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Publié par pascalemmanuel

Cent fois, j'ai observé un curieux phénomène où la conscience semble prendre la direction opposée. Dernier exemple en date, je confiais récemment, qu'absorbé dans mes méditations, l'actualité du monde extérieure perdait de son intérêt et m'apparaissait, qu'elle soit bonne ou mauvaise, appartenir à la même trame, très différente de ce que l'on peut ressentir lorsque l'on s'intériorise. Et depuis une dizaine, c'est le contraire, tout le travail intérieur, les concentrations, les lectures spirituelles, tout cela devient laborieux, presque rasoir... alors j'ai de nouveau connecté l'actualité. 

Cette fois-ci, je n'ai que deux vidéos à partager. La première est une interview de Francis Lalanne par Alexis Cossette. Je connais très peu le personnage, je savais seulement qu'il militait, intervenait dans les manifestations, sans plus, je ne l'avais jamais vraiment écouté. Et, tout au début de cette interview, il dit quelque chose de très-très intéressant. Il explique que les forces de l'ordre n'oseront jamais tirer sur une foule assise et il développe une pensée autour de la force de l'inertie. Et il insiste lourdement sur là-dessus. Pour le coup, les termes anglais sitting ou sit-in sont plus évocateurs que notre s'asseoir.

Quoi qu'il en soit, il insiste lourdement là-dessus et semble croire beaucoup à l'efficacité de cette méthode. Cela m'a évidemment rappelé L'Agenda de Mère du 22 mai 1968 dans lequel Elle parle de la puissance d'un nombre immobile. J'ai déjà cité ce passage plusieurs fois et me suis souvent demandé comment le faire mettre en pratique.  Pendant quelques années j'étais à l'UPR, sur Facebook, un liste de diffusion de quelques centaines de personnes et j'ai plusieurs fois lancé l'idée. La graine n'a jamais germé et puis j'ai lâché les réseaux sociaux et tout ça pour vivre plus reculé. N'empêche que j'y ai repensé souvent. Et je ne m'attendais pas à voir ressurgir l'idée chez Francis Lalanne.

Alors évidemment, il parle de la force de l'inertie, le tamas dans le langage du yoga, alors que Mère parle d'immobilité. Mais ce n'est rien, l'idée est là...

Revoyons encore une fois ce passage qui débute avec une question de Satprem. 

"Douce Mère, et ce qui se passe en France en ce moment, qu'est-ce que cela veut dire (1) ?

C'est clairement l'avenir qui s'éveille et qui veut chasser le passé.

Tu as lu les lettres des enfants de S ? Ils sont là-bas. Par exemple, tous les étudiants et toute la classe ouvrière se sont unis. Il y a naturellement, mentalement, tout le mélange de toutes sortes d'idées, mais la Force derrière... Par exemple, les étudiants veulent changer complètement le mode d'instruction: ils réclament violemment la suppression de tous les examens. Et ils ne le savent pas eux-mêmes, mais ils sont poussés par une force qui veut la manifestation d'une vérité plus vraie.

Eux-mêmes ne voudraient pas de violence – il paraît que ce ne sont pas eux qui ont commencé la violence, mais la police. Et ça, c'est très intéressant, parce que la police représente la défense du passé. Et quand j'ai lu les lettres de ces enfants, puis que l'on m'a donné les nouvelles, alors est venu en moi (cela a été dit très-très clairement, une vision très claire) : l'avenir. C'est la Puissance supérieure qui contraint les gens à faire ce qu'ils doivent faire.

Entre maintenant et ça (qui est très en avant), ce doit être la puissance d'un nombre IMMOBILE. Et alors la vision était claire : si des millions – pas des milliers : des millions – de gens s'assemblent, occupent, absolument pacifiques (simplement s'assemblent et occupent, avec des représentants naturellement qui diront ce qu'ils veulent), alors ça aura le pouvoir. Mais il ne faut pas de violence ; dès que l'on se laisse aller à la violence, c'est le retour au passé, c'est l'ouverture à tous les conflits...

