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Publié par pascalemmanuel

Extraits du chapitre 8 de La vie divine

Quelques remarques d'introduction

Voilà un livre et des notions qui peuvent nous paraître bien compliquées.

Comprenons pour commencer qu'il s'agit d'établir une vie divine sur terre et Sri Aurobindo nous a assuré que c'était non seulement possible, mais inévitable, parce que tel est le but caché dans la Nature, dans l'évolution. Cependant, une réalisation d'une telle ampleur ne peut s'obtenir avec des idées simplistes ; depuis le temps qu'il y a des religions et des recherches spirituelles, si c'était facile, cela se saurait. Ainsi, nous ne pouvons faire l'impasse d'une certaine complexité et il ne nous sert à rien de fuir la difficulté.

À noter aussi, c'est un point très important, Sri Aurobindo ne nous donne pas un livre de recettes à prendre matin, midi et soir en pensant à autre chose, il nous explique les Principes des choses, les mécanismes des forces sous-jacentes, les leviers que nous pouvons utiliser pour notre propre purification, transformation, évolution. Ces choses sont nécessairement subtiles et ne peuvent se résumer en une formule simpliste.

Tout l'enjeu pour nous est peut-être de commencer à comprendre, un peu, certains de ces principes, et de les mettre en pratique, même si au-début, cela sera nécessairement de façon maladroite, comme un bébé qui ne tient pas encore très bien sur ses jambes. Il s'agit des Principes qui aident l'humanité à établir une vie divine sur terre, s'il nous faut 10 ans d'étude pour les comprendre, qu'est-ce que cela peut faire ?

Pour autant, nous ne sommes pas seul à nous débattre avec les faiblesses de notre nature et des aides peuvent venir, nous secourir, nous soutenir dans notre chemin évolutif. Nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes. De la sincérité de notre appel peut dépendre beaucoup plus que nous n'imaginons.

Matrix reste pour moi la trilogie dans laquelle il est de nombreuses vérités. Par exemple, à un moment donné, l'un des sages qui siège à l'organisation de la cité a cette parole étonnante : "la compréhension n'est pas nécessaire à la coopération."

Avant de commencer notre lecture, nous pouvons prendre quelques instants pour calmer notre agitation mentale, nous placer dans une attitude de réceptivité ouverte et invoquer l'aide de Sri Aurobindo pour qu'il nous donne sa Lumière et guide notre compréhension.

Et après notre lecture, même si nous n'avons intellectuellement rien compris, nous pouvons rester quelques instants en silence à observer ce qu'il se passe en nous. Tout à l'heure, il m'est venu que lire Sri Aurobindo était comme apprendre à nager : il faut se jeter à l'eau et se laisser barboter dans ses textes, s’immerger dans ses paroles et que nous en soyons conscients ou non, ces lectures enclenchent toutes sortes de phénomènes en nous.

Pourquoi se passe-t-il ceci, pourquoi se passe-t-il cela ? Longtemps j'ai cherché le sens de toutes ces observations intérieures et puis tout à l'heure, je me suis une nouvelle fois rappelé la parole de ce personnage de film. Il s'agit moins de comprendre la nature et le sens de ces phénomènes que de laisser le processus intérieur se dérouler.

Avec Sri Aurobindo, le plus grand piège, peut-être, n'est pas de ne pas le comprendre, mais de croire que nous le comprenons. 😀

Nous pouvons laisser infuser les mots, laisser agir... et le moment venu, une expérience arrive. Oh ! Nous n'avons pas tout compris, mais tout à coup, quelques-mots nous reviennent en mémoire, et remplis de lumière, ils illuminent la conscience et sur ce tout petit point-là au moins, ils deviennent clairs...

Chapitre 8 (page 77 à 88)

Ce Moi secret en tous les êtres n’est pas apparent, mais ceux qui ont la vision subtile le voient au moyen de la suprême raison, qui est subtile. Katha Upanishad. I. 3. 12.

*

Il nous faut maintenant déterminer comment ce Satchidânanda agit dans le monde, et par quel processus ses rapports avec l’ego qui le représente se forment, puis s’accomplissent, car de ces rapports et de leur processus dépendent toute la philosophie et la pratique d’une vie divine pour l’homme.

[...]

La raison humaine a une double action : mélangée ou subordonnée, pure ou souveraine.

La raison accepte une action mélangée lorsqu’elle se limite au cercle de notre expérience sensible, admet sa loi comme vérité ultime et ne s’occupe que de l’étude des phénomènes, c’est-à-dire de l’apparence des choses en leurs relations, leurs processus et leur utilité.

