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Publié par pascalemmanuel

L'Agenda du 20 novembre 1958 évoque les difficultés karmiques de Satprem dans lequel Mère dit des choses qui peuvent tous nous concerner. Mère commence par évoquer son  nœud de révolte qui semble résister à tout, qui reste noué, n’est-ce pas, en dépit des expériences, des progrès faits, des ouvertures. Ce qui m’a fait voir surtout, c’est le fait que ça résiste aux expériences, que ce n’est pas touché par les expériences...

Un peu plus loin, Mère a la vision de l'origine karmique de ce nœud, qui représente les deux choses à la fois : l’origine du pouvoir de réalisation dans cette vie, et l’obstacle qu’il faut vaincre. 

 

Et... malheureusement ça n’a pas duré parce que j’ai été dérangée. Mais ça contenait la clef.

 

À la fois j’étais très contente de la vision, en ce sens qu’il y avait une grande puissance, mais c’était un peu... terrible. Mais c’était magnifique. Quand j’ai vu ça, j’ai... C’était une vision qu’on me donnait parce que je m’étais concentrée dans la volonté de trouver la solution, mais une solution vraie, une solution durable et définitive – c’est-à-dire, n’est-ce pas, que j’ai eu cette gratitude spontanée qui va à la Grâce quand elle apporte une aide efficace. Seulement la suite, j’ai été dérangée: quelqu’un est venu m’appeler et ça a coupé, mais ça reviendra.

 

Mais je SAIS maintenant – je ne savais pas. L’autre matin j’ai vu, et cela m’a été dit d’une façon très claire, que c’était un karma à épuiser (...).

 

Et j’ai vu qu’avec le Pouvoir nouveau, le pouvoir supramental... Ça c’est une chose tout à fait nouvelle... Il était entendu que rien n’avait le pouvoir de supprimer les conséquences d’un karma, que c’était seulement en l’épuisant par une série d’actions que ses conséquences pouvaient être transformées... épuisées, supprimées. Mais je sais qu’avec le pouvoir supramental ça peut se faire sans suivre tous les degrés du processus.

 

En tout cas, un point est établi : c’est quelque chose qui s’est passé dans l’Inde et que l’origine du karma et le remède du karma sont ensemble. (...)

 

Alors la difficulté et la victoire sont ensemble; ça, c’est très intéressant.

 

Des nœuds de révolte, des choses nouées dans notre personnalité, sur le plan mental, émotionnel, énergétique, des mémoires non digérées, des événements karmiques non résolus, nous en avons tous.  Il est intéressant de rappeler la possibilité de faire appel à la Grâce, sans doute plus facile à recevoir que le Pouvoir supramental. Il serait intéressant de savoir si le problème et la solution sont toujours ensembles ou s'il ne s'agit ici d'un cas particulier. La suite apporte des indications pratiques.  

 

 

La chose nécessaire – la chose nécessaire, c’est simplement l’endurance, la capacité de tenir bon, c’est-à-dire pas bouger au-dedans. Pas céder à... ne pas céder quand tu sens en toi: «Je ne peux pas le supporter.»

 

Et il me semble que c’est relativement plus facile que quand on est tout seul à faire face à la chose.

 

Si tu peux, même au moment de l’attaque, si tu peux t’accrocher à quelque chose qui sait, ou quelque chose en toi qui a eu l’expérience, si en dépit de tout ce qui nie et se révolte tu peux garder le souvenir de ça, ne serait-ce que le souvenir, et s’accrocher à ça... surtout ne pas... Tenir la tête aussi tranquille que possible. Ne pas suivre le mouvement, ne pas suivre la vibration.

 

A cause de tout cela – ce que j’ai vu et ce qui m’a été dit et tout ça – , je suis sûre que c’est décisif, c’est-à-dire que c’est la possibilité qui t’est présentée d’une victoire décisive, en ce sens que ça ne se reproduira plus de la même façon. Voilà.

 

Il y a un tel abîme entre ce que l’on est vraiment et ce que nous sommes, que c’est quelquefois comme un vertige. Pas se laisser aller au vertige. Ne pas bouger. Rester comme une pierre, jusqu’à ce que ça passe.

L'agenda suivant du 22 novembre 1958 allait lui aussi être consacré aux difficultés du disciple et Mère donnera d'autres indications.

Mais l’âme, si elle a eu seulement un appel, un contact avec la Grâce, cela fait que dans la vie suivante, une fois, on se trouve dans les conditions où tout peut être balayé d’un coup. Et en ce moment-ci, sur la terre, j’ai eu, j’ai rencontré tu ne peux pas t’imaginer le nombre de gens, c’est-à-dire le nombre d’âmes, qui avaient tendu vers cette possibilité, d’une façon si intense – et ils se sont tous trouvés sur mon chemin.