À ce moment-là, je ne savais pas que c'était la police qui avait commencé la violence ; je ne savais pas, je ne connaissais pas les détails de l'histoire. Mais c'était une vision très claire : une occupation par la masse, mais une masse toute-puissante dans son immobilité, qui impose sa volonté par le nombre, avec des représentants intellectuels pour les négociations.

Je ne sais pas... De Gaulle est ouvert à quelque chose de plus que la force purement matérielle. Est-il de taille ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, il est parmi les meilleurs instruments.

C'est clairement (pas dans le détail, mais dans la direction du mouvement), c'est clairement la volonté d'en avoir fini du passé, de laisser la porte à l'avenir.

C'est comme une sorte d'écœurement de la stagnation. Voilà. Soif de quelque chose qui est en avant, qui paraît plus lumineux et meilleur. Et en effet, il Y A quelque chose – ce n'est pas seulement une imagination: il Y A quelque chose. C'est cela, la beauté, c'est qu'IL Y A quelque chose. Il Y A une Réponse. Il Y A une Force qui veut... qui veut s'exprimer.

La France est dans une situation privilégiée : l'Inde d'abord, la France après, pour des raisons... simplement de réceptivité. La France a toujours essayé d'être en avant – c'est d'ailleurs pour cela que ce corps est né là."

(1) Une sorte de grève générale de quelque huit millions d'individus, qui a commencé par une révolte des étudiants et l'occupation de la Sorbonne.

 

Une question pratique pourrait nous occuper : comment faire entrer dans la conscience collective cette idée, cette possibilité auprès des manifestants ?

La très-très-très mauvaise idée, à mon avis, serait de s'adresser aux  syndicats, ils sont financés par l'Union Européenne et je n'ai confiance en ces gens-là et, sans bien connaître l'histoire des mouvements sociaux des trente dernières années, il se dégage une impression générale de compromission et de manipulation.

L'idéal serait sans doute que la chose se passe d'elle-même ! Que tout à coup, spontanément, les manifestants décident de s'asseoir et s'aperçoivent alors, ressentent, une puissance descendre sur eux. 

S'il y avait une personnalité, Francis Lalanne semble être la première, pour appeler à se rassembler à un endroit pour faire un sitting, par pitié sans slogans ni pancartes.... et que cette personnalité soit suffisamment  "charismatique" pour être suivie, entendue... cela aiderait. Même si, pour que cela fonctionne, l'idéal serait que cela émerge du dedans et de la base... 

Le mieux que nous puisions faire, pour le moment, si nous connaissons des manifestants, nous pouvons toujours leur glisser l'idée à l'oreille, continuer de semer l'idée...

La fin de l'hiver, le début du printemps est peut-être un moment opportun pour cela, d'autant qu'il fait encore froid pour s'asseoir longtemps, peut-être même plusieurs jours, avec un système de roulement constant de gens qui partent se reposer, d'autres qui arrivent... Avec le retour des beaux jours, cela sera plus facile. Dans une guerre, puisque c'en est une, les conditions météorologiques ont leur importance.

Ce que, tous, nous pouvons faire, c'est de comprendre pourquoi le yoga insiste tant sur l'immobilité. Tout bouge sans arrêt en nous, les pensées, les émotions, les désirs, les sensations, sauf quelque chose d'immuable et d'immobile, au plus intime de nous même, tout au fond de notre coeur. 

Ce que, tous, nous pouvons faire, c'est aspirer et prier pour que cette idée de Mère de la puissance d'un nombre immobile se manifeste, se réalise. 

Pour terminer ce commentaire, il y a quelques mots de Mère dans ce passage, qui me sont toujours totalement passés inaperçus, je n'y ai jamais prêté grande attention. Pour la première fois, je les ai mis en rouge. Elle nous dit : "avec des représentants intellectuels pour les négociations." Cela vient sans doute de l'interview de Pierre Yves Rougeyron par Rémi de Juste Milieu que je viens d'écouter.

