Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par pascalemmanuel

Quelques extraits :

Chapitre Premier

"Elle commence à traiter de la manière dont l'âme s'unit à Dieu dans l'oraison et expose les signes auxquels ont reconnaît qu'il n'y a pas d'illusion."

"A l'extérieur, je l'avoue, nous allons bien, et nous pratiquons ce qui est nécessaire pour l'exercice des vertus ; mais pour arriver à l'état dont je parle, il faut travailler beaucoup, oui beaucoup et ne nous négliger en rien."

"Ne vous imaginez pas que c'est un sommeil des puissances comme dans la Demeure précédente. Je dis sommeil, parce qu'il semble en effet que dans cette Demeure l'âme est complètement endormie : elle ne dort pas complètement, et elle ne se sent pas, non plus, éveillée.

Mais ici, toutes nos puissances sont endormies et même profondément endormies par rapport à toutes les choses du monde et à vous-mêmes.

Et en vérité, l'âme est comme privée de sentiment durant le peu de temps que dure cette oraison d'union ; et le voudrait-elle, il lui serait possible de penser à rien d'ici-bas.

Enfin, elle est comme complètement morte au monde pour vivre davantage en Dieu"  ; voilà pourquoi c'est une mort délicieuse. C'est une mort ; car l'âme est affranchie de toutes les opérations qu'elle peut avoir, tout en étant unie à son corps ; et cette mort est pleine de délices, parce que, si l'âme semble vraiment se séparer de son corps, c'est pour mieux jouir de Dieu ; aussi, je sais même pas s'il reste assez de vie au corps pour respirer. En y réfléchissant en ce moment, il m'a semblé que non ; du moins, si on respire, on ne s'en rend pas compte.

L'entendement voudrait employer toute son activité à comprendre quelque chose de ce que l'âme éprouve ; mais comme il ne saurait y réussir, il est tout ravi ; s'il n'est pas complètement dans l'extase, il ne peut du moins remuer ni pied ni main, comme on le dit d'une personne qui est tellement évanouie qu'elle nous paraît morte."

"J'ai dit que c'était un sommeil, parce que dans la Demeure dont j'ai parlé, l'âme, tant qu'elle n'a pas une longue expérience, se demande avec anxiété ce qui a eu lieu. Etait-elle dans l'illusion ? Etait-elle endormie ? Est-ce une faveur de Dieu, ou bien n'est-ce pas le démon qui s'est transformé en ange de lumière ? Mille doutes l'envahissent, et il est bon qu'elle les ait, car, je le répète, notre nature elle-même peut nous tromper alors quelquefois." 

"J'oserais affirmer que si c'est vraiment une union avec Dieu, le démon ne peut entrer dans cette partie du château, ni nous porter le moindre tort. Sa Majesté, en effet, est unie d'une manière si étroite à l'essence de l'âme qu'il n'ose pas s'approcher, et qu'il ne doit même pas connaître ce secret. 

Cela d'ailleurs est bien clair, car s'il ne connaît pas, dit-on, nos pensées, il connaîtra encore moins un secret si profond que Dieu ne confie même pas à notre entendement. 

Oh ! Quel heureux état, puisque ce maudit ne peut nous y faire aucun mal. Aussi l'âme retire-t-elle alors les plus précieux avantages, car c'est Dieu qui opère en elle, sans que personne ni elle-même puisse troubler son action." 

Thérèse d'Avila compare ensuite cette union avec le Divin à "l'union à des choses vaines, que l'on aime beaucoup et à l'aide desquelles le démon peut, lui aussi, transporter l'âme !" Tout en soulignant que cette union "n'apporte ni délices, ni satisfaction, ni paix."

Après un paragraphe sur les enseignants qui peuvent nous aider à comprendre les grâces que Dieu nous octroient...  elle nous met en garde :

"Celui qui ne croit pas que Dieu peut nous accorder encore beaucoup d'autres grâces plus élevées, qu'il a voulu et veut parfois de nos jours en faire part à ses créatures, tient la porte de son âme bien fermée à de semblables faveurs. Pour vous, que cela ne vous arrive jamais : soyez assurés, au contraire, que Dieu est capable de réaliser encore beaucoup de merveilles plus hautes."