 

Et là, quelquefois il faut un grand courage, quelquefois il faut une grande endurance, quelquefois il suffit d’un... d’un amour véritable, quelquefois, oh ! s’il y a la foi, une chose, une petite chose suffit, et... tout peut être balayé. Je l’ai fait souvent ; il y a des fois où j’ai échoué. Mais le plus souvent j’ai pu l’enlever. Mais alors, ce qu’il faut, c’est ça : un grand courage stoïque, ou une capacité d’endurer et de durer. La résistance (surtout dans les cas de suicide antérieur) la résistance à la tentation de recommencer cette ineptie: ça fait une formation terrible. Ou cette habitude qui se traduit par une fuite quand la souffrance vient : fuir, fuir, au lieu... d’absorber la difficulté, de tenir le coup.

 

Mais juste ça : la foi en la Grâce, ou la perception de la Grâce, ou l’intensité de l’appel, ou alors naturellement la réponse – la réponse, la chose qui s’ouvre, qui se brise, la réponse à cet amour merveilleux de la Grâce.

 

C’est difficile sans une forte volonté, et surtout, surtout la capacité de résister à la tentation qui a été la tentation funeste à travers toutes les vies – parce que son pouvoir s’accumule. Chaque défaite lui redonne de la force. Une toute petite victoire peut la dissoudre. 

 

Oh! le plus terrible de tout, c’est quand on n’a pas la force, le courage, quelque chose d’indomptable. Combien de. fois ils viennent dire : «Je veux mourir, je veux m’enfuir, je veux mourir» – Je dis : «Mais mourez donc à vous-même ! On ne vous demande pas de laisser survivre votre ego ! Mourez à vous-même puisque vous voulez mourir ! Ayez ce courage-là, le vrai courage, de mourir à votre égoïsme.»

 

Mais parce que c’est un karma, il faut, il faut faire quelque chose soi-même. Le karma, c’est la construction de l’ego ; il faut que l’ego fasse quelque chose, on ne peut pas tout faire pour lui. C’est ça, c’est ça la chose : le karma est le résultat des actions de l’ego, et c’est quand l’ego abdique que le karma se dissout. On peut l’aider, on peut le secourir, on peut lui donner la force, on peut lui passer le courage, mais il faut qu’il l’utilise.
 

Mais quand les difficultés sont revenues ici, alors, à cause de leur obstination, de leur apparence de Fatalité inéluctable, j’en ai tiré la conclusion que c’était un karma – là je l’ai su de façon certaine seulement maintenant.

 

Mais toujours, j’avais la prescience de la vraie chose : c’est que c’est seulement un acte de don de soi très courageux qui peut effacer la chose – non pas courageux ou difficile au point de vue matériel, ce n’est pas cela... Il y a en toi une certaine zone du vital, un vital mentalisé encore très matériel, et qui subit beaucoup l’influence des circonstances, qui croit beaucoup à l’efficacité des mesures extérieures – c’est cela qui résiste.

 

(…)

 

c’est justement sur le point le plus pénible, là où on a les suggestions les plus fortes, c’est là qu’il faut tenir le coup. Autrement, c’est toujours à recommencer, toujours à recommencer. Il y a un jour, un moment, où il faut que ce soit fait. Et alors vraiment, maintenant, il y a sur la terre une occasion qui ne se présente que dans des millénaires, une aide consciente, avec le Pouvoir nécessaire...

 

Malgré l'amour de Mère et l'aide constante de son gourou tantrique et les initiations, Satprem allait en cette année 1959 traverser des épreuves terribles pour dissoudre ce karma. Les lettres entre Mère et Satprem sont un témoignage poignant de sa lutte et il est assez bouleversant de  voir comment Mère effacera une à une toutes ses révoltes, toutes ses détresses et lui témoignera toujours un soutien et un amour indéfectibles. 

Et puis, l'agenda du 19 mai 1959 a ceci d'intéressant qu'il donne un aperçu général de la spécificité du travail entrepris par Mère et donne des indications importantes sur le mantra. 

Quand on est sur le chemin qui monte, le travail est relativement facile. J’avais déjà parcouru ce chemin au début du siècle et établi une relation constante avec le Suprême, avec Ça qui est au-delà du Personnel et des dieux et de toutes les expressions extérieures du Divin, mais aussi au-delà de l’Impersonnel Absolu. C’est quelque chose dont on ne peut pas parler : il faut en avoir l’expérience. Et c’est ça qu’il faut faire descendre dans la Matière. C’est le chemin qui descend, celui que j’ai commencé avec Sri Aurobindo; et là le travail est immense.

