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Publié par pascalemmanuel

L'être psychique, l'âme, la Présence divine dans le cœur de l'homme, à en croire les hymnes védiques, sont très liés à Agni et au feu. Parfois, une simple expression ouvre une porte dans la conscience et amène une expérience, aussi, il est peut-être utile de s'imprégner de ces expressions védiques rapportées par Satprem dans son Secret du Véda.

Je ne sais pas, cela dépend des tempéraments, ces antiques images védiques et poétiques ont peut-être plus de pouvoir que toutes nos explications contemporaines, fussent-elles scientifiques et quantiques. Les mots de ces expressions, à vrai dire, me semblent remplis d'une force très vivante, bien loin de toutes nos idées de bondieuseries.

Ce texte de Satprem me semble très dense, je me suis simplement permis d'aérer la présentation afin d'en faciliter la lecture et la digestion.

Hibiscus rosa-sinensis – Hibiscus de Chine – Fleur double, moyenne, rose saumon clair, finement veinée de rouge avec un centre rouge intense.

AGNI

La flamme de purification qui doit précéder tout contact avec les mondes invisibles.

Premier commentaire : Agni est la flamme de purification et de transformation dans l'être psychique.

(À noter qu'à l'Hibiscus rosa-sinensis – Hibiscus de Chine, correspond un très grand nombre d'autres fleurs.)

Agni est, tout à la fois, un feu d'aspiration, un feu de purification, un feu de Tapasyâ, un feu de transformation. Sri Aurobindo – Lettres sur le Yoga

Sans Agni, la flamme sacrificielle ne peut brûler sur l'autel de l'âme. Cette flamme d'Agni est le pouvoir aux sept langues de la Volonté, une Force de Dieu mue par la Connaissance. Cette volonté consciente et puissante est l'hôte immortel de notre état mortel, un prêtre pur et un ouvrier divin, l'intermédiaire entre la terre et le ciel. Elle apporte aux Puissances supérieures ce que nous leur offrons et rapporte en retour leur force et leur lumière et leur joie à notre nature humaine. Sri Aurobindo – Hymns to the mystic Fire

*

Le Secret du Véda Satprem

(Extrait du passage de «Sri Aurobindo et la Transformation du Monde» que nous avons lu à Mère. Ce manuscrit, jamais publié, est la première ébauche de «L’Aventure de la Conscience»)

Nous avons choisi, semble-t-il, depuis Adam, de manger le fruit de l’arbre de la Connaissance, mais, sur cette voie, il n’est pas de demi-mesures ni de repentirs, car si nous restons prostrés, le nez dans la poussière, sous l’effet d’une fausse humilité, les titans ou les djinns qui sont parmi nous, sauront fort bien s’emparer du Pouvoir dont nous n’avons pas voulu, et d’ailleurs c’est ce qu’ils font, et ils écraseront le dieu qui est en nous.

Il s’agit de savoir si, oui ou non, nous voulons laisser cette terre entre les mains de l’Ombre pour nous évader, une fois de plus, dans nos divers paradis, ou si nous voulons prendre le Pouvoir – et d’abord le trouver – pour refaire cette terre à une image plus divine et, selon la parole des Rishis, «que la terre et le ciel soient égaux et un seul.»

Il y a un Secret, c’est évident. Toutes les traditions en témoignent, qu’il s’agisse des Rishis ou des Mages de l’Iran, des prêtres de Chaldée ou de Memphis ou du Yucatan...

Lorsqu’il lut pour la première fois les Védas dans la traduction des sanscritistes d’Occident ou dans celle des pandits indiens, Sri Aurobindo n’y avait vu qu’un document de quelque intérêt pour l’histoire de l’Inde, mais qui semblait de peu de valeur ou de peu d’importance pour l’histoire de la pensée ou pour une expérience spirituelle vivante. (*)

Quinze ans plus tard, Sri Aurobindo relisait les Védas dans l’original et y trouvait une veine continue de l’or le plus riche tant par la pensée que par l’expérience spirituelle. (*)

Entre-temps, Sri Aurobindo avait eu une série d’expériences intérieures particulières que n’expliquaient guère la psychologie européenne ni les écoles de yoga ni les enseignements du Védanta, mais que les mantras védiques éclairaient d’une lumière exacte. (*)

