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Publié par pascalemmanuel

"II y a quatre très grands événements dans l'histoire : le siège de Troie, la vie et la crucifixion du Christ, l'exil de Krishna à Brindâban (1) et le colloque avec Ardjouna sur le champ de bataille de Kouroukshétra. Le siège de Troie a donné naissance à l'Hellade, l'exil à Brindâban a créé la religion dévotionnelle (car auparavant on ne connaissait que la méditation et le culte), du haut de sa croix le Christ a humanisé l'Europe, le colloque de Kourou- kshétra est appelé à libérer l'humanité. Et pourtant, il est dit qu'aucun de ces quatre événements n'a jamais eu lieu."

Sri Aurobindo - Aphorisme 40

(1) Krishna enfant dut se réfugier à Brindâban pour échapper à son oncle Kansa, le roi tyran de Mathourâ. Dans le village de Brindâban où il grandit avec les gardiens de troupeaux, son amour pour Râdhâ et ses compagnes, symbole de l'amour divin, ou de l'amour humain changé en amour divin, est à l'origine de la religion vishnouïte (vaïshnava) ou culte de Krishna qui est une incarnation de Vishnou. Il est aussi le Suprême, et le divin Instructeur de la Bhagavad-Guîtâ.

* * *

Cet aphorisme m'a toujours intrigué. D'une part, parce que je trouve assez loufoque qu'on puisse remettre en cause l'existence même du Christ... mais surtout, je me demande bien ce que peux avoir de si important, la guerre de Troie. Plus important que la découverte du feu, de la roue, de l'écriture, de l'imprimerie, que sais-je encore, ou... d'internet qui permet tout de même une sorte d'universalisation des connaissances. Plus important même que la naissance du Bouddha ? ? ?

Voyons le commentaire de Mère de cet aphorisme. 

* * *

Questions d'un disciple :

1) Les méditations et les cultes d'autrefois étaient-ils les mêmes que ceux d'aujourd'hui ?

2) Que veut dire : "le colloque de Kouroukshétra est appelé à libérer l'humanité" ?

Réponse de Mère :

1) Dans l'ancien temps, comme de nos jours, chaque religion avait son genre particulier de méditation et de culte. Cependant, partout et toujours, la méditation est un mode spécial d'activité et de concentration mentales ; les détails de la pratique seuls diffèrent ; et le culte est un ensemble de cérémonies et de rites qui sont scrupuleuse- ment et exactement accomplis en l'honneur d'une Divinité. Ici, Sri Aurobindo fait mention du culte et de la méditation de l'Inde ancienne, aux temps védiques et védântiques.

2) Le colloque de Kouroukshétra, c'est la Bhagavad- Guîtâ.

Sri Aurobindo considère que le message de la Bhagavad- Guîtâ est à la base du grand mouvement spirituel qui a mené et mènera de plus en plus l'humanité à sa libération, c'est-à- dire à son évasion hors du mensonge et de l'ignorance, vers la vérité.

Depuis l'époque de son apparition, la Bhagavad-Guîtâ a

eu une immense action spirituelle; mais avec l'interprétation

nouvelle que Sri Aurobindo en a donnée, son influence a

considérablement grandi et elle est devenue décisive.

Agenda du 29 juin 1960

* * *

C'est très intéressant mais cela n'explique pas en quoi la guerre de Troie fut si importante. Et voilà qu'un ami m'offre Ilion ou La Chute de Troie. 

Nous ne sommes pas non plus beaucoup plus avancés avec les fiches Wikipedia qui nous apprennent qu'Ilion est un autre nom pour la ville de Troie et que l'Hellade est un nom ancien pour une région de la Grèce.

Commentaires divers et variés :

S'il s'agit de découvrir l'Oeuvre évolutive de Sri Aurobindo, je ne conseillerais pas ce livre, ce n'est pas son but. En outre, sans une certaine connaissance historique, il est un peu difficile à lire ; ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas le lire.

Je me permets une digression avec un texte très intéressant partagé sur Facebook d'un monsieur que je ne connais pas. Voici ce qu'il écrit :

"La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps.

La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression.

Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.

Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.

Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible.

Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots.

Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots.

Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté."

Christophe Clavé.

Or, ce texte de Sri Aurobindo nous offre une richesse de langage et nous transporte dans des régions inhabituelles et inconnues. C'est peut-être l'un des intérêts majeurs du livre. En moins fort, j'ai eu un peu la même impression qu'en lisant le Secret du Véda. J'avais alors une sorte de vision-sensation, de l'existence de... tout un monde... au-dessus de ma tête.

Nous avons en tête l'image de l'arc en ciel, avec ces différentes couleurs. En lisant ce Secret du Véda, souvent, je sentais-voyais au-dessus de ma tête, une sorte de bande, dans laquelle se déroulait des scènes, des actions. C'est clair et flou en même temps. En même temps, je voyais-sentais des présences, des mouvements au-dessus de ma tête, et en même temps, je ne saurais dire ce que je sentais-voyais. 

En fait, j'ai l'impression que cette lecture mettait une partie de ma conscience avec le monde des dieux, le monde surmental comme dit Sri Aurobindo et que je voyais des choses sans pouvoir comprendre ce que je voyais - quelque chose comme ça. 

Et bien, la lecture d'ilion, c'était un peu la même chose, je retrouvais cette sensation de proximité avec le monde des dieux.

Et d'ailleurs, à un moment donné, cela m'a serré le coeur, j'ai fais le lien avec notre système d'éducation qui prend bien soin de nous éloigner de nos racines, se garde bien de nous enseigner les mythes fondateurs de l'humanité et de nous mettre en contact avec ce qui pourrait réveiller l'esprit guerrier en l'homme, ce qui a fait la grandeur de l'humanité, car si les valeurs nobles et chevaleresques reprenaient le dessus sur l'esprit d'abandon, nous, je veux dire le peuple, pourrions devenir incontrôlable...

En lisant Ilion, j'ai compris pourquoi certaines choses, n'étaient pas enseignées. Dans le nouveau monde, peut-être faudra t'il à nouveau enseigner le grecs et les grands textes de l'humanité. Encore que, à un échelon au-dessus, je rêve aussi d'un monde ou rien ne serait à enseigner car tout serait su. Enfin bref, nous n'y sommes pas encore, cela viendra, soyons en certain et revenons à la situation actuelle.

Autre chose, un peu dans le même ordre d'idée, m'a fait dressé l'oreille. Je lisais un passage dans lequel il était évoqué l'importance de la vertu...

"Les nations se plient aisément au joug quand leur vertu se relâche ;

Une fois enchaîné, il est difficile de rompre ses fers, car la vertu n'est plus.

Après que l'habitude a façonné les hommes au moule de la bassesse,

Quand ils sont blottis dans leurs chaînes, quand les faibles se sentent mieux, foulés aux pieds que debout,

Ou, tout en gémissant, n'ont ni coeur ni énergie pour l'angoisse de l'effort,

Comptes-tu alors renverser celui à qui tu t'es opposé sans succès, lorsque tu étais armé et vaillant ?

Aisé est la chute au fond de l'enfer, malaisé le salut."

Un peu plus tard j'apprenais que le célèbre Discours sur la servitude volontaire de La Boétie évoquait le fait que l'immoralité, les distractions futiles... étaient le préalable nécessaire à l'asservissement. 

Cela m'a fait drôle de retrouver, à quelques heures d'intervalle, la même idée défendue dans un livre évoquant la Chute de Troie et dans ce grand classique de la littérature. Cela m'a rappelé aussi avoir lu que dans le yoga traditionnel, normalement, avant d'apprendre les pratiques, les méditations, les exercices, il était demandé aux élèves d'avoir une base morale au minimum suffisante.

Alors que depuis des siècles, nous assistons plutôt à une promotion de l'égoïsme, de l'individualisme, du matérialisme, de la satisfaction immédiate de nos pulsions... Mais tout mouvement parvenu à son apogée se transforme en son contraire. Il se pourrait que nous approchions de ce point de bascule.... patience et sang-froid. 