Cette action rationnelle est incapable de connaître ce qui est, elle ne connaît que l’apparence de l’être, elle ne possède point de sonde pour explorer les profondeurs de l’être et ne peut qu’étudier le champ du devenir.

La raison, en revanche, affirme la pureté de son action quand, acceptant nos expériences sensibles comme point de départ mais refusant les limites que celles-ci lui imposent, elle passe au travers, juge et œuvre en toute liberté, s’efforçant de parvenir à des concepts généraux et invariables qui s’attachent non point à l’apparence des choses, mais à ce qui se tient derrière les apparences.

Elle peut arriver à ses fins par un jugement direct, en passant immédiatement de l’apparence à ce qui se trouve derrière, et dans ce cas, le concept auquel elle parvient peut sembler résulter de l’expérience sensible et en dépendre, bien que ce soit en réalité une perception de la raison œuvrant selon sa propre loi.

Mais les perceptions de la raison pure — et c’est là leur action plus caractéristique — peuvent aussi prendre l’expérience initiale comme un simple prétexte, et la laisser loin derrière elles avant d’atteindre leur résultat, à tel point que ce dernier peut nous apparaître comme le contraire de ce que notre expérience sensible cherche à nous imposer.

Ce mouvement est légitime et indispensable, parce que notre expérience normale, non seulement ne couvre qu’une faible part de la réalité universelle, mais, dans les limites de son propre domaine, se sert d’instruments défectueux et nous donne des poids et mesures erronés.

Il nous faut dépasser cette expérience, l’écarter et souvent refuser ce qu’elle voudrait nous imposer, si nous voulons arriver à des conceptions plus adéquates de la vérité des choses.

Le pouvoir de corriger les erreurs du mental sensoriel en recourant à la raison est l’un des plus précieux que l’homme ait développés, et c’est en cela que réside avant tout sa supériorité parmi les êtres terrestres.

*

L’usage complet de la raison pure nous fait finalement passer de la connaissance physique à la connaissance métaphysique. Mais en eux-mêmes les concepts de la connaissance métaphysique ne satisfont pas pleinement aux exigences de notre être intégral. Sans doute sont-ils entièrement satisfaisants pour la raison pure elle-même, car ils sont justement le matériau de sa propre existence.

Mais notre nature voit toujours les choses sous un double regard : en tant qu’idées et en tant que faits ; chaque concept est par conséquent incomplet pour nous et presque irréel pour une partie de notre nature tant qu’il n’est pas devenu une expérience.

Mais les vérités dont il s’agit ici sont d’un ordre qui échappe à notre expérience normale. Par nature, elles sont « au-delà de la perception des sens mais peuvent être perçues par la raison ».

Une autre faculté d’expérience est donc nécessaire, qui puisse satisfaire aux exigences de notre nature et, puisque nous touchons ici au supraphysique, nous ne pourrons l’obtenir que par un prolongement de l’expérience psychologique.

*

Dans les paragraphes suivants Sri Aurobindo explique que nous pouvons développer les capacités du mental sensoriel avant d'en venir à dire que :

Le mental pourrait — et cela lui deviendrait naturel si l’on pouvait le persuader de s’affranchir de la domination de la matière, de n’y plus consentir — prendre connaissance des objets des sens directement, sans l’aide des organes sensoriels. C’est ce qui se produit dans les expériences d’hypnose et les phénomènes psychologiques du même ordre.

Notre conscience de veille étant déterminée et limitée par l’équilibre que la vie, en évoluant, élabore entre le mental et la matière, cette connaissance directe est d’habitude impossible dans notre état de veille ordinaire ; il faut donc la susciter en précipitant le mental de veille dans un état de sommeil qui libère le mental vrai ou subliminal.

Le mental peut alors affirmer son véritable caractère, à savoir qu’il est le seul sens autonome, libre d’appliquer aux objets des sens son action pure et souveraine, au lieu d’une action mélangée et subordonnée.

Et l’extension de cette faculté n’est pas réellement impossible, elle est seulement plus difficile dans notre état de veille — comme le savent tous ceux qui ont pu aller assez loin sur certains chemins de l’expérience psychologique.

Nous sommes déjà là, très au-delà du fonctionnement ordinaire, et pourtant, il n'est question que de libérer notre raison de l’assujettissement aux sens. Avec Sri Aurobindo, nous ne nous arrêtons jamais très longtemps aux étapes intermédiaires et il s'agit toujours d'aller toucher plus loin, plus haut, plus profond, jusqu'à la racine même des choses, là où, nous trouvons... ce qui peut changer.

Et quelques paragraphes plus loin, il nous dit qu'en définitive, rien de cela...

