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Publié par pascalemmanuel

Avec la qualité intellectuelle de la France, la qualité de son esprit, le jour où elle sera vraiment touchée spirituellement (elle n'a jamais été touchée spirituellement), le jour où elle sera touchée spirituellement, ce sera quelque chose d'exceptionnel.

(Agenda de Mère du 3 juillet 1963)

*

Alors, je trouve intéressant qu'un cercle de pensée politique se tourne un questionnement plus spirituel, comme si j'étais attentif aux petits signes tendant à montrer que la frontière entre la mentalité intellectuelle et la mentalité spirituelle est en train de s'amincir, que la frontière était franchie, la séparation en train de s'abolir...

Je ne connaissais pas Jean-Philippe Trottier. Effectivement, comme il le dit lui-même, une expression très dense, une pensée pas toujours facile, un questionnement complexe et profond...

Vers la fin, je me suis dit que cet homme était trop érudit, trop cultivé pour bien comprendre. Et puis, une première question du public lui est posée par rapport à la grâce et, sans la nier, il explique que selon lui, les "fol du Christ" la recevront mieux, que nous devrions accepter de devenir un peu sot. C'est-à-dire qu'il comprend bien que toute l'érudition complique l'ouverture à la grâce et cela rappelle Mère à propos du silence mental qui donne l'impression de devenir idiot et que, pas une personne sur plusieurs million ne l'accepte.

Et puis tout au début, il explique que chaque peuple a son génie, et que celui de la France, par exemple, est d'avoir été une pépinière d'idées politiques. Voilà qui m'a rassuré. Ainsi, lorsque dans un article précédent je disais que nul pays au monde n'avait comme la France une telle histoire constitutionnelle, je ne déraillais pas. C'est-à-dire, que dans "l'obsession" d'Etienne Chouard de faire d'écrire une constitution citoyenne me parait tout à fait juste, conforme à notre histoire, à nos racines et peut-être à notre mission. Il y a là, à mon avis, un questionnement très profond.

276 – La Révolution française a eu lieu parce qu’une âme sur les neiges de l’Inde a rêvé de Dieu comme liberté, fraternité et égalité. Sri Aurobindo – Pensées et Aphorismes

 

La France a essayé de traduire en termes politiques cette devise venant d'en haut. Elle n'y a jamais réussi mais peut-être y parviendra t-elle demain. A moins qu'elle puisse capter quelque chose du nouveau monde et essayer encore une fois de le traduire en terme politique, de l'incarner dans la société. 

Et au milieu, ici et là des citations et des pensées très inspirantes pour nourrir nos réflexions.

EXTRAITS 

4 mn 20 :

Je n'ai pas une goute de sang français, figurez-vous, j'ai du sang Autrichien, Britannique par ma Mère et Québecquois par mon père, Français du Perche de1636. (1)

 

(...)

 

Mon père était diplomate, deux fois en poste à Paris, donc j'étais dans des lycées très chics, pas loin d'ici, et hors la France, dans des lycées outre-mer, encore plus chics.

 

(…)

 

Ayant voyagé beaucoup, j'ai appris plusieurs langues, j'ai appris à penser comme ci, puis à penser comme ça, et j'arrive à vingt ans je comme un arbre avec une grande frondaison et des racines de pissenlits. Il a fallu faire tout ce travail de synthèse pour trouver son propre langage, son propre être au monde, ça a pris un temps fou, j'ai 59 ans.

 

Je commence à voir plus clair dans tout ça et j'ai quand même appris deux, trois trucs essentiels, c'est que aucune culture n'est ontologiquement supérieure ; il y en a qui dominent pour des raisons technologiques, historiques ; il y en a qui sont des pépinières à idées politiques, la France notamment, il y en a qui ont un autre génie, peut-être plus religieux, plus économique que sais-je, mais il n'y a pas foncièrement de culture supérieure à une autre quand on la regarde sub specie æternitatis. (2)

 

C'est la conviction que j'ai acquise au fil de mes pérégrinations.