 

Jusqu’au mental et au vital, on peut encore arriver à faire descendre (et pourtant déjà au mental, Sri Aurobindo disait qu’il y faudrait des milliers de vies, à moins de pratiquer un parfait "surrender" (1).  Avec Sri Aurobindo, nous sommes descendus au-dessous de la Matière, jusque dans le Subconscient et même dans l’Inconscient.

 

Mais après la descente, vient la transformation, et quand on en arrive au corps, quand on veut le faire avancer d’un pas – oh ! pas même un pas : un petit pas – , tout s’accroche : c’est comme si on mettait le pied sur une fourmilière...

 

Et pourtant la présence, l’aide de la Mère suprême est là constamment; alors on se rend compte que pour les hommes ordinaires, pareil travail est impossible, ou qu’il y faudrait des millions de vies, et qu’à vrai dire, à moins qu’on ne fasse le travail pour eux et la sâdhanâ du corps pour toute la conscience terrestre, ils ne parviendront jamais à la transformation physique, ou à une échéance si lointaine qu’il vaut mieux ne pas en parler. Mais s’ils s’ouvrent, s’ils s’abandonnent dans un «surrender» intégral, on peut faire le travail pour eux: ils n’ont qu’à laisser faire.

 

Le chemin est difficile. Et pourtant ce corps est plein de bonne volonté ; il est plein de psychique dans chacune de ses cellules ; il est comme un enfant. L’autre jour, tout spontanément il s’est écrié : «O mon Doux Seigneur, donne-moi le temps de Te réaliser !» Il ne demandait pas que cela aille plus vite, il ne demandait pas à être allégé de son travail : il demandait seulement le temps de faire le travail. «Donne-moi le temps!»

 

Et ce travail du corps, j’aurais pu le commencer il y a trente ans, mais j’étais prise tout le temps par cette vie harassante de l’Ashram. Il a fallu cette maladie (2) pour que je puisse vraiment me mettre à la sâdhanâ du corps. On ne peut pas dire que j’aie perdu trente années, car il est probable qu’il y a trente ans, si je l’avais pu, ce travail aurait été prématuré. Il fallait que la conscience des autres aussi se développe – les deux progrès sont liés, le progrès individuel et le progrès collectif, on ne peut pas avancer si l’autre n’avance pas.

 

Et je me suis rendue compte que pour cette sâdhanâ du corps, le mantra est essentiel. Sri Aurobindo n’en donnait pas; il disait que l’on devait pouvoir faire tout le travail sans avoir besoin de recourir à des moyens extérieurs. S’il en était arrivé là où nous en sommes maintenant, il aurait vu que la méthode purement psychologique est insuffisante, et qu’il faut faire un japa (3) parce que seul le japa a une action directe sur le corps. Alors j’ai dû trouver toute seule la méthode, trouver seule mon mantra. Mais maintenant que les choses sont au point, j’ai fait en quelques mois dix ans de travail. C’est cela la difficulté, il faut le temps, le temps...

 

Et mon mantra, je le répète constamment, quand je suis éveillée et même quand je dors. Je le dis quand je fais ma toilette, quand je mange, quand je travaille, quand je parle aux autres; c’est là, par-derrière, à l’arrière-plan, tout le temps, tout le temps.

 

D’ailleurs, on voit tout de suite la différence entre ceux qui ont un mantra et ceux qui n’en ont pas. Chez ceux qui n’ont pas de mantra, même s’ils ont une grande habitude de la méditation ou de la concentration, cela reste comme flou autour d’eux, quelque chose de vague. Tandis que le japa donne à ceux qui le pratiquent une sorte de précision, de solidité : une armature. Ils sont comme galvanisés.
 

(1) Surrender : abdication, soumission.

(2) Fin 1958, quand Mère a mis fin aux Entretiens du Terrain de Jeu et n’est plus sortie qu’exceptionnellement de l’Ashram.

(3)  Japa : répétition systématique et plus ou moins continue d’un mantra.

Karma et Mantra

Allongé sur le dos en relaxatation profonde, étude des effets du mantra de Mère...

Om namo bhagavaté, on namo bhagavaté... 

Trouver comment l'intégrer  à la substance corporelle et en même temps offrir tout l'être à l'Un...

