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Publié par pascalemmanuel

Livre 6 – Le Livre du Destin

Chant un – Le mot du destin

(Narad, le chantre céleste, le Voyant, occupe une place toute spéciale dans la tradition indienne : c'est un homme divinisé, l'annonciateur ou le précurseur de l'Homme divin à venir. Il n'est pas « né dieu », mais homme devenu dieu.

Il a pris rang parmi les immortels et il peut à volonté se déplacer parmi les trois mondes, sur les sommets supraconscients et à travers notre monde physique et mortel, et les mondes subconscients ou « inconscients » qui recèlent les clefs de notre avenir.

Il connaît donc les trois temps, passé, présent et à venir, et c'est lui qui annonce le Destin de Savitri et de Satyavane).

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EXTRAITS :

Par de silencieux confins à la frontière du plan mortel,

Traversant de vastes étendues de paix lumineuse

Narad, le sage céleste du Paradis

Descendait, chantant dans l’immensité radieuse de l’air.
 

Attiré par l’été doré de la terre

Posée sous lui comme une boule ardente

Lancée sur quelque table des Dieux

Roulée et mue comme par une invisible main

Pour attraper la chaleur et la flamme d’un petit soleil,

Il quittait les heureux chemins de l’Immortel

Vers un monde de labeur et de quête et de chagrin et d’espoir,

Vers ces lieux où la vie et la mort jouent à la bascule.

...

Alors le ton du chanteur a changé,

Une émotion et un émerveillement faisaient vibrer sa voix :

Il ne chantait plus la lumière qui jamais ne pâlit

Ni l’unité, ni la pure félicité immortelle,

Il ne chantait plus le cœur impérissable de l’amour,

Son chant était un hymne de l’Ignorance et du Destin.

 

Il chantait le nom de Vichnou (1), et la naissance

Et la joie et la passion du monde mystique,

Et comment les étoiles furent créées et la vie commença

Et les terres silencieuses s’animèrent avec le battement d’une âme.

(1). Le dieu créateur

 

Il chantait l’Inconscient et son moi secret,

Son pouvoir tout-puissant sans savoir ce qu’il fait,

Qui modèle tout sans vouloir, sans penser ni sentir,

Son mystère occulte, infaillible et aveugle,

Et les ténèbres qui ont soif de l’éternelle Lumière,

Et l’Amour qui couve au fond des sombres abîmes

Attendant une réponse des cœurs humains,

Et la mort qui grimpe vers l’immortalité.

 

Il chantait la Vérité qui crie au fond de la Nuit aveugle,

Et la Mère de Sagesse cachée dans la poitrine de la Nature

Et l’Idée qui œuvre derrière cette Nature muette

Et le miracle de ses mains transmutatrices :

Il chantait la vie qui sommeille dans la pierre et dans le soleil

Et le mental subliminal dans la vie sans mental,

Et la conscience qui s’éveille dans les bêtes et dans les hommes.

 

Il chantait la gloire et la merveille qui doivent naître

Et le Suprême qui arrache enfin son voile,

Il chantait le corps devenu divin et la vie devenue félicité,

L’immortelle tendresse qui embrasse l’immortel pouvoir,

Le cœur qui sent directement les cœurs,

La pensée qui voit directement les pensées,

Et le délice quand toutes les barrières tombent,

Et la transfiguration et l’extase.

 

Alors, tandis qu’il chantait les démons se mirent à pleurer de joie

Voyant venir la fin de leur longue et terrible tâche

Et la défaite qu’ils avaient en vain espérée,

Et l’heureuse délivrance du destin funeste

Qu’ils avaient eux-mêmes choisi

Et le retour en l’Un d’où ils étaient venus.

Alors, cela ne se fait pas du tout d'interrompre le chanteur céleste... Besoin de raconter une histoire. Je ne sais plus du tout où je l'ai entendue. Cela pourrait presque commencer comme la première scène du Seigneur des Anneaux. Et l'histoire devient une légende, et la légende devient un mythe et ce qui n'aurait jamais dû être oublié fut perdu... jusqu'à ce que... 