 

(1) Le comté du Perche était une province du royaume de France.  327 émigrants percherons sont partis en Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles.

8 mn :

C'est Hannah Arendt qui reprenait une parole de la baronne danoise Karen Blixen qui disait, quelque chose comme ça : “tous les drames peuvent être surmontés si on peut en fait une histoire”.

 

10 mn 55 :

Le taoïsme respire ce que le catholicisme à mon avis a oublié, c'est le sens de la Totalité, le sens du Un, tel que Platon pouvait le comprendre, tel que le néo platonisme pouvait le comprendre, Plotin par exemple au III ème siècle. (…) Le taoïsme retourne vers l'Un, il y a une noStalgie de retour vers le non-exprimable...

 

12 mn :

J'ai mis dans mon livre trois citations en exergue que je vais vous lire.

 

La première est du Guépard de Lampedusa superbement mis en film par Luciano Visconti. Une phrase du Prince Salina désabusé qui refuse son poste de sénateur dans la nouvelle République :

 

“Nous étions les guépards, les lions ; ceux qui iront nous remplacer seront les petits chacals, les hyènes et tous, tant que nous sommes, guépards, chacals et moutons, nous continuerons à croire que nous avons été le sel de la terre.”

 

N'importe quel petit progressiste pense refaire le monde et incarner Dieu, comme n'importe quel roi, n'importe quel empereur. Tout le monde voit midi à sa porte si vous voulez.

 

14 mn 10 :

Un autre auteur qui me touche beaucoup, c'est Simone Weil, avec un W. Je la lis depuis l'âge de 20 ans ; elle m'a sauvé du désespoir. Je vous le dit simplement comme ça. Je suis tombé sur La pesanteur et la grâce qui est un livre que je lis au même titre que le Dao de Jing ou les Evangiles, je peux le lire tous les jours et c'est toujours, c'est chaque fois la même chose et chaque fois autre chose. J'ai l'impression devant du Mozart ou d'être dans un torrent : je vois le fond, je met le doigt pour toucher le fond et le fond je n'arrive pas à le toucher, c'est extraordinaire.

 

Voilà ce qu'elle dit :

 

“Le faux dieu change la souffrance en violence, le vrai Dieu change la violence en souffrance.”

 

(…)

 

On part du vrai Dieu, celui d'Abraham, et on arrive au faux dieu, celui des idéologies ou celui de Narcisse. (…) En langage freudien, Abraham, c'est l'idéal du moi, Narcisse, le moi idéal.

16 mn 44 :

Pour finir, un petit mot bien piquant de La Rochefoucauld que j'aime bien pour son vinaigre :

 

“On se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on a à le paraître.”

 

Mon livre s'occupe d'idéologie victimaire. Je ne nie pas qu'il y ait des victimes.

 

Je crois viscéralement au péché pour le vivre dans ma propre chair, dans mon propre esprit ; pour le voir chez autrui aussi.

 

Il y a des victimes, et tout le monde, plus ou moins, l'est. Mais se dire victime est tout autre chose qu'être victime. Il y a de temps en temps quelques réconfort à porter son malheur en bandoulière.

17 mn 50 :

Mon livre est divisé en trois parties :

 

1) Monde traditionnel, monde moderne.

 

2) Récupération inconsciente des images du christianisme, et je donne deux exemples :

 

-  le communisme, et en ce sens, je n'innove pas du tout, ça a déjà été dit je pense, par Castoriadis, vous me corrigerez si je dis une ânerie.

 

- L'autre, c'est le féminisme essentialiste, pas le féminisme tout court, le féminisme essentialiste qui fait de la femme, une victime, par essence.

 

L'expression n'est pas de moi, elle est d'Elisabeth Badinter.

3) Pour finir je parle du fardeau de l'homme blanc.

 

C'est un poème de Kippling écrit en 1899.