Répéter comme une mule... s'efforcer de réveiller l'aspiration dans la conscience des cellules, car dans les Carnets d'un Apocalypse de 1982, il semblerait que ce soit cette aspiration au fond du corps qui ai lancé le processus de descente...

Satprem nous dit aussi que cette aspiration dans les cellules, est comme une respiration, qu'elle a un rythme particulier... 

Poser les mains sur le corps, et longtemps, longtemps, insistre pour que la vibration du mantra s'enclenche dans toutes les couches, sous les mains...

Dans un Agenda, Mère explique qu'elle utilise le mantra de façon différente selon les circonstances. Pour le moment, je l'utilise pour mettre en relation. Allongé en mode relaxation profonde, les nœuds intérieurs évoqués au début de cet article se perçoivent comme le nez au milieu de la figure, j'utilise le mantra sur ce nœud jusqu'à que cela se détende, jusqu'à que cela s'ouvre, jusqu'à que cela accepte et fasse un avec le mantra...

Des prières spontanées peuvent jaillir du cœur. La personnalité humaine est si profonde, si complexe, que les nœuds, nous ne savons qu'en faire, nous ne savons comment les résoudre. Offrande du fond du cœur, de ces nœuds à la Mère divine, pour qu'Elle vienne dedans, faire le nécessaire... 

Auparavant, j'avais noté qu'à certaines périodes, cela devenait plus difficile de suivre l'actualité et néanmoins, j'allais de temps en temps une dizaine de minutes sur tweeter faire un tour d'horizon. Une étape semble être franchie en ce domaine, à peine une minute et cela devient impossible. Je me suis demandé quels mots mettre sur cette sensation et il m'est revenu une réplique de Boromir au Conseil d'Elrond dans Le Seigneur des Anneaux. 

L'actualité me fait penser au Mordor, l'air qu'on y respire n'est que vapeur empoisonnée...

Absorbé plus souvent et plus longtemps dans la vibration du mantra, il est possible que les vibrations du monde nous apparaissent ainsi, polluées, que la sensibilité de la conscience corporelle s'accroisse, que le corps devienne plus sensible, sensation d'une effluve qui sort du corps et se répand, deux prémonitions du corps...

Les Carnets d'une Apocalypse de Satprem aident beaucoup, ce sont ses travaux pratiques. 

 

11 décembre 1982

Tout à coup, le corps a vraiment compris qu'il ne s'agissait pas du tout de se concentrer mais de se répandre – il se découvre, étonné, comme une fleur.

 

24 décembre 1982

Satprem cite Mère : « Deviens conscient de tes cellules et tu verras qu'il y a des résultats terrestres ». Et puis ajoute (…) Je pilonne le corps à coup de mantra, ça finira bien par s'éveiller.

 

27 décembre 1982

J'étais en train de faire comme d'habitude : pilonner ce corps et laisser passer la Force à travers tout ce réseau d'alvéoles, cellules et nerfs, quand, tout d'un coup, « on » m'a fait comprendre quelque chose – « comprendre », c'est-à-dire faire. On m'a fait étendre cette conscience matérielle dans l'infini de Sri Aurobindo...

 

J'avais la perception d'un Sri Aurobindo immense, comme les bras étendus dans cet infini et fait de cette substance infinie, et je ne m'occupais plus du tout de ce corps, laissé à l'abandon comme un grain de poussière dans cet espace infini. « Je » m'étendais, ou ça s'étendait là-dedans aussi matériellement que possible – et pourtant je sentais des choses passer dans le corps sans que je veuille y regarder. La seule préoccupation était de me fondre dans les bras de ce Sri Aurobindo infini.

 

Je ne sais pas, mais j'ai l'impression d'avoir touché une clef et qu'on m'a mis dans le vrai mouvement. Ne pas du tout s'occuper du corps, mais se répandre dans l'infini aussi matériellement que possible.

 

Ce mouvement de se répandre dans l'Infini, il est possible que nous y avons déjà pensé, sans comprendre que c'était une clef, et sans y inclure Sri Aurobindo. Intéressant ! Dans cette année 1982, Satprem parlera aussi à plusieurs reprises de l'immobilité, ça a l'air important, beaucoup d'expériences arrivent à partir de cette immobilité.

 

Il parle aussi de ces expériences où les cellules boivent le nectar Divin, une nourriture, et aussi d'une vision de Mère de Sri Aurobindo tenant un un bol translucide capable d'attirer à lui toutes les énergies environnantes, une nouvelle matière, translucide, un nouveau corps, translucide. L'année 1983 débute avec ce titre : L'année charnière, ça va tourner... 

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