Ensuite, Thérèse d'Avila en vient à parler du signe, selon elle irréfutable, que la grâce reçue vient bien de Dieu. 

"Mais, me direz-vous, comment l'âme a-t-elle vu, comme a-t-elle compris cette faveur, puisqu'elle ne voit ni ne comprend ? Je ne dis pas qu'alors elle l'a vue. C'est ensuite qu'elle s'en rend parfaitement compte. Ce n'est point une vision proprement dite, c'est une certitude qu'elle possède et que Dieu seul peut donner."

Voilà qui rappelle un point évoqué par Mère lorsqu'il lui a été demandé s'il existe des signes indubitables que nous avons été en présence de la vibration supramentale. Mère évoque d'une part une égalité parfaite et d'autre part, un sentiment d'absolue certitude dans la connaissance.

J'en profite pour partager une réflexion qui m'est venue il y a quelques jours. Il est bien curieux, me suis-je dit, que nous ne pouvons pas prouver l'existence de Dieu, et que pourtant, nous pouvons en avoir la preuve. Sous-entendu, la prouver aux autres, et pourtant, en avoir la preuve pour nous-mêmes. 

"Mais comment, me direz-vous, pouvons-nous avoir une telle certitude de ce que nous ne voyons pas ? Pour moi je l'ignore. C'est une œuvre de Dieu, et je sais que je dis vrai. J'affirmerai même que, si quelqu'un n'a pas cette certitude, son âme n'a pas été unie tout entière, mais seulement par quelques-unes de ses puissances ; ou bien elle aura reçu quelqu'une de ces innombrables faveurs que Dieu se plaît à accorder.

Quand il s'agit de semblables questions, nous ne devons point chercher des raisons pour savoir comment les choses se passent ; dès lors notre entendement ne saurait les comprendre, pourquoi voudrions-nous nous y consumer en vain ? Il nous suffit de comprendre que la puissance de Celui qui agit de la sorte est infinie.

Dès lors que nous ne pouvons rien malgré tous nos efforts pour obtenir la faveur de l'union, et que c'est Dieu seul qui l'a réalise, ne nous imaginons pas que nous pourrons la comprendre.

Au sujet de cette expression : nous ne pouvons rien, je me rappelle en ce moment cette parole... de l'Epouse dans les Cantiques : Le Roi m'a introduite dans ses celliers, ou m'a mise, je crois. (1)

Elle n'a pas dit qu'elle y est allée d'elle-même. Elle ajoute qu'elle cherchait son Bien-Aimé de toutes parts. (2)

(1) Cantique 1.3

(2) Cantique 1.2

Or cette union, d'après moi, est le cellier où le Seigneur la place, quand il veut, et comme il veut, et où nous ne saurions pénétrer de nous-mêmes, malgré toute notre industrie. C'est à Sa Majesté de nous introduire et de nous placer dans le centre de notre âme.

Afin de mieux nous manifester ses merveilles, le Seigneur ne veut pas que nous y apportions d'autre coopération que celle de la volonté qui s'est soumise entièrement à lui, ni qu'on lui ouvre la porte des puissances et des sens qui sont tous endormis.

Il entre dans le centre de notre âme, sans passer par aucune de ses portes, comme il entra chez ses disciples, quand il leur dit : la paix soit avec vous..."

Simple remarque : ce cellier où Dieu place l'âme pourrait nous rappeler la crypte, le sanctuaire secret du cœur dont parle Sri Aurobindo. J'ajoute à titre indicatif que dans l'alchimie interne proposée par Annick de Souzenelle, il est question d'une zone qu'elle appelle "la chambre nuptiale" située vers la zone occipitale, cela m'avait intrigué. Continuons avec d'autres extraits...