 

Le Fardeau de l'homme blanc, on lit ça aujourd'hui, on se dit : '”est-ce-que j'ai bien lu ? Ce n'est pas possible de dire des âneries pareilles." Mais à l'époque c'est comme ça qu'on le pensait. Et donc il faut voir comment il le pensait à l'époque.

Cette façon de penser me rappelle le discours de Victor Hugo sur les Etats-Unis d'Europe qui avait la prétention d'apporter la civilisation au monde. Passages que les élites mondialistes se gardent bien de citer. Pour Victor Hugo il s'agissait...

 

d’« élargir sans cesse le groupe civilisé » et de « donner le bon exemple aux peuples encore barbares ».

 

Et d’élargir la Chrétienté à l’ensemble de l’univers, en invitant les puissances occidentales à développer partout un grand élan colonisateur : 

 

« Oui, la face du monde serait changée ! Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie ! ».

 

Ainsi, « l’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme ».

En énergétique il se dit que tout mouvement parvenu à son apogée se transforme en son contraire. Dans le passé, c'est au nom de la morale, que l'occident prétendait éduquer les petits peuples, et aujourd'hui, ce même occident semble devenu immoral et amoral, complètement dégénéré aux yeux des civilisations traditionnelles. L'occident a prétendu dominer par la morale et c'est apparemment par l'immoralité qu'il s'effondre... 

Suite de l'intervention de Jean-Philippe Trottier :

Et bien, le fardeau de l'homme blanc s'est inversé aujourd'hui... pour devenir le fardeau de l'homme blanc.

 

Mais un fardeau qui était un devoir moral d'aller sortir les autres peuples de leur gangue de folie, de médiocrité... et aujourd'hui le fardeau de l'homme blanc c'est l'ineptie morale, c'est le patriarcat, c'est l'homme blanc hétérosexuel hétéro normé etc... et qui a dicté le cours de l'histoire, pervertit l'histoire entière et il y a une part de vérité là-dedans, c'est-à-dire que cet homme blanc est en état de carence métaphysique.

 

Et quand je dis l'homme blanc, il y a nos civilisations, l'occident est en état de carence métaphysique. Et c'est là que je suis traditionnel parce que la tradition vous permet de vous replonger dans ce bain de tradition qu'on n'arrive pas à nommer.

 

25 mn 15 :

L'esprit de tradition est orienté vers l'Eternité. L'esprit de modernité est orienté vers la perpétuité. Ce n'est pas la même chose.

 

29 mn 45

Baudelaire a une très belle phrase :

 

“La plus belle ruse du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas”.

 

On est en plein là-dedans maintenant. Je crois dans le mal et on me prend pour un con, pour un type demeuré, le diable avec ses petites cornes et tout ça. J'y crois. C'est quand on y croit pas qu'il est efficace. Je peux vous rapporter aux thèses de la banalité du mal d'Hanna Arendt avec Eichmann à Jérusalem. C'est une thèse extrèmement forte et extrêmement ordinaire.

 

33 mn :

“Quand Dieu est congédié, il revient sous les traits dégradés de l'idole.”(Gustave Thibon)

 

Et pour moi aujourd'hui cette idole s'appelle victime. Il y a d'autres idoles évidemment mais ce qui m'occupe aujourd'hui c'est ça.

35 mn 15 :

Il y a un constat qui s'impose, à mon sens, c'est que l'homme, tout libéré qu'il puisse être, tout athée qu'il puisse se proclamer ou se désirer ; l'homme ne peut pas vivre sans Dieu. Il lui faut un fondement. L'homme ne peut pas se fonder lui-même. Il a besoin d'un tout autre qui le situe, qui soit son horizon de désirabilité, son point de fuite, son point structurant.

 

Pourquoi donc ? Parce l'homme est un être incomplet par nature, il ne peut pas se suffire à lui-même.

 

Narcisse n'existe pas, Narcisse est un mythe, une tentation. L'incomplétude de l'homme, forcément le mettra en relation.