Le plus intéressant selon moi concerne le début de la vidéo avec la première question de Rémi, sur la présentation du Cercle Aristote crée en 2008, des centaines de personnes qui y travaillent, une maison d'édition, des conférences pour faire converger une activité intellectuelle et le souverainisme...

"Le Cercle Aristote, c'est assez simple, quand je suis arrivé dans le militantisme, 2005 n'était pas encore arrivé, donc le grand rajeunissement de la cause souverainiste, n'avait pas eu lieu. Donc je n'était pas un jeune du camp souverainiste, j'étais celui qu'on appelait "le jeune", parce que souvent j'étais le seul, dans des réunions d'universitaires, très sympathiques d'ailleurs, mais qui étaient des vétérans, des mecs qui avaient combattu à Maastricht, certains qui combattaient depuis l'Acte unique. 

Donc, l'Acte unique, 1986, moi je suis né en 1986, voyez le décalage. Beaucoup de vétérans des campagnes sur les balkans. Donc cela faisait quand même beaucoup. 

Et moi je voyais arriver la grande vague de patriotisme de ceux qu'on n'appelait pas encore les millénium à l'époque, dont je suis, vu que je les voyais arriver simplement de ma province, de mes camarades de lycée, et autres.

Et je me dit, tous ces gens, c'étaient des puits de science, faut quand même voir que le souverainisme c'était, et c'est d'ailleurs toujours aujourd'hui... enlever le souverainisme du mouvement intellectuel français en 40 ans, tout de suite cela devient beaucoup beaucoup plus pauvre. Faut être honnête, qu'on nous aime ou qu'on nous aime pas, c'est un constat. Le système en France ne pense plus, au moins depuis 1974. 

Donc, je me suis dit : comment on va faire le passage de génération ? Et donc j'ai créé le Cercle. Alors au début c'était une association qui était un club d'amis. Ensuite c'est devenu petit à petit d'abord des conférences, puis une, deux maisons d'édition, une revue trimestrielle qui est à son trentième numéro. Voyez, c'est pas tout nouveau. Et aujourd'hui, c'est plus d'une centaine de cadres qui travaillent, c'est des clubs de province, c'est un séminaire de recherche tous les lundis à Paris. C'est tous les lundis, plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers You Tube, plus de 100 000 personnes en tout cas et c'est plusieurs milliers de membres.

Alors on a énormément fait et depuis 3, 4 ans, et même depuis 5, 6 ans, nous faisons la traduction des intellectuels souverainistes étrangers ; c'est un mouvement mondial aujourd'hui.

Et nous essayons de faire débuter de jeunes intellectuels. Moi, je suis avant tout un homme de transmission. C'est-à-dire que, ce qui est très drôle, c'est que j'ai 36 ans... Il y a eu des grands frères du camp souverainiste, des gens qui ont très peu transmis, qui étaient les hommes qui ont aujourd'hui 50-55 ans, et qui à l'époque... des gens à qui je ne jette pas la pierre, qui ont été des modèles, mais qui a aucun moment, n'ont voulu s'occuper des gamins. Donc, à un moment, comme il n'y avait personne pour s'occuper de nous ; eh bien, je me suis occupé des miens. Avec pas plus de légitimité que ça mais, juste comme me l'avait dit un homme politique français très connu du camp souverainiste, et qui est d'ailleurs un homme politique de premier plan en France, "c'est bien ce que vous faîtes, c'est trop ingrat pour nous."

Voilà, j'ai été l'abonné des tâches ingrates. Maintenant, cela n'aurait pas dû marcher, cela aurait dû couler plusieurs fois, et 2008-2023, c'est toujours là.

Donc voilà, on publie près d'une quinzaine d'ouvrages par an, 4 numéros de revue, une organisation qui a dû se professionnaliser. 

Quand vous parlez de traduction, il y a une dominante d'auteurs anglophones, hispanophones, c'est géolocalisé ou pas forcément ? 