Chapitre deux

"Elle continue le même sujet ; elle explique l'oraison d'union par une comparaison très ingénieuse, et indique ses effets dans l'âme ; c'est une doctrine très importante."

"Afin de me faire mieux comprendre, je veux me servir d'une comparaison très appropriée. Je vous montrerai, en outre, que si nous ne pouvons rien pour obtenir cette union elle-même que Dieu réalise en nous, nous pouvons cependant faire beaucoup, quand nous nous mettons dans les dispositions requises pour que Sa Majesté nous l'accorde."

"Vous aurez entendu parler dont la façon merveilleuse dont se fait la soie et dont Dieu seul peut être l'inventeur."

Thérèse d'Avila explique alors en quelques lignes la merveilleuse horlogerie qui se déclenche à l'instant parfait et le fabuleux processus avec la création du cocon et au final, la mort du ver pour la venue du papillon. Elle y voit une métaphore dans laquelle "l'âme, représentée par ce vers de terre, commence à vivre quand, à l'aide de la chaleur de l'Esprit-Saint, elle commence à profiter du secours général que Dieu nous accorde à tous...", puis l'âme grandit avec l'aide des pratiques etc... 

"Or, quand ce ver, dont j'ai parlé au commencement, a grandi, il commence à filer la soie et à construire la demeure où il doit mourir."

"J'ai lu, ce me semble, ou entendu dire quelque part que notre vie est cachée dans le Christ ou en Dieu, ce qui est tout un, ou que le Christ est notre vie (1). Mais que la citation soit exacte ou non, peu importe pour le but que je me propose.

(1) Col. c. III, 3.4.

"Par là, ce que nous pouvons réaliser avec le secours de Dieu, afin que Sa Majesté devienne notre demeure, comme elle l'est dans cette oraison d'union, et comment d'ailleurs nous préparons notre demeure. 

Je semble vouloir dire que nous pouvons enlever ou ajouter à Dieu quelque chose, car je dis qu'il est la demeure que nous pouvons nous-mêmes construire pour nous y introduire." 

Voilà effectivement un étonnant paradoxe et je n'avais jamais pensé à regardé la chose sous cet angle. Voyons la suite... 

"Eh quoi ! nous aurions ce pouvoir ! Evidemment, nous ne pouvons rien enlever ni ajouter à Dieu ; mais ce que nous pouvons c'est retrancher de nous-mêmes et donner de nous-mêmes comme font les petits vers à soie. Nous aurons à peine accompli tout ce qui dépend de nous, que Dieu prendra ce petit travail qui n'est rien, l'unira a sa grandeur et lui donnera tant de prix qu'en en sera lui-même la récompense."

J'en ignore la raison ou même si c'est très pertinent, mais en lisant cela, j'ai aussitôt pensé à cette insistance constante du yoga des œuvres à offrir au Divin la moindre de nos actions, du yoga de la connaissance à offrir notre intellect, nos pensées, du yoga de la dévotion, à offrir nos émotions, nos sentiments. Je me suis souvent demandé : mais qu'est-ce que ça peut lui faire, le Divin, que je lui offre un verre d'eau, il a déjà tout et il est tout et il n'y a que lui... ?

Si ce que dit Thérèse d'Avila est vrai et qu'effectivement, tout ce que nous offrons sert à construire notre propre demeure céleste,  divine... cela prend du sens. Si ça se trouve, cette insistance à donner au Divin, tout ce que l'on a, tout ce que l'on est, c'est au final, pour notre plus grand bien, sur un autre plan. C'est une façon de voir.

Il en est une autre où, aussi étrange que cela puisse nous paraître, le Divin non seulement peut se trouver dans ses actes insignifiants du quotidien, Mère a eut ses plus belles expériences dans son cabinet de toilette, mais il se pourrait que le Divin veuille être présent dans ces choses ordinaires...