 

C'est ce que Yahvé a fait avec Abraham, il l'a mis en relation, il l'a mis en mouvement. Abraham s'est mis à marcher. La question fondamentale n'est plus donc l'athéisme ou la croyance mais la croyance entre un vrai dieu ou en un faux dieu. Et bien malin celui qui est capable de départager, de séparer l'un de l'autre.

 

47 mn 15 :

On s'est libéré de ce dieu castrateur, de ce dieu qui nous envoie la foudre, la famine, la sécheresse. Ce qu'on ne dit pas c'est que, cette libération se déploie sur lit de deuil. La désillusion est immense. La perte de ce monde traditionnel, à mon sens, est énorme, et explique en partie la raison pour laquelle l'homme moderne tonitrue tout le temps, chante ses libérations, ses conquêtes. C'est vrai qu'elles sont valables et je ne suis pas un contempteur (1) de la modernité pour autant, sauf que le triomphalisme cache un malaise beaucoup plus profond.

 

contempteur, contemptrice (Larousse)

(latin contemptor, de contemnere, mépriser)

Littéraire. Personne qui dénigre quelqu'un ou quelque chose : Les contempteurs des valeurs morales.

Synonymes : critique - dénigreur - méprisant

Contraires : admirateur - laudateur - partisan

 

50 mn 25 :

Le communisme au XX ème siècle qui s'est voulu athée n'a fait que laïciser le christianisme. Le paradis chrétien est devenu le paradis sur terre de la société sans classe. La lutte de Dieu contre le dragon que l'on entend dans l'Apocalypse, c'est la lutte des classes, l'agneau pascal, le Christ, c'est le prolétaire exploité, le diable, le péché, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, la captation des moyens de production aux mains d'une classe bourgeoise qui exploite le pauvre prolétaire. L'anathème et l'excommunication sont les exclusions du parti. C'est un copié-collé dans un monde, non pas traditionnel, mais moderne, aplati.

 

(…)

 

La transcendance peu à peu rentre dans l'immanence et nos combats spirituels deviennent politiques.

59 mn 30 :

Il y a un très beau mot de Hölderlin, dans Hypérion, un roman épistolaire :

 

“Quoiqu'il en soit, en voulant faire du monde, de l'Etat, un paradis, l'homme a finit par en faire un enfer.”

Lord Acton, historien Britannique du XIX ème disait la même chose :

 

“Le meilleur moyen de faire de la terre un enfer, c'est de vouloir en faire un paradis.”

 

On ne joue pas avec les réalités métaphysiques impunément en en faisant une pate à modeler sur terre. C'est plus complexe que cela, c'est plus profond.

 

1 h 03 mn 45 s

Il ne suffit pas de retourner le gant pour réparer les choses. La victime d'hier risque de devenir le bourreau d'aujourd'hui et le bourreau d'hier la victime de demain. Il faut sortir de cette situation-là. Quand je dis que l'homme blanc est en état de carence métaphysique, je le crois. Je trouve d'abord qu'il est en état de carence au point de l'identification.

 

(…)

 

Est-ce qu'il y a moyen de faire la part des choses et de rendre à chacun son espace de pureté et de vice ? Sachant que le cœur de l'homme est traversé de bien et de mal. Je vais vous lire un passage... vous êtes certainement nombreux a avoir lu L'Archipel du goulag de Soljenitsyne ; il y a une phrase qui est mainte fois citée :

 

“Ah ! Si les choses étaient si simples, s'il y avait quelque part des hommes à l'âme noire se livrant perfidement à de noires actions et s'il s'agissait seulement de les distinguer des autres et de les supprimer. Mais la ligne de partage entre le bien et le mal passe par le cœur de chaque homme. Et qui ira détruire un morceau de son propre cœur ?”