C’est donc parce qu’il avait eu ces expériences «particulières» que Sri Aurobindo fut à même de découvrir, de l’intérieur, le sens vrai du Véda (et notamment du plus ancien des quatre Védas, le Rig-Véda, qu’il a particulièrement étudié). Le Véda ne lui apportait qu’une confirmation de ce qu’il avait reçu directement. Mais les Rishis ne disaient-ils pas eux-mêmes : «Paroles secrètes, sagesses de voyant, qui révèlent leur sens intérieur au voyant.» (Rig-Véda IV.3.16)

Il n’est donc pas surprenant que les exégètes y aient vu surtout une collection de rites propitiatoires centrés autour du sacrifice du feu et des incantations obscures à des divinités de la Nature : les eaux, le feu, l’aurore, la lune, le soleil, etc., afin d’obtenir la pluie et de bonnes récoltes pour les tribus, une progéniture mâle et des bénédictions pour leurs voyages, ou la protection contre les voleurs de soleil – comme si ces bergers étaient assez barbares pour craindre qu’un mauvais jour leur soleil ne se levât plus, volé pour de bon.

Seuls quelques hymnes «plus modernes» laissaient filtrer çà et là, comme par inadvertance, quelques passages lumineux qui pouvaient, à la rigueur, justifier le respect que les Oupanishads, venues au début de la période historique, accordaient au Véda.

Pour la tradition indienne, les Oupanishads étaient devenues le vrai Véda, le «livre de la Connaissance», tandis que le Véda, produit d’une humanité balbutiante, était un «livre des œuvres» dont tout le monde se réclamait, certes, comme de l’Autorité vénérable, mais que personne n’entendait plus.

On peut se demander avec Sri Aurobindo pourquoi les Oupanishads, dont le monde entier atteste la profondeur, se réclamaient du Véda s’il n’y avait là qu’un tissu de rites primitifs, ou comment il se fait que l’humanité ait abruptement passé de ces soi-disant balbutiements à la richesse intense de l’époque oupanishadique, ou comment, en Occident, nous avons pu passer des bergers d’Arcadie à la sagesse des penseurs grecs ?

Nous ne pouvons pas penser qu’il n’y eût rien entre le sauvage primitif et Platon ou les Oupanishads. (*)

(*) Le Secret du Véda - Sri Aurobindo

Caesalpinia pulcherrima – Feu – Ne craint aucun obstacle.

Ce n’est pas en vain que le feu, Agni, était au centre des Mystères védiques :

Agni, la flamme intérieure, l’âme en nous (et qui ne sait que l’âme est du feu), l’aspiration innée qui tire l’homme vers les hauteurs ;

Agni, la volonté ardente de cela qui voit en nous, depuis toujours, et qui se souvient ;

Agni, «le prêtre du sacrifice», «l’ouvrier divin», «le médiateur entre la terre et le ciel» (Rig-Véda III.3.2),

«il est là, au milieu de la demeure.» (1.70.2)

«Les Pères qui ont la vision divine l’ont mis au-dedans comme un enfant à naître.»(IX.83.3)

Il est «l’enfant caché dans la caverne secrète.» (V.2.I)

«Il est comme la vie et comme le souffle de notre existence, il est comme notre enfant éternel.» (L.66.I)

«Ô fils du corps (III.4.2), (Voilà une bien curieuse expression, qu'est-ce que cela veut dire ? ? ?)

ô Feu, fils du ciel par le corps de la terre.» (III.25.I)

«Immortel dans les mortels (IV.2.I), vieux et usé, il devient jeune encore et encore.» (II.4.5)

«Quand il naît, il devient la voix de la divinité ; quand il a été façonné dans la mère, comme la vie qui pousse dans la mère, il devient un galop de vent dans son mouvement.» (III.29.II)

«Ô Feu, quand tu es bien porté par nous, tu deviens la suprême croissance, la suprême expansion de notre être ; toute gloire et toute beauté sont dans ta couleur désirable, dans ta vision parfaite. Ô Étendue, tu es la plénitude qui nous porte au bout du chemin, tu es une multitude de richesses répandues de tous côtés.» (III.I.12)