...ne conduit au but que nous nous proposons : l’expérience psychologique de ces vérités qui sont « au-delà de la perception des sens, mais peuvent être perçues par la raison », buddhigrâhyam atîndriyam1.

1. Gîtâ. VI. 21.

Ils ne font que nous donner un plus vaste champ de phénomènes et des moyens plus efficaces pour observer ceux-ci. La vérité des choses nous échappe toujours et dépasse les sens.

Néanmoins, conformément à une règle saine inhérente à la constitution même de l’existence universelle, s’il y a des vérités accessibles à la raison, il doit y avoir aussi, quelque part dans l’organisme qui possède cette raison, un moyen de les atteindre ou de les vérifier par l’expérience.

Le seul moyen mental qui nous reste, est un prolongement de cette forme de connaissance par identité qui nous rend conscients de notre propre existence.

C’est en réalité sur une perception de nous-mêmes plus ou moins consciente, plus ou moins présente à notre entendement, qu’est fondée la connaissance du contenu de notre moi.

Ou, pour le formuler d’une façon plus générale, la connaissance du contenant contient la connaissance du contenu.

Dès lors, si nous pouvons étendre notre prise de conscience mentale de nous-mêmes à une prise de conscience du Moi qui est au-delà et hors de nous, l’Âtman ou le Brahman des Upanishad, nous pourrons, dans notre expérience, entrer en possession des vérités qui forment le contenu de l’Âtman ou du Brahman dans l’univers.

C’est sur cette possibilité que s’est fondé le Védânta indien. Par la connaissance du Moi, il a cherché la connaissance de l’univers.

*

Mais il a toujours considéré l’expérience mentale et les concepts de la raison, même à leur plus haut degré, comme des reflets dans des identifications mentales, et non comme la suprême identité existant en soi. Il nous faut dépasser le mental et la raison.

La raison active dans notre conscience de veille n’est qu’un intermédiaire entre le Tout subconscient d’où part notre évolution ascendante et le Tout supraconscient vers lequel elle nous porte.

Le subconscient et le supraconscient sont deux formulations différentes du même Tout. Le maître mot du subconscient est la Vie, le maître mot du supraconscient est la Lumière.

Dans le subconscient, la connaissance ou la conscience sont involuées dans l’action, car l’action est l’essence de la Vie. Dans le supraconscient, l’action réintègre la Lumière et ne contient plus la connaissance involuée, mais est elle-même contenue dans une suprême conscience.

Ils ont en commun la connaissance intuitive fondée sur l’identité consciente ou effective entre ce qui connaît et ce qui est connu ; c’est un même état d’existence en soi où le connaissant et le connu sont unifiés dans la connaissance.

Mais dans le subconscient, l’intuition se manifeste et s’effectue dans l’action, et la connaissance ou identité consciente est entièrement, ou plus ou moins, dissimulée dans l’action. Dans le supraconscient, au contraire, la Lumière étant la loi et le principe, l’intuition se manifeste dans sa vraie nature comme connaissance émergeant de l’identité consciente, et l’action effectuée en est plutôt l’accompagnement ou la conséquence nécessaire, et ne se fait plus passer pour le fait primordial.

Entre ces deux états, la raison et le mental agissent comme des intermédiaires qui permettent à l’être de libérer la connaissance de son emprisonnement dans l’acte et de la préparer à reprendre sa primauté essentielle.

Quand la conscience de soi dans le mental, appliquée à la fois au contenant et au contenu, à notre moi et au moi d’autrui, s’exhausse en l’identité lumineuse et manifeste, la raison change elle aussi et revêt la forme de la connaissance intuitive lumineuse en soi. C’est le plus haut état possible de notre connaissance, où le mental s’accomplit dans le supramental.

Caesalpinia coriara – La connaissance intuitive

[...]

Un examen attentif, en effet, nous permettra de constater que l’Intuition est notre premier instructeur. L’Intuition est toujours là, voilée derrière nos opérations mentales. Elle apporte à l’homme ces brillants messages de l’Inconnu qui marquent le début de sa connaissance supérieure. La raison intervient ensuite seulement pour voir quel profit elle peut tirer de cette moisson de lumière.

C’est l’Intuition qui nous donne l’idée qu’il existe quelque chose derrière et par-delà tout ce que nous connaissons et semblons être, qui poursuit l’homme et contredit toujours sa raison inférieure et toute son expérience normale et qui l’incite à formuler cette perception sans forme en des idées plus positives — idées de Dieu, d’Immortalité, de Ciel, et tant d’autres — par lesquelles nous nous efforçons de l’exprimer pour le mental. Car l’Intuition est aussi forte que la Nature elle-même, elle a jailli de son âme et n’a cure des contradictions de la raison ou des démentis de l’expérience.