 

(C'est sans doute l'une des questions les plus profondes de notre nature humaine. Cela fait penser à ce passage du Véda qui parle de la vie et de la mort dans le même nid, ou Mère  (Agenda du 21/01/62qui nous invitait à voir comme nous sommes uns avec tout ce qui est mensonger, et alors, de l'offrir pour que cela change. Satprem dans les Carnets à lui aussi de nombreuses fois évoqué cette douloureuse découverte...)

Comment rendre dignité à ceux qui en ont été dépourvu ? C'est la même question que la suivante : comment ré-enraciner cet homme blanc occidental dans sa dimension métaphysique ? L'un ne va pas sans l'autre. Et au-delà : comment donner à sa civilisation sa juste place dans le monde, ni supérieure, ni inférieure, ni infâme, ni touchant dieu ?

 

De mémoire, une parole de Sri Aurobindo rappelle qu'un homme qui n'a pas de racines n'a pas d'avenir... 

 

(…)

 

Il n'y a qu'une voie, c'est l'épaisseur métaphysique ; comprendre que nous ne pouvons pas vivre sans tradition, sans langue, sans culture, sans grands personnages, sans formes artistiques, musicales, culturelles, architecturales etc... sans patrie, sans nation, mais il faut comprendre que ce sont des biens essentiels à l'homme, mais ce sont des biens relatifs.

 

Simone Weil, encore quelque part dans La pesanteur et la grâce :

 

“Ne pas faire de sa patrie une idole mais un échelon vers Dieu et comprendre que mon vis-à-vis doit faire le même travail. Sa patrie n'est pas une idole, ce n'est pas Dieu, c'est un échelon vers Dieu, c'est une autre modalité du Divin, manifesté ici-bas."

 

Voilà qui me rappelle cet aphorisme 335 de Sri Aurobindo :

 

La famille, la nation, l’humanité sont les trois enjambées de Vishnu pour passer de l’unité isolée à l’unité collective. La première est faite ; nous nous efforçons encore à la perfection de la seconde ; nous tendons les mains vers la troisième, mais le travail de pionnier a déjà commencé.

 

1h 12 mn :

L'humour. On n'y pense jamais. A fortiori quand on est chrétien. Un chrétien, ça ne rit pas beaucoup. On a été marqué de jansénisme ; le péché, et puis, Dieu, c'est très sérieux. Pourtant, l'humour rime avec amour. Les Italiens comprennent bien ce que c'est que la légèreté. S'il y a un peuple profond, c'est bien les Italiens. Pas par futilité ou superficialité, mais par légèreté.

 

Quand on est léger, on peut se décoller du sacré, on peut se décoller de la gravité, il faut être un peu bouffon face au péché, face au transcendant. Pas pour se moquer du transcendant, mais pour avoir un espace pour pouvoir mieux le voir.

 

(…)

 

La tradition n'est pas morte, elle vivra toujours, comme la Dao, comme l'Esprit Saint. La tradition, on l'a connu déjà, avant la Renaissance, le boulot consiste à se souvenir. Le mot grec pour vérité, c'est alicia, a privalif létéia le fleuve de l'oubli, c'est la privation de l'oubli, autrement dit la réminiscence. Et tout Platon passe là-dedans.

 

Révélation, réminiscence, apocalypse tout ça c'est la même chose. On ne révèle jamais que ce qui est déjà là. On n'invente pas, à partir de rien. C'est peut-être là qu'il faudrait travailler. Ce qui permettrait à cet homme blanc de se ré-enraciner et c'est ce ré-enracinement qui est son vrai fardeau.

 

Cette idée-là aussi rappelle Sri Aurobindo, peut-être dans le Yoga de la Connaissance intégrale...

Deux points de conclusion :

 

D'une part, il cite des personnes dont je n'avais jamais entendu parler, les fiches Wikipédia, pour ce qu'elles valent, donneront au moins un aperçu. 