«Ô Feu... qui vois avec une vision divine, vivant océan de lumière (LP 103),

ô Flamme aux cent trésors... ô Connaisseur de toutes choses nées.» (1.59)

Mais nous n’avons pas le seul privilège du feu divin ; Agni n’est pas seulement dans l’homme : «Il est le fils des eaux, le fils des forêts, le fils des choses qui ne bougent pas et le fils des choses qui se meuvent. Même dans la pierre il est là.» (V.I.70)

Mais nous ne sommes pas encore au cœur du secret védique. La naissance d’Agni, l’âme (tant d’hommes ne sont pas nés) est seulement le début du voyage.

Cette flamme intérieure, elle cherche, elle est le chercheur en nous, parce qu’elle est une étincelle du grand premier Feu et qu’elle ne sera satisfaite qu’elle n’ait retrouvé sa totalité solaire, «le soleil perdu» dont parle sans cesse le Véda.

Mais quand nous nous serons élevés de plans en plans et que la Flamme sera née successivement dans le triple monde de notre existence inférieure, physique, vitale, mentale, elle ne sera pas satisfaite encore, elle veut monter, monter, et nous arrivons bientôt à une frontière mentale où il semble qu’il n’y ait plus rien à étreindre, plus rien à voir même, et qu’il faille tout abolir pour sauter dans l’extase d’une grande Lumière.

On sent, alors, tout autour, presque douloureusement, cette carapace de matière qui nous emprisonne et qui empêche l’apothéose de la Flamme ; on comprend, alors, le cri de celui qui disait : «Mon royaume n’est pas de ce monde», et les sages védantins en Inde, et peut-être même les sages de tous les mondes et de toutes les religions qui n’ont cessé de dire : il faut quitter ce corps pour embrasser l’Éternel.

Notre flamme sera-t-elle donc toujours tronquée ici-bas, notre quête toujours déçue ? Faudra-t-il toujours choisir l’un ou l’autre et renoncer à la terre pour le ciel ?

Mais par-delà le triple monde inférieur, les Rishis avaient découvert «un certain quatrième», tourïyam svid ; ils avaient trouvé «la vaste demeure», «le monde solaire», Swar : «Je me suis élevé de la terre au monde du milieu [la vie], je me suis élevé du monde du milieu jusqu’au ciel [le mental] ; du firmament céleste je suis allé au monde solaire, à la Lumière» (Yajour-Véda 17.67)

et il est dit : «Mortels, ils accomplirent l’immortalité.» (Rig-Véda 1.110.4)

Quel est-il donc leur secret ?  Comment sont-ils passés du «ciel mental» au «grand ciel» sans quitter ce corps, sans s’extasier si l’on peut dire ?

Le secret est dans la matière. Parce que c’est dans la matière qu’est enfermé Agni et que nous sommes enfermés. Il est dit qu’Agni est «sans tête et sans pieds», qu’il «cache ses deux extrémités» : en haut, il disparaît dans le «grand ciel» du supraconscient (que les Rishis appelaient encore «le grand océan»), et en bas, il s’enfonce dans «l’océan sans forme» de l’inconscient (qu’ils appelaient aussi «le roc».

Nous sommes tronqués. Mais les Rishis étaient des hommes d’un solide réalisme (le vrai réalisme : celui qui s’appuie sur l’Esprit) et puisque les sommets du mental s’ouvraient sur une lacune de lumière, extatique certes, mais sans prise sur le monde, ils se mirent en route par le bas.

Alors commence la quête du «soleil perdu», le long «pèlerinage» de la descente dans l’inconscient et la lutte sans merci contre les forces obscures, «voleurs du soleil», panis et vritras, pythons et géants, cachés dans «l’enclos obscur» avec toute la cohorte des usurpateurs : ceux qui dualisent, ceux qui obstruent, ceux qui déchirent, ceux qui couvrent.

Mais «l’ouvrier divin», Agni, est aidé par les dieux et il est conduit dans sa quête par le «rayon intuitif», saramâ, le chien céleste au flair subtil, qui le met sur la piste des «troupeaux volés» (étranges troupeaux, qui «brillent»).