L'histoire ne se répète jamais mais elle bégaye souvent. Ces quelques mots de Sri Aurobindo dans Ilion nous montre le lien entre notre asservissement actuel et notre façon de vivre. C'est très intéressant. 

Ainsi, tout est lié, les affaires du monde ont débarquées dans ma lecture, malgré moi. 

Et puis, un autre aspect m'a beaucoup touché. Vers la fin du livre, nous trouvons quelques extraits absolument magnifiques de Sri Aurobindo sur la poésie, entre autre, à propos d'Homère, de l'Iliade et l'Odyssée, dont celui-ci, tiré de La Poésie future. 

« Aucune autre grande littérature poétique n’a vraiment connu de tels débuts. Certaines ont bien commencé, elles aussi, par dépeindre la vie extérieure : la poésie d’Homère chez les Grecs, les épopées historiques d’Ennius chez les Latins, et chez les Français, la poésie des romans féodaux du cycle de Charlemagne et du cycle d’Arthur, en sont des exemples.

Mais aucune ne se donna jamais pour but artistique de présenter simplement, avec précision et perspicacité, la vie des Grecs et des romains ou la vie féodale. Homère nous présente toujours la vie de l’homme, ses impulsions et ses actions, aux moments de plus haute intensité, et il la projette telle quelle, sans autre modification, en des vers d’une absolue beauté, en de divines proportions; il la traite comme Phidias traitait la forme humaine quand il voulait créer un dieu dans le marbre.

Quand nous lisons l’iliade et l’Odyssée, nous ne sommes plus vraiment sur cette terre, mais sur la terre hissée jusqu’à un plan vital animé d’un dynamisme supérieur, et aussi longtemps que nous y demeurons, nous avons une vision plus large, nous respirons un air plus pur, et nous nous sentons soulevés jusqu’à une stature semi-divine. »

Cette dernière phrase de Sri Aurobindo explique ce que j'ai pu ressentir à la lecture de certains passage d'Ilion. Il faut dire, que si le mental purement intellectuel et rationnel ne comprend pas grand chose à ce monde où l'histoire des hommes semble intimement liées à celles des dieux, il est possible toutefois de se laisser emporter par l'histoire  et par la beauté de l'écriture. C'est magnifiquement écrit et cela m'a parfois rappelé Savitri.

Et puis, j'ai remarqué qu'on pouvait assez facilement lire ce livre, dans le désordre. Après l'avoir parcouru vite fait, en diagonale, j'ai commencé par lire le Dossier ilion qui contient quelques informations préalables utiles à la compréhension, de belles pages sur la poésie, et un résumé de chaque chapitre. Avec ces bases, la lecture des 9 livres de l'épopée s'est avéré plus facile. 

Quelques citations :

Homme, évite les impulsions néfastes qui surgissent tout armées des abîmes de ta nature !

Crains la rose sombre des dieux, fuis le miel alléchant de ses pétales !

C'est ainsi que le noir forfait fut commis, et que le foyer qui accueilli fut souillé.

* * *

L'orgueil n'est pas pour notre argile ; la terre, non le ciel fut notre mère,

Et nous sommes pareils aux fourmis dans notre labeur, aux bêtes par notre mort ;

Seuls ceux qui se cramponnent aux mains des dieux peuvent s'élever au-dessus de la fange terrestre.

Enfants, couchez-vous sous leur fouet, pour que votre coeur revive dans leur radiance solaire.   

* * *

Imbéciles, ou hypocrites ! C'est le mensonge le plus abject chez les mortels

Que de tisser des voiles de pureté et d'employer des noms idéaux déplacés

Pour déguiser nos désirs et colorer les convoitises de notre nature.

* * *

Deux sont les anges de Dieu pour qui les hommes ont un culte : la force et la jouissance.

Dans cette vie que limite la lumière du soleil, et qui eut la verte nature pour berceau,

Nous sommes entrés armés de la force ; proportionnelle à notre force est notre joie.

À quoi bon naître et vivre, sinon pour la joie ?

* * *

Même dans le ver de terre est un dieu, qui se tord à la recherche d'une forme et d'une issue.

Des fonctionnements immortels qui luttent obscurément, des suggestions d'une divinité

Oeuvrent à former dans cet argile une nature divine...

