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Publié par pascalemmanuel

Il est facile de concevoir qu'à titre individuel, des êtres par leur développement intérieur, leur sagesse, leur développement spirituel, leur niveau de conscience ou que sais-je puisse traverser cette période difficile. Par contre, sur le plan collectif, les problèmes semblent atteindre un tel niveau de complexité, qu'à moins d'un miracle, il est difficile d'envisager comment nous pourrions nous en sortir.

Quel que soit le secteur de la société, la santé, l'éducation, les institutions, les finances, les administrations, l'emploi, les libertés publiques, l'industrialisation, l'énergie, la diplomatie, le domaine militaire, l'agriculture, l'immigration, les services publics, les médias, la justice... on se demande ce qui va bien et fonctionne correctement.

Nous sommes collectivement dans un sacré pétrin. Ce pétrin a d'ailleurs sans doute un sens évolutif. 

Deux nuances cependant. Tout d'abord, le pétrin semble essentiellement européen et occidental ; je ne suis pas certain que cette impression d'effondrement soit si prégnante en Russie, en Asie ou en Afrique. Et puis, à trois reprises, en regardant des vidéos d’actualités, j'ai aperçu derrière la pensée de Sri Aurobindo-Mère.

En écoutant Philippe Guillemant, je me suis dit que cela ressemblait beaucoup à ce qu'a pu dire Mère lorsqu'elle a parlé du temps vertical ou de nos destins multiples. Et dans son dernier grand entretien, lorsque Pierre-Yves Rougeyron a défendu l'idée d'une sorte de religion laïque je me suis dit que cela ressemblait fichtrement à la future religion de l'humanité préconisée par Sri Aurobindo. Le troisième exemple, je l'ai oublié. N'empêche que voir, ici et là, pénétrer la pensée de Sri Aurobindo-Mère confirme la nature évolutive de la situation et donne quelques espoirs.

Ce chapitre 12 du Cycle humain, m'a donné a penser, pour le dire tout à fait familièrement,  que nous étions dans un sacré pétrin. Ainsi, Sri Aurobindo nous explique d'une part que la raison, tant que nous n'avons pas accès au niveau de connaissance et de conscience plus élevé, est notre meilleur guide, qu'elle est capable de découvrir et de s'ouvrir aux vérités supérieures, mais d'autre part, qu'à partir du moment où la raison s'essaye à la mise en pratique, c'est fichu. C'est sans doute un résumé trop hâtif mais cela me semble à peu près ça.

Pourtant, j'étais persuadé, justement, qu'il ne fallait pas se contenter de vérités philosophiques et au contraire chercher à les incarner, à les appliquer à la vie. En vérité je n'ai pas bien compris. Ou plutôt, j'ai très bien compris que nous étions face à un point délicat et que Sri Aurobindo pointait magistralement une source d'erreur constante.

Errare humanum est, perseverare diabolicum

En attendant, comprendre nos erreurs est un aspect important de la solution. Or, Sri Aurobindo dans ce chapitre passe de façon si discrète du plan individuel au plan collectif qu'on ne sent aucune opposition entre l'un et l'autre et que l'on comprends que ce sont les mêmes mécanismes qui régissent l'être individuel et l'être collectif. Alors, si notre être individuel réussit à comprendre ce que nous dit Sri Aurobindo et à rectifier en nous cette erreur, il est possible que cela aide aussi l'être collectif.

Je vous invite à découvrir par vous-mêmes ce chapitre, dont voici quelques extraits qui me semble les plus significatifs.

Chapitre 12 – pages 142 à 153

Artabotrys hexapetalus – Coq du levant – La raison

Un excellent instrument quand il est au service du Divin.

La première chose qu'il faudrait apprendre à tout être humain dès qu'il est capable de penser, c'est qu'il doit obéir à la raison qui est un super-instinct de l'espèce. La raison est le maître de la nature de l'espèce humaine.

Il faut obéir à la raison et se refuser absolument à être l'esclave des instincts. Et là, je ne vous parle pas de yoga, je ne vous parle pas de vie spirituelle, rien de tout cela, ça n'a rien à voir avec cela. C'est l'élémentaire sagesse de la vie humaine, purement humaine : tout être humain qui obéit à quelque chose d'autre que la raison est une espèce de brute inférieure à l'animal.