Lorsque j'avais une trentaine d'année, je me suis un peu cherché dans le milieu chrétien et à l'occasion de la messe de Pâques, l'Évêque avait coutume de venir à la Cathédrale faire une cérémonie du lavements des pieds. Alors il fallait des volontaires pour jouer le rôle des apôtres et en aucun cas, même pour quelque chose d'aussi annecdotique, je n'aurais pas voulu représenter Judas.  C'est idiot ! 

Même pour le cinéma, je me suis souvent demandé ce qui se passait au niveau énergétique pour les acteurs qui ont joué les rôles de Staline, de Hitler, ces gens-là. Parce qu'on dit bien qu'il faut s'imprégner du personnage. Cela veut dire s'imprégner d'une drôle d'énergie. 

Ce travail de distance entre l'acteur qui doit incarner un rôle m'a souvent laissé très perplexe. Pas très joueur. 

Et j'en viens à mon histoire. Le Divin, dans son plan d'équilibre des forces, avait besoin, pour sa partie d'échec, de pions blancs et de pions noirs. Or, personne ne voulait jouer le rôle des forces adverses. Et l'histoire raconte que ceux qui acceptèrent de jouer le mauvais rôle étaient ceux qui aimaient le plus le Divin.

Mais où est-ce que j'ai entendu un truc pareil ?

C'est une histoire très enfantine qui rejoint tout de même les 6 derniers vers de cet extrait extraordinaire, qui envoient valdinguer tous nos points de repères sur cette question du bien et du mal qui perturbe tellement la conscience humaine. Avec tous ces appels à la vengeance que nous entendons, il me semble que ces six vers sont d'une formidable actualité. 

L'erreur inverse serait sans doute de tendre l'autre joue car si les Forces adverses jouent un rôle destructeur, les guerriers du Divin doivent aussi tenir leur rôle de défenseur de la vérité et de la justice.

Tout de même, par l'intermédiaire de Narad, Sri Aurobindo nous annonce que le sinistre jeu va s'arrêter. 

Plus loin dans ce chant, le père de Savitri, le Roi Ashwapati dit ceci :

 

Que cela semble bon ou mauvais aux yeux des hommes,

C’est pour le bien seulement que peut œuvrer la Volonté secrète.

 

Notre destinée est écrite à double sens :

Par les contraires de la Nature, nous marchons vers Dieu ;

Même dans les ténèbres, nous grandissons encore vers la lumière.

 

La mort est notre route vers l’immortalité.

 

“Malheur! malheur!” gémissent les voix damnées du monde,

Mais quand même le Bien éternel conquiert enfin.”


Plus loin, Narad révèle le Destin que Satyavane, Celui que Savitri s'est choisi mourra dans un an. La mère de Savitri, totalement effondrée proteste, gémit et exhorte Savitri à "s'en choisir un autre." Voici la réponse de Savitri :

 

Mais Savitri répondit avec son cœur violent,

Sa voix était calme, son visage fixe comme de l’acier :

“Une fois que mon cœur a choisi, il ne choisit pas deux fois.

 

La parole que j’ai dite ne s’effacera jamais,

Elle est écrite dans les annales de Dieu.

 

Une fois dite la vérité,

Même effacée de l’air terrestre, même oubliée par le mental,

Résonne immortellement

À jamais dans la mémoire du Temps.

 

Une fois que la main du Destin a jeté le dé, il tombe

Dans un éternel moment des dieux.

 

Mon cœur a posé le sceau de sa foi sur Satyavane :

Nul Destin contraire ne peut rayer sa signature,

Ni le Destin, ni la Mort, ni le Temps ne peuvent dissoudre le sceau.

 

Qui séparera ceux qui sont devenus un même être dedans ?

La poigne de la mort brise nos corps, pas nos âmes ;

Si la mort prend Satyavane, moi aussi je sais comment mourir.

 

Que le Destin fasse de moi ce qu’il veut, ou peut,

Je suis plus forte que la mort et plus grande que mon destin ;

Mon amour durera plus que le monde,

La fatalité tombe de moi

Impuissante contre mon immortalité.

 

La loi du Destin peut changer, mais pas la volonté de mon esprit.”

Une volonté indomptable coulait ses paroles comme du bronze...

À suivre avec quelques extraits du chant deux, Les Voies du Destin et le Pourquoi de la Douleur...

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