 

D'autre part, derrière sa pensée, j'ai parfois reconnu des choses lues dans les livres de  Sri Aurobindo, j'en ai relevé quelques-unes mais il y en a sans doute d'autres. A certain moment même le voile me paraissait très mince, comme si la lumière de Sri Aurobindo était tout près de percer cette couche mentale.

 

Mère nous a dit que la pensée de Sri Aurobindo allait se répandre sur la terre, nous en avons-là, à mon avis, quelques exemples. 

 

Mon regret est de ne pas maîtriser L'Idéal de l'Unité Humaine et Le Cycle humain ; ces deux ouvrages sur le développement social, politique, historique, politique des peuples et nations seraient d'une  formidable utilité à ces penseurs politiques. Ils y trouveraient beaucoup de réponses à leurs questions. 

Extrait d'une lettre de Sri Aurobindo à son frère Barin du 7 avril 1920, publié en intégralité dans L'Agenda du 21 juillet 1962. Je cite cette lettre parce qu'elle réhabilite, entre autre, le pouvoir de la pensée. 

 

Je vais te dire rapidement une ou deux choses que j'ai vues depuis longtemps. À mon avis, la principale cause de la faiblesse de l'Inde n'est pas la sujétion ni la pauvreté ni le manque de spiritualité ou de dharma [morale], mais le déclin de la puissance de pensée, la croissance de l'ignorance dans la patrie de la Connaissance. Partout, je vois l'incapacité ou la paresse de penser – l'impuissance de la pensée ou la phobie de la pensée.

 

Quels que soient les mérites du Moyen âge, cet état de choses est à présent le signe d'une terrible dégénérescence. Le Moyen âge était la nuit, l'époque de la victoire de l'ignorance. Le monde moderne est l'époque de la victoire de la connaissance. Celui qui pense le plus, qui cherche le plus, qui travaille le plus, celui-là peut sonder et apprendre la vérité du monde et acquérir d'autant plus de Shakti [force].

 

Si tu regardes l'Europe, tu verras deux choses : un vaste océan de pensée et le jeu d'une force énorme, rapide, et pourtant disciplinée. Toute la Shakti de l'Europe tient à cela.

 

Et par la force de cette Shakti, elle a dévoré le monde, comme nos tapaswins [ascètes] de jadis dont le pouvoir terrifiait même les dieux et les tenait dans l'inquiétude et la soumission.

 

On dit que l'Europe court à sa perte. Je ne le pense pas. Toutes ces révolutions et ces bouleversements sont les conditions préliminaires d'une création nouvelle.

 

Maintenant, regarde l'Inde. À part quelques géants solitaires, on trouve partout notre « homme simple », c'est-à-dire l'homme moyen qui ne veut pas et ne peut pas penser, qui n'a pas la moindre Shakti sauf une excitation temporaire.

 

Dans l'Inde, on veut la pensée simple, le mot facile. En Europe, on veut la pensée profonde, le mot profond. Là-bas, même l'ouvrier ordinaire ou l'artisan pense, veut savoir, ne se satisfait pas de choses superficielles, il veut aller derrière les choses.

 

Pourtant, il y a une différence : la force et la pensée de l'Europe recèlent une limitation fatale.

 

Quand elle pénètre dans le domaine spirituel, son pouvoir de pensée ne peut plus se mouvoir. Là, l'Europe ne voit que des énigmes, des métaphysiques nébuleuses, des hallucinations yoguiques. Ils se frottent les yeux comme dans un nuage de fumée et n'arrivent pas à voir clair.

 

Cependant, en Europe, on commence à faire quelque effort pour surmonter même cette limitation.

 

Nous, nous avons déjà le sens spirituel – nous le devons à nos ancêtres – et quiconque possède ce sens tient à sa disposition une telle Connaissance et une telle Shakti que d'un souffle il pourrait balayer toute cette force prodigieuse de l'Europe comme un fétu de paille.

 

Mais pour obtenir cette Shakti, il faut être un adorateur de la Shakti.

 

Nous ne sommes pas des adