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Publié par pascalemmanuel

J'ai lu il y a quelques semaines des paroles de Sri Aurobindo-Mère évoquant l'éradication du désir jusqu'à se racine, c'est donc quelque chose de possible, et je suis resté quelques temps concentré là-dessus, sur la façon de remplacer le désir par la volonté. Pas si facile ! Enfin si ça l'était, cela se saurait.

En tout cas, c'est pendant cette période que je me suis trouvé le DVD Samsara, l'histoire d'un lama bouddhiste qui succombe au désir de la chair et tombe amoureux d'une femme, quitte son monastère pour fonder une famille.... qu'il finira par quitter aussi. C'est une triste puisque le personnage a perdu à la fois la vie spirituelle et la vie mondaine. Pour autant, cette fin est assez malhonnête car le héros doit avoir une cinquantaine d'année et ce n'est qu'à la fin de notre vie que nous pouvons faire le bilan.

Maintenant le film se termine sur une magnifique parabole que je tenais à partager, une sorte de koan.

Comment peut faire une goutte d’eau pour éviter de sécher ?

Se jeter dans l’océan.

Cela ressemble à de la poésie mais il y a là une expérience. En tout cas, c'est formidablement dit, l'image est très parlante ! Et voilà qui fait le lien avec mon article d'hier... auquel je voudrais ajouter quelques compléments, car décidément, j'oublie toujours quelque chose.

L'invitation reçue de "laisser couler"... contenait deux aspects complémentaires. Quelque chose de l'ordre du détachement et quelque chose de l'ordre du laisser circuler.

Intérieurement nous sommes formidablement attachés par toute une séries de choses auxquelles nous tenons, l'invitation était vraiment de se détacher, de laisser couler ces choses...

Et puis, il y avait cette idée de la médecine chinoise que l'énergie est faite pour circuler, que tout blocage de l'énergie entraîne des douleurs. Mais cela allait au-delà de ça : que tout ce qui nous habite, puisse circuler librement, sans entrave, et reprendre sa vraie place, sa vraie position dans l'ordre naturel et divin des choses. Et au-delà de notre propre système, que les énergies du ciel, de la terre, de l'univers puisse librement circuler, nous traverser...

Je rends grâce aux amis qui ont compilé les passages essentiels des premiers tomes des Carnets d'une Apocalypse de Satprem, voici ce que nous pouvons lire à la date du 6 septembre 1982 :

Ce qui est le plus difficile à "comprendre" pour l'ego du corps, c'est qu'il ne s'agit pas d'un mouvement de concentration mais d'expansion ; il ne s'agit pas d'empiler la force mais de la laisser passer à travers les mailles. Une fleur comprendrait mieux. Le fruit s'enferme dans sa nuit sucrée et se décompose. Un mouvement solaire.

Je n'ai jamais été très doué pour sortir du corps et faire ces jolies expériences des mondes subtils, par contre, à l'intérieur du corps cela devient plus sensible et plus conscient au point de reconnaître dans ce que raconte Satprem quelques similitudes, même si ce à quoi je suis le plus souvent confronté reste encore les "résistances de la Matière et de la personnalité humaine à leur propre transformation", pour reprendre les mots de Sri Aurobindo.

Parfois, quand nous lisons quelque chose de Sri Aurobindo-Mère ou de Satprem, quelques temps après, quelque chose en nous essaye de mettre en application ce qui a été lu, c'est très touchant. Et parfois c'est l'inverse. En intériorisation, on s'aperçoit que quelque chose en nous essaye quelque chose, qui sur le moment n'a pas beaucoup de sens, et que on reconnaît un petit quelque chose dans tel ou tel passage. Par exemple cette invitation à laisser couler... 

*

Quelques notations (parmi tant d'autres) de Satprem concernant le yoga du corps :

La joie du corps à s’étaler dans la lumière. (17 septembre 1982)

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Un travail très ténu dans un silence immobile. Comme si l’on cherchait à éveiller un milliard de petites consciences comme une pointe d’aiguille dans tout le corps, ou à répandre très lentement une grande marée blanche sur un milliard de microscopiques petits cailloux blancs. (6 novembre 1982)

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J’essaye de décentraliser ou de décoaguler cette conscience corporelle, de la répandre comme une nappe d’eau ensoleillée. (30 novembre 1982)

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Tout d’un coup, le corps a vraiment compris qu’il ne s’agissait pas du tout de se concentrer mais de se répandre — il se découvre, étonné, comme une fleur. (11 décembre 1982)

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J’étais en train de faire comme d’habitude : pilonner ce corps et faire passer la Force à travers tout ce réseau d’alvéoles, cellules et nerfs, quand, tout d’un coup, « on » m’a fait comprendre quelque chose — « comprendre » c’est-à-dire faire. On m’a fait étendre cette conscience matérielle dans l’infini de Sri Aurobindo. J’avais la perception d’un Sri Aurobindo immense, comme les bras étendus dans cet infini et fait de cette substance infinie, et je ne m’occupais plus du tout de ce corps, laissé à l’abandon comme un grain de poussière dans cet espace infini. Je m’étendais, ou ça s’étendait là-dedans aussi matériellement que possible — et pourtant je sentais des choses se passer dans le corps, sans que je veuille y regarder. La seule préoccupation était de me fondre dans les bras de ce Sri Aurobindo infini. Je ne sais pas, mais j’ai l’impression d’avoir touché une clef et qu’on m’a mis dans le vrai mouvement. Ne pas du tout s’occuper du corps, mais se répandre dans l’infini aussi matériellement que possible. (27 décembre 1982)

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[…] Donc, quand le corps est plein « jusqu'à la gueule », si l'on ose dire, il commence (ou sa conscience corporelle commence) à se répandre ou à entrer dans la rondeur de l'élément supramental. Puis c'est rien que de la rondeur dense, immobile et lumineuse (mais pas éclatant : quelque chose de bleuté). Là, je crois qu'on arrive au commencement. (12 janvier 1983)

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Dès que je m'assois ou simplement que le corps est un peu tranquille, il y a comme un appel, une vibration d'âme (mais là, on dirait que l'âme et la matière sont identiques) et instantanément c'est une sorte de condensation autour du corps, un enveloppement si fort et chaud et doux, et alors le corps commence à se répandre. Ce n'est plus du tout une sorte d'objet dur au centre des choses et qui regarde les choses par rapport à lui — c'est tout le contraire ! il fond, il s'étale, se répand avec une sorte d'aise indicible, comme s'il avait été prisonnier et enfermé dans une coquille pendant des siècles, et puis il n'y a plus de coquille ! C'est une douceur ensoleillée de s'étendre, s'étendre, et tout est si souple, si smooth, comme si on s'étalait dans la Douceur même, la Tendresse même, partout chez soi, et pourtant sans se perdre ! On ne se perd pas du tout et en même temps on est comme partout ; on ne « regarde » pas les choses — il n'y a pas à « regarder » : on est, on est tout simplement et délicieusement, et c'est comme une douceur d'étendue ensoleillée. (8 avril 1983)

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C’était comme une condensation du grand Courant en un point. Puis une fois la forme bien remplie de cette Puissance dense, compacte, lumineuse, tout semblait de nouveau s’étaler, se répandre, s’immobiliser comme s’il n’y avait plus de forme, plus rien pour retenir, seulement ce grand Courant comme immobile, dont on savait qu’il était. (7 juillet 1983)

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