* * *

Les lambris de notre enfance et les champs de nos ancêtres nous sont chers,

Mais pour l'âme libre aucun lieu sur terre n'est un exil.

En vérité, notre pays est partout où règne le clair soleil,

Où les fleurs éclosent, et où les rivières aux flots transparents coulent vers l'Océan.

Ainsi je peux vivre dans l'ample liberté de mon âme..."

* * *

Endure toujours la volonté des dieux avec une piété constante. (*)

 

* * *

Nous sommes donc, ou bien aveugles dans le noir, ou éblouis par la vision.

Ainsi les dieux ont-ils protégé leur dessein et mis en échec les sages ;

Leur bouclier d'or s'interpose devant le Visage de la Vérité. (*)

* * *

Les dieux des foudres leur communique ses pensées : la nature humaine est si contraignante que nous les dieux, devons l'envahir, l'éperonner, la torturer pour qu'elle se divinise. Par la souffrance la vie s'est éveillé, dans la souffrance elle progresse : c'est pourquoi nous poursuivons notre labeur sans nous laisser troubler. (*)

Pour le bien à venir, Troie doit tomber : ceux d'entre vous qui la chérissent doivent vaincre leur préférence. L'heure de l'obscurcissement de l'homme a sonné. Désormais chaque civilisation sera détruite par une barbarie toujours plus grossière, jusqu'à ce que règne la Nuit, prélude nécessaire à une Aurore plus vaste.

À une remarque d'Héra, accusant Apollon et Arès d'avoir oublié le but, Zeus réplique en prenant leur défense : au contraire des humains qui s'agrippent à leur moindre lueur de connaissance, les dieux ne sont pas attachés à la leur, pas plus qu'ils ne le sont au succès de leurs efforts, et peuvent délibérément la mettre de côté. L'oubli chez eux est un choix, qui a son utilité dans le plan universel

Commentaire personnel :

J'ignore si cette parole puissante est une parole prophétique, mais cela y ressemble fichtrement. Pour le reste, ici et là parmi ces citations, celles où j'ai placé une astérisque,  je me demande si elles sont encore d'actualité. Il me le semble que le travail de Mère a sensiblement changé la donne depuis la date où Ilion fut écrit. 

En effet, il me semble que Mère nous a assuré que désormais, nous pouvions faire l'expérience pleine et entière de la vérité. Et notamment depuis sa grande expérience du 29 février 1956, les flots de la conscience-de-vérité se déversent sur la terre. Alors j'ai quelques doutes avec cette histoire de bouclier d'or...

De même avec la nécessité de la souffrance. Je la comprends bien au point que dans mon école de qi gong, nous disons volontiers qu'il faut manger amer. Disons que j'ai l'impression que cette nécessité de la souffrance diminue et que la nécessité de la joie augmente. Je ne suis pas certain qu'il faille nécessairement souffrir pour évoluer. Ou en tout cas, qu'il faille souffrir autant ou de la même façon... 

Quant à la nécessité de se soumettre aux dieux, si nous les aimons et croyons en eux, pourquoi pas... mais il me semble que Mère a aussi évoqué la possibilité d'un lien direct entre nous et le Seigneur suprême, sans intermédiaire. C'est possible et probable que les dieux soient encore nécessaires mais je n'en suis pas certain à 100 %. Cela doit dépendre des gens et des circonstances. 

Conclusion :

Une fois de plus, je n'ai pas de réponse claire et précise à la question que je me posais et j'ai des réponses à des questions que je ne me posais pas 😃. u que cela m'amuse assez, cela va certainement se reproduire.

J'ignore donc en quoi cette chute de Troie fut si important. Si ce n'est que j'ai compris que cela semblait représenter la fin d'un cycle et marquer le début de Rome et donc, d'une certaine façon, la naissance de l'Europe, de la civilisation européenne. Ces événements lointains semblent cristalliser un conflit entre Orient et Occident. Mais au final, trop de connaissances historiques et géographiques me manque pour vraiment comprendre.

Mais peu importe, Ilion contient suffisamment de pierres précieuses, pour que chacun trouvent les siennes...  

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