Mon équipe a 7 langues de travail et 5 langues optionnelles que nous n'utilisons pas, et que j'aimerais que l'on se mette à utiliser à un moment ou à un autre, mais c'est un peu compliqué. Prenez l'exemple de mes traducteurs arabes et mes traducteurs persans, la plupart des intellectuels hispanophones ou arabophones écrivent en anglais. Donc nous, à l'instant T, on traduit beaucoup d'auteurs anglophones, faut être très honnête." 

Suite de la réponse à partir 6 mn 55 à propos des traductions hispaniques. Et puis, il continue en disant :

"Il y a une exemple plus urticant, c'est nous qui traduisons en français les œuvres de Vladimir Poutine... parce que, ce monstre assoiffé de sang, est aussi un homme qui écrit énormément, qui fait des articles doctrinaux très longs, et si on avait.... pensé que cet homme savait lire... et écrire, on ne ferait pas semblant de découvrir l'eau chaude, alors qu'il est là depuis 1999. Tu comprends ? 

Et contrairement à une légende qui a été forgée par une partie de mes ennemis, je ne suis pas plus pro russe que ça. Moi, je sers les intérêts français dans un monde qui se multipolarise. Donc pour moi, comprendre la Russie, comprendre, pas juger, pas condamner, ces postures morales ne rapportent rien. Un, elles ne rapportent rien, deux, elles peuvent coûter des vies humaines. Comprendre ce qui se passe en Russie, comprendre ce qui se passe en Chine etc." Suite de la réponse à 9 mn 31.

Commentaire :

Cet aspect de la personnalité et de travail de Pierre-Yves Rougeyron m'a beaucoup touché, à commencer par rapport à ce qu'il dit à propos de la transmission. Et au-delà de ça, c'est un point très encourageant de savoir qu'il y a toute une jeunesse qui est en train de se former au souverainisme. Nous n'en entendons pas parler dans les médias officiels, et pourtant, ce travail en sous terrain est évidemment très important. Cela me fait d'ailleurs penser à une interview de Vladimir Poutine dans laquelle il mentionne que l'Europe s'effondrera et que cela amènera nécessairement de nouveaux dirigeants. C'est peut-être cela, quand il dit : nous essayons de faire débuter de jeunes intellectuels.

Alors, d'un certain point de vue, tout cela pourrait passer pour alimenter encore la baudruche mentale dont parlait Satprem, une énième tentative d'améliorer un système pourri jusqu'à la moelle. Et s'il s'agit de changer de conscience, de trouver quelque chose de tout à fait nouveau, nous pouvons douter à juste titre que cela puisse se faire en lisant des livres ou avec tout ce travail intellectuel. 

Pour autant, j'attire l'attention sur deux points.

D'une part, il est important de noter, que cela soit pour Sri Aurobindo ou pour Mère, tous les deux, à un moment de leur histoire, de leur éducation, ont dévoré des caisses de livres. Je parlais dans un article précédent de cette sensation d'avoir découvert l'immensité de mes lacunes. Tout au long de cette émission, Pierre-Yves Rougeyron cite un certain nombres d'auteurs, et à part Emmanuel Todd, je n'en connais aucun. A son sujet, il évoque une anecdote selon lui très significative. Il raconte qu'Emmanuel Todd a fait publier son dernier livre au Japon et qu'il a interdit qu'on le traduise en français. Selon Pierre-Yves Rougeyron, ce serait lié à l'ignorance crasse des élites en France. 

D'autre part, Mère a insisté sur la nous dit la nécessité d'avoir des représentants intellectuels. Encore faut-il qu'il y en ai et qu'ils soient formés correctement ! Il me semble que c'est la vocation que s'est donné le Cercle Aristote, et pour cela, ils méritent d'être soutenus. D'où le lien vers leur site où il est possible d'acheter leurs livres et de s'abonner à leur revue et à leur newsletter. Cela me semble la moindre des choses. Leur travail mérite d'être connu, merci de partager l'information. 

Pour le reste des analyses de Pierre-Yves Rougeyron, je n'ai rien de spécial à dire. 

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