Voilà. Et cela, il faudrait qu'on l'enseigne partout ; c'est l'éducation élémentaire que l'on doit donner aux enfants.

Le règne de la raison ne doit prendre fin qu'avec l'avènement de la loi psychique qui manifeste la Volonté divine.

Entretien de Mère du 8 mai 1957 (page 110 à 114)

*

Si la raison n’est pas le maître souverain de notre être, ni même destinée à être autre chose qu’un intermédiaire ou un ministre, elle est donc incapable de donner une loi parfaite aux autres états du royaume, bien qu’elle puisse leur imposer un ordre temporaire et imparfait comme un passage vers une perfection plus haute.

L’homme rationnel ou intellectuel n’est pas l’ultime ni le plus haut idéal d’humanité, pas plus qu’une société rationnelle ne serait l’ultime ni la plus haute expression des possibilités d’une vie humaine collective — à moins vraiment de donner au mot «   raison   » un sens plus vaste que celui qu’il possède maintenant et d’y inclure la sagesse intégrale de tous nos pouvoirs de connaissance, y compris ceux qui se situent au-dessous et au-dessus de la compréhension et du mental logique, autant que la partie strictement rationnelle de notre nature.

L’Esprit qui se manifeste en l’homme et qui secrètement domine les phases de son développement, est plus grand et plus profond que l’intellect et il conduit à une perfection qui ne peut pas être enfermée dans les constructions arbitraires de la raison humaine.

Dans le paragraphe suivant Sri Aurobindo explique les nombreux mérites de l'intellect et en vient à dire que l’action de l’intelligence n’est pas seulement tournée vers le bas et le dehors, sur notre vie objective et extérieure, afin de la comprendre et de déterminer la loi et l’ordre de son mouvement présent et de ses potentialités futures. Elle porte aussi son regard vers le haut et le dedans et possède un fonctionnement plus lumineux qui lui permet de recevoir les divinations des éternités cachées.

Par ce pouvoir de vision, elle s’ouvre à une Vérité au-dessus d’elle et en reçoit, bien qu’imparfaitement et comme de derrière un voile, une connaissance indirecte des principes universels qui gouvernent notre existence et ses possibilités ; elle reçoit et convertit en formes intellectuelles ce qu’elle peut en saisir, et ces formes nous apportent les grandes idées maîtresses qui vont façonner nos efforts, les rassembler et les orienter   : elle définit les idéaux que nous nous efforçons d’accomplir.

Elle nous apporte les grandes idées-forces 1 qui, par leur propre pouvoir, s’imposent à notre vie et l’obligent à entrer dans leur moule. Seules les formes que nous donnons à ces idées sont intellectuelles ; les idées elles-mêmes descendent d’un plan de vérité de l’être où la connaissance et la force sont une, où l’idée et le pouvoir d’accomplissement de l’idée sont inséparables.

1. En français dans le texte.

Malheureusement, quand nous voulons les traduire dans le cadre de notre intelligence, qui procède par analyse et synthèse en séparant et en combinant, et les intégrer à l’effort de notre vie, qui progresse par une sorte de recherche expérimentale et empirique, ces pouvoirs supérieurs se changent en idéaux discordants et contradictoires, et nous avons toutes les peines du monde à en faire une harmonie satisfaisante. Telle est l’histoire des grands principes fondamentaux de liberté et d’ordre, de bien, de beauté et de vérité ; idéal du pouvoir et idéal de l’amour, de l’individualisme et du collectivisme, de l’abnégation et de l’accomplissement de soi, et de cent autres.

Dans chaque sphère de la vie humaine, dans chaque partie de notre être, chaque élément de notre action, l’intellect nous confronte au multiple antagonisme de ces idées et principes contradictoires. Il s’aperçoit que chacun représente une vérité et répond à quelque chose d’essentiel dans notre être   : dans notre nature supérieure, c’est une loi ; dans notre nature inférieure, un instinct.

L’intellect cherche à les satisfaire tour à tour ; autour de chacun il bâtit un système d’action, passe de l’un à l’autre, pour revenir à ce qu’il avait délaissé. Ou bien il essaye de les combiner, mais aucune de ces combinaisons ne le satisfait, parce qu’aucune ne réconcilie parfaitement ces idéaux, aucune ne réalise une unité satisfaisante. En fait, cette réconciliation appartient à une conscience plus vaste et plus haute que l’humanité n’a pas encore atteinte, où ces opposés sont à jamais harmonisés, unifiés même, parce qu’en leur origine ils sont éternellement un.

Et pourtant, les efforts croissants de l’intelligence pour organiser notre vie intérieure et extérieure, donnent chaque fois plus d’ampleur et de richesse à notre nature et l’ouvrent à des possibilités accrues de connaissance et de réalisation de soi, rapprochant l’heure de notre éveil à une plus vaste conscience.

Le progrès individuel et social s’est donc opéré par un double mouvement d’illumination et d’harmonisation, l’intelligence et la volonté intelligente servant d’intermédiaires entre l’âme humaine et ses œuvres.

Esprit qui se manifeste en l’homme et qui secrètement domine les phases de son développement, principes universels qui gouvernent notre existence, éveil à une plus vaste conscience, puissions-nous découvrir ces choses.

Ensuite, Sri Aurobindo explique pendant deux paragraphes comment l'intellect s'est peu à peu construit et revient sur les difficultés apparemment insurmontables d'harmoniser nos différentes tendances. Et il en vient au nœud du problème :

Nous avons vu que l’action de l’intellect était double   : impartiale ou intéressée, égocentrique ou subordonnée à des mouvements qui ne lui appartiennent pas en propre.

La première tendance conduit à une recherche désintéressée de la vérité pour l’amour de la Vérité, de la connaissance pour l’amour de la Connaissance, sans autre motif ultérieur et en écartant toute autre considération, sauf l’obligation de garder l’œil sur l’objet et le fait étudié afin de découvrir sa vérité, son processus, sa loi.

L’autre tendance est faussée par la passion de la mise en pratique, par le désir de gouverner la vie selon la vérité découverte, ou par la fascination de quelque idée que nous cherchons à établir comme la loi souveraine de notre vie et de notre action.

Certes, nous avons vu que la supériorité de la raison sur les autres facultés de l’homme venait de ce qu’elle n’était ni limitée ni absorbée par sa propre activité séparée et qu’elle agissait sur toutes les autres facultés, découvrait leur loi et leur vérité, mettait à leur service ses découvertes, et que même quand elle suivait son penchant personnel et ses fins particulières, elle servait aussi leurs fins et arrivait à une utilité universelle.

Mais en fait, l’homme ne vit pas pour la connaissance seule. La vie, au sens le plus large, est sa préoccupation principale, et il recherche la connaissance pour son utilité dans la vie beaucoup plus que pour le pur plaisir d’acquérir la connaissance. Mais c’est précisément quand elle met la connaissance au service de la vie, que l’intelligence humaine tombe dans la confusion et l’imperfection qui accompagnent toute action humaine.

Tant que nous cherchons la connaissance pour elle-même, il n’y a rien à dire ; la raison remplit sa fonction naturelle, elle exerce en toute sûreté son droit suprême. Dans le travail du philosophe, du savant, de l’homme de science, qui s’efforcent d’ajouter quelque élément au fonds de notre connaissance vérifiable, il y a une pureté et une satisfaction aussi parfaites que dans celui du poète et de l’artiste qui créent des formes de beauté pour la joie esthétique de l’espèce.

Peu importent les erreurs et les limitations individuelles, s’il en est, car la connaissance collective et progressive de l’espèce tire profit de la vérité découverte, et l’on peut espérer qu’en temps voulu elle se débarrassera de l’erreur.

Mais quand il essaye d’appliquer les idées à la vie, l’intellect humain trébuche et se trouve en défaut.

Mince ! Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle ! Jamais je n'aurais pensé que l'erreur pouvait se cacher là. Voyons la suite.

Cela tient au fait qu’en général l’intelligence humaine, dès qu’elle se tourne vers l’action, devient partiale et passionnée et sert un autre maître que la vérité pure.

Cependant, même si l’intellect restait aussi impartial et désintéressé que possible — or l’intellect humain ne peut être tout à fait impartial et tout à fait désintéressé que s’il se contente d’un divorce total d’avec la réalité pratique ou d’une sorte de tolérance, d’éclectisme ou de curiosité sceptique, larges mais inefficaces —, les vérités qu’il découvre ou les idées qu’il proclame, de la minute où elles sont appliquées à la vie, deviennent le jouet de forces sur lesquelles la raison a peu de contrôle.

En suivant sa méthode froidement objective et régulière, la science a fait des découvertes qui, d’un côté, ont servi un humanitarisme pratique, et de l’autre, fourni des armes monstrueuses à l’égoïsme et à la destruction mutuelle ; elle a rendu possible un gigantesque pouvoir d’organisation qui, d’un côté, a servi à l’amélioration économique et sociale des nations, et de l’autre, a transformé chacune en une colossale machine d’agression, de ruine et de massacre.

D’une part, elle a fait naître un large humanitarisme rationaliste et altruiste, et de l’autre, justifié un égoïsme et un vitalisme sans foi ni loi, et une vulgaire volonté de pouvoir et de succès.

Elle a rapproché le genre humain et lui a donné un nouvel espoir, et en même temps l’a écrasé sous le fardeau d’un commercialisme monstrueux.

Et ceci n’est pas dû, comme on l’affirme souvent, à son divorce d’avec la religion ni à un manque d’idéalisme. La philosophie idéaliste s’est mise au service des puissances du mal autant que des puissances du bien et elle a fourni d’égales convictions intellectuelles à la réaction et au progrès. Dans le passé, même les religions organisées n’ont que trop souvent excité les hommes au crime et au massacre, et fait l’apologie de l’obscurantisme et de l’oppression.

Ce fut écrit il y a plus de cent ans et n'est-ce pas une description formidablement contemporaine ? Et n'est-ce pas le nœud du problème ? Ou pour le moins, un problème particulièrement central ? Le paragraphe suivant nous donne quelques éclaircissements.

La vérité, sur laquelle nous insistons ici, c’est que la raison est par nature une lumière imparfaite, et que sa mission, pour vaste qu’elle soit, est cependant restreinte, car, sitôt qu’elle s’applique à la vie et à l’action, elle se subordonne à ce qu’elle étudie et devient la servante et la conseillère des forces mêmes dont elle voudrait arbitrer le conflit obscur et mal compris.

Sa nature est telle que l’on peut s’en servir — et l’on s’en est toujours servi — pour justifier toute idée, toute théorie de la vie, tout système de société ou de gouvernement, tout idéal d’action individuelle ou collective, auxquels la volonté de l’homme s’attache pour une heure, ou des siècles durant.

En philosophie, elle fournit d’égales bonnes raisons au monisme et au pluralisme, ou à n’importe quel point de vue intermédiaire, à la croyance en l’Être et à la croyance en le Devenir, à l’optimisme ou au pessimisme, à l’activisme et au quiétisme. Elle peut justifier la religiosité la plus mystique et l’athéisme le plus positif, elle peut se débarrasser de Dieu ou ne voir rien autre que Lui.

En esthétique, elle fournit les bases du classicisme comme du romantisme, et soutient n’importe ou prouver triomphalement la thèse des antinomiens.

Elle s’est fait le prophète convaincant de toutes les formes d’autocratie et d’oligarchie, et de toutes les espèces de démocratie ; elle fournit d’excellentes et satisfaisantes raisons à la libre concurrence individualiste, et des raisons non moins excellentes et satisfaisantes en faveur du communisme, ou contre le communisme, pour le socialisme d’État ou pour une variété de socialisme contre une autre.

Elle peut se mettre avec une égale efficacité au service de l’utilitarisme, de l’économisme, de l’hédonisme, de l’esthétisme, du sensualisme, du moralisme, de l’idéalisme, ou de toute autre activité ou besoin essentiel de l’homme, et bâtir autour de chacun une philosophie, un système politique ou social, une théorie de la conduite et de la vie.