Et parfois une aurore fugitive éclate, puis tout s’efface ; il faut avancer pied à pied, «creuser, creuser», lutter contre «les loups» qui se déchaînent plus on approche du repaire – Agni est un guerrier. Agni grandit par ses difficultés, sa flamme devient de plus en plus étincelante sous les coups de l’Adversaire, mais les Rishis ne disaient-ils pas : «La Nuit et le Jour allaitent tous deux l’Enfant divin» ; ils disaient même que la Nuit et le Jour sont «deux sœurs immortelles ayant un même amant [le soleil]... communes, en vérité, bien que différentes par leur forme.» (1.113.2,3)

Les alternances de nuit et de clarté se précipitent, arrive le Jour enfin, et «les troupeaux de l’Aurore» (*) surgissent «éveillant quelqu’un qui était mort.» (1.113.8) »

(*) Rappelons Homère et les «troupeaux d’Hélios».

«Le roc infini» de l’inconscient est brisé, le chercheur dé-couvre «le soleil qui demeure dans l’obscurité» (III.39.5), la conscience divine au cœur de la Matière...

Tout au fond de la Matière, c’est-à-dire dans le corps, sur la terre, les Rishis s’étaient trouvés précipités dans la Lumière – cette même Lumière que d’autres cherchaient en haut, sans leur corps et sans la terre, dans l’extase – , c’est ce qu’ils appelèrent «le Grand Passage».

Sans quitter la terre, ils avaient trouvé «la vaste demeure» qui est «la propre demeure des dieux», Swar, le monde solaire originel que Sri Aurobindo appelle le monde supramental : «Êtres humains [les Rishis soulignent bien qu’ils sont des hommes], ayant mis à mort celui-qui-couvre, ils traversèrent la terre et le ciel [la matière et le mental] et firent du vaste-monde leur demeure.» (1.36.8)

Ils étaient entrés dans «le Vaste, le Vrai, l’Exact», Brihat, Satyam, Ritam, «la lumière qui n’est pas brisée», «la lumière qui est sans peur», car là il n’est plus de souffrance ni de fausseté ni de mort : c’est l’immortalité, amritam.

Tout est réconcilié. Le Rishi est «le fils des deux mères», il est le fils d’Aditi, la vache lumineuse, la Mère de l’infinie lumière, la créatrice des mondes, mais il est aussi le fils de Diti, la vache noire, la Mère de «l’infini ténébreux» et de l’existence divisée, car Diti, finalement, au bout de son apparente Nuit, nous donne le lait du ciel et la naissance divine.

Tout est accompli. Le Rishi «tient d’un même mouvement les forces humaines et les choses divines» (IX.70.3),

il a réalisé l’universel dans l’individuel, il est devenu l’Infini dans le fini : «Alors ton humanité deviendra comme l’œuvre des dieux, comme si le ciel de lumière était visiblement fondé en toi» (V.66.6)

et, loin d’écarter la terre, il prie : «Ô divinité, garde pour nous l’Infini et prodigue-nous le fini.» (IV.2.11)

Le voyage s’achève. Agni a retrouvé sa totalité solaire, ses deux extrémités cachées. «L’œuvre inviolable» est accomplie.

Car Agni est le lieu où le haut et le bas se rencontrent – et, en vérité, il n’est plus de haut, ni de bas ; il n’est plus qu’un seul Soleil partout : «Ô Flamme, Tu vas à l’océan du ciel vers les dieux ; Tu fais se rencontrer les divinités des plans, les eaux qui sont dans le royaume de lumière au-dessus du soleil, et les eaux qui demeurent en bas.» (III.22.3)

«Ô Feu, ô divinité universelle, Tu es le nœud ombilical de toutes les terres et de leurs habitants, Tu diriges tous les hommes nés et Tu les portes comme un pilier» (1.59),

«Ô Flamme, Tu fondes le mortel dans une suprême immortalité... Tu crées la félicité divine et la joie humaine.» (1.31.7)

Car la Joie est le cœur du monde, elle est au fond des choses, elle est «le puits de miel couvert par le roc.» (II.24.4)

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