Elle connaît ce qui est parce qu’elle est cela, parce qu’elle-même fait partie de cela et vient de cela, et ne le livrera pas au jugement de ce qui ne fait que devenir et paraître.

Ce dont nous parle l’Intuition n’est pas tant l’Existence que l’Existant, car elle provient de cet unique point de lumière en nous qui fait sa force, cette porte qui s’ouvre parfois dans notre conscience de nous-mêmes.

L’ancien Védânta saisit ce message de l’Intuition et le formula dans les trois grandes affirmations des Upanishad : « Je suis Lui », « Tu es Cela, ô Svetaketu », « Tout ceci est le Brahman ; ce Moi est le Brahman. »

*

Mais l’Intuition, par la nature même de son action en l’homme, œuvre en fait de derrière le voile ; active surtout dans les parties les moins éclairées, les moins organisées de son être, et servie devant le voile, dans l’étroite lumière qu’est notre conscience de veille, seulement par des instruments incapables d’assimiler pleinement ses messages, elle ne peut nous donner la vérité sous cette forme ordonnée et bien exprimée qu’exige notre nature.

Pour pouvoir réaliser en nous une telle plénitude de connaissance directe, il faudrait qu’elle s’organise dans notre être de surface et y assume le rôle principal. Mais dans notre être de surface, ce n’est pas l’Intuition, c’est la Raison qui est organisée et qui nous aide à mettre en ordre nos perceptions, nos pensées et nos actions.

*

C’est pourquoi l’âge de la connaissance intuitive, représentée par la plus ancienne pensée védântique, celle des Upanishad, dut faire place à l’âge de la connaissance rationnelle ; l’Écriture inspirée céda le pas à la philosophie métaphysique, de même que, par la suite, la philosophie métaphysique dut faire place à la Science expérimentale.

Messagère du supraconscient, la pensée intuitive qui, de ce fait, est notre plus haute faculté, fut supplantée par la raison pure ; mais celle-ci n’est qu’une sorte de député vivant sur les hauteurs moyennes de notre être ; et elle fut à son tour supplantée provisoirement par l’action mélangée de la raison qui vit dans nos plaines et en basse altitude, et dont la vision ne dépasse pas l’horizon de l’expérience que peuvent nous apporter le mental physique et les sens physiques ou tout ce que nous sommes capables d’inventer pour leur venir en aide.

Et ce processus qui semble être une descente, est en réalité un cycle de progrès. Car dans chaque cas, la faculté inférieure est obligée de reprendre tout ce qu’elle peut assimiler de ce que la faculté supérieure avait déjà donné et d’essayer de le rétablir par ses propres méthodes. Cette tentative lui permet d’élargir son propre champ, et finalement elle arrive à s’adapter avec plus de souplesse et plus d’ampleur aux facultés supérieures.

Sans cette succession et cette tentative d’assimilation séparée, nous serions contraints de rester sous la domination exclusive d’une partie de notre nature, tandis que le reste demeurerait réprimé et indûment asservi ou isolé dans son domaine et, par suite, insuffisamment développé.

Grâce à cette succession et ces tentatives séparées, l’équilibre est rétabli ; une plus complète harmonie des parties qui, en nous, possèdent la connaissance, se prépare.

[...]

La question qu’un sage pose à l’autre est : « Que connais-tu ? », non « Que penses-tu ? » ni « À quelle conclusion ton raisonnement t’a-t-il conduit ? » [... ] Les sages semblent admettre que l’Intuition doit être corrigée par une intuition plus parfaite ; le raisonnement logique n’en peut être le juge.

[...]

La plus haute Connaissance intuitive voit les choses comme un tout, dans leur ensemble, et les détails ne sont pour elle que des aspects du tout indivisible ; elle est naturellement portée vers la synthèse immédiate et vers l’unité de la connaissance.

La Raison, au contraire, procède par analyse et division et assemble les faits de manière à former un tout ; mais dans l’assemblage ainsi constitué se trouvent des opposés, des anomalies, des incompatibilités logiques, et la tendance naturelle de la Raison est d’en affirmer certains et de nier ceux qui contredisent les conclusions qu’elle a choisies, afin de pouvoir former un système parfaitement cohérent.

[...]

Quelle peut être la relation entre ce mouvement du devenir que nous appelons le monde et cette Unité absolue, et comment l’ego, qu’il soit le produit du mouvement ou sa cause, peut-il retourner à ce vrai Moi, à cette Divinité ou à cette Réalité que proclame le Védânta ? Telles sont les questions d’ordre spéculatif et pratique qui ont depuis toujours occupé la pensée de l’Inde.

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