties de l’être. Seulement, l’origine de ces insincérités sera toujours un mouvement analogue provenant du désir et de la recherche de fins personnelles — de l’égoïsme, de cette combinaison de toutes les limitations provenant de l’égoïsme et de toutes les déformations provenant du désir. Au fond, tant que l’ego est là, on ne peut pas dire qu’un être soit parfaitement sincère, même s’il s’efforce de le devenir.

Il faut dépasser l’ego, s’abandonner totalement à la Volonté divine, se donner sans réserve et sans calcul... alors on peut être parfaitement sincère, mais pas avant.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas faire d’effort pour être plus sincère que l’on n’est, en se disant   : «   Bien, j’attendrai que mon ego disparaisse pour être sincère   », parce qu’on peut renverser les termes et dire que si vous n’essayez pas sincèrement, jamais votre ego ne disparaîtra. Par conséquent, la sincérité est la base de toute réalisation véritable, elle est le moyen, le chemin — et elle est aussi le but. Sans elle, vous êtes sûr de faire d’innombrables faux pas et d’avoir constamment à réparer le mal que vous vous êtes fait à vous-même et aux autres.

Il y a d’ailleurs une joie merveilleuse à être sincère. Chaque acte de sincérité porte en lui-même sa propre récompense   : le sentiment de purification, d’élévation, de libération que l’on sent quand on a rejeté ne serait-ce qu’une parcelle du mensonge.

La sincérité, c’est la sauvegarde, c’est la protection, c’est le guide, et finalement c’est la puissance transformatrice.

Aster amellus – Aster Rose lavande – Sincérité émotive – N'essaye pas de travestir les émotions.

Entretiens 1955

12 juin 1957 : La pureté parfaite, c’est être, et c’est cela, la sincérité

La seule chose qui soit vraiment efficace, c’est le changement de la conscience ; c’est la libération intérieure par une union intime, constante, absolue, inévitable, avec la vibration des forces supramentales. La préoccupation de chaque seconde, la volonté de tous les éléments de l’être, l’aspiration de l’être total, y compris de toutes les cellules du corps, c’est cette union avec les forces supramentales, les forces divines.

Et il n’est plus du tout besoin de se préoccuper de ce que seront les conséquences. Ce qui devra être dans le jeu des forces universelles et leur manifestation, sera tout naturellement, spontanément, automatiquement, on n’a pas besoin de s’en préoccuper.

La seule chose qui importe, c’est le maintien constant, total, complet — constant, oui, constant — avec la Force, la Lumière, la Vérité, le Pouvoir, et cette joie indicible de la Conscience supramentale. C’est cela, la sincérité. Tout le reste, c’est une imitation, c’est presque une comédie que l’on se joue à soi-même.

La pureté parfaite, c’est être, c’est être de plus en plus, dans un devenir qui se perfectionne. Il ne faut jamais prétendre que l’on est   : il faut être spontanément.

C’est cela, la sincérité.

 

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