Continuons avec deux derniers extraits de ce chapitre, qui aborde un aspect magnifique, sublime, les mots semblent bien dérisoires :

"Considérons maintenant ce que deviens ce ver mystique ; car c'est pour en arriver là que j'ai dit tout ce qui précède. Lorsqu'il est élevé à cette oraison d'union, il est bien mort au monde et il se transforme en petit papillon blanc.

O puissance de Dieu ! qui pourra exprimer l'état de l'âme après cette union dans laquelle elle a été abîmée dans la grandeur de Dieu et si étroitement unie à lui pendant quelques instants ? Je dis : quelques instants, car ce temps, à mon avis, n'arrive jamais à une demi-heure.

Je vous le dis en toute vérité, cette âme ne se reconnaît plus. Il y a la même différence entre son état passé et son état actuel qu'entre ce ver à soie difforme et le petit papillon blanc. 

Elle ne sait comment elle a pu mériter un bien d'un si haut prix, je veux dire, elle sait très bien d'où il a pu lui venir ; ce qu'elle sait très bien, c'est qu'elle ne l'a point mérité."

Ensuite, pendant quelques pages, Thérèse d'Avila décrit de nombreux effets de cette union de l'âme avec Dieu. Et puis, elle fait une différence entre l'union de l'âme avec Dieu que nous pouvons obtenir par nos efforts, dans des longues médiations, et encore, avec l'aide de Dieu, mais qui "n'arrive pas jusqu'au fond des entrailles". 

Et puis il y a une union, en quelque sorte voulue et décidée par Dieu et qui "semble hacher l'âme et la moudre, sans qu'elle le recherche, et même parfois sans qu'elle le désire."

Etonnement, cette union manifestement délectable engendre aussi certaines souffrances. Ce n'est pas très facile à comprendre et ne peux que retranscrire ce paragraphe.

"Mais quelle est donc cette souffrance ? d'où vient-elle ? Je vais vous le dire. N'avez-vous pas entendu ce que j'ai dit déjà plus haut de l'Epouse des Cantiques en parlant d'un autre sujet ? Dieu l'a placée dans le cellier du vin et il a réglé en elle la charité. Voilà l'explication des souffrances de l'âme.

 Elle a fait l'abandon complet d'elle-même entre les mains de Dieu, et l'amour qu'elle lui porte la rend tellement soumise qu'elle ne sait et ne veut rien, si ce n'est qu'il dispose d'elle a son gré.

Une telle faveur, à mon avis, il ne l'accordera jamais qu'à l'âme qu'il regarde déjà comme sienne. 

Il veut que, sans qu'elle sache comment, elle sorte de l'oraison d'union marquée de son sceau ; car, en vérité, l'âme en cet état est absolument comme une cire sur laquelle on imprime le sceau ; ce n'est pas la cire qui se l'imprime elle-même ; elle est seulement disposée à le recevoir ; elle est molle, et encore ce n'est pas elle qui s'amollit de la sorte : elle est dans le repos et reçoit l'impression sans résistance. 

O bonté de Dieu ! Tout doit se faire à vos frais ! Vous ne demandez qu'une chose, c'est-à-dire que notre volonté consente et que notre âme, représentée par la cire, ne vous oppose pas le plus petit obstacle.

Voyez maintenant, ce que notre Dieu accomplit alors pour cette âme afin qu'elle se reconnaisse comme étant sa propriété"... "

Cela rappelle ce vers de Savitri l'amour, sublime esclave de dieu...

Nous verrons quelques extraits des chapitres 3 et 4 dans l'article suivant, ce qu'il y a là est déjà suffisamment intense et remuant, comme si cette idée, ce n'est apparemment qu'une idée, du don absolu de soi de l'âme, venait réveiller un vieux désir oublié, endormi dans sa cachette. 

L'un des grands mérites de ce livre est de nous faire approcher des secrets les plus intimes entre l'âme et Dieu. 

«Il faut pouvoir se tenir dans la lumière de la Conscience Suprême sans faire d'ombre.» (Agenda du 16 avril 1969)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article