Ne lui demandez pas de pencher pour une seule idée, mais de faire une combinaison éclectique ou une harmonie synthétique, et elle vous satisfera ; seulement, comme il existe un grand nombre de combinaisons ou d’harmonies possibles, elle justifiera aussi bien l’une que l’autre, et exaltera ou démolira l’une ou l’autre suivant que l’esprit dans l’homme est attiré par telle ou telle combinaison, ou s’en retire. Car, en réalité, c’est l’esprit qui décide ; la raison est seulement un brillant serviteur et un ministre de ce souverain secret et voilé.

Cette vérité reste cachée au rationaliste, parce qu’il s’appuie sur deux articles de foi constants   : premièrement, que sa propre raison est juste et que la raison des autres, quand elle diffère de la sienne, est fausse ; et deuxièmement, que la raison humaine collective, quelles que puissent être les déficiences actuelles de l’intellect, finira par être pure et capable de fonder solidement la pensée et la vie des hommes sur une base rationnelle claire et entièrement satisfaisante pour l’intelligence.

Un peu plus loin, Sri Aurobindo nous dit que la raison ne peut embrasser la vérité entière, parce que la vérité est trop infinie pour elle ; de cette vérité pourtant, elle saisit ce dont nous avons immédiatement besoin, et son insuffisance ne diminue pas la valeur de son travail   : elle donne plutôt la mesure de sa valeur. Car l’homme n’est pas fait pour saisir d’un seul coup toute la vérité de son être, mais pour se diriger vers elle par une succession d’expériences et un élargissement de soi constant, encore qu’il soit loin d’être parfaitement continu.

La première tâche de la raison est donc de justifier et d’éclairer les expériences variées de l’homme et de lui permettre, avec foi ou conviction, de s’accrocher à ces expériences d’élargissement du moi. Elle justifie à ses yeux, tantôt une chose, tantôt une autre   : l’expérience du moment, la lumière du passé qui s’éloigne, la vision à demi perceptible de l’avenir. Son inconstance, le conflit permanent qu’engendrent ses propres divisions, son aptitude à soutenir des opinions contraires, sont tout le secret de sa valeur.

Certes, il ne conviendrait pas qu’elle soutienne des opinions par trop contradictoires chez un même individu, sauf à des moments d’éveil et de transition, mais dans le corps collectif de l’humanité et dans la succession du temps, c’est bien là toute sa tâche. Car, ainsi, l’homme s’avance vers l’infinité de la Vérité par l’expérience de sa diversité ; ainsi, sa raison l’aide à bâtir, changer, détruire ce qu’il avait bâti et à préparer une construction nouvelle — bref, à progresser, croître, s’élargir dans la connaissance de soi et dans la connaissance du monde, et dans leurs œuvres.

C'est limpide, merveilleusement expliqué. Voyons le dernier passage de ce chapitre, avec le sublime épitaphe de la raison.

Une société purement rationnelle ne pourrait voir le jour, et même si elle naissait, elle ne pourrait survivre, ou elle pétrifierait l’existence humaine et la rendrait stérile. Les forces fondamentales de la vie humaine, ses causes intimes, sont irrationnelles en dessous et suprarationnelles au-dessus.

Cependant, il est vrai que par un élargissement constant, une purification et une ouverture constantes, la raison de l’homme finira nécessairement par percevoir et par comprendre même ce qui lui est encore caché, et qu’elle aura le pouvoir de réfléchir passivement, mais avec empathie, la Lumière qui la dépasse.

Sa limite est atteinte, son rôle est terminé quand elle peut dire à l’homme   :

«   Il y a une Âme, un Moi, un Dieu dans le monde et dans les hommes, qui œuvre caché, et tout est son voile, tout est sa révélation graduelle.

J’ai été son ministre ; lentement j’ai dessillé vos yeux, j’ai retiré les épais téguments qui recouvraient votre vision, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus entre vous et lui que mon propre voile de lumière.

Maintenant écartez-le, et faites que l’âme de l’homme soit une avec le Divin, en nature et en réalité.

Alors vous vous connaîtrez vous-mêmes, vous découvrirez la vaste et suprême loi de votre être, vous deviendrez les possesseurs, ou du moins les récepteurs et les instruments d’une volonté et d’une connaissance plus hautes que les miennes, et vous vous emparerez enfin du vrai secret et du sens intégral d’une existence humaine et cependant divine.   »

Entretien du 8 mai 1957 – page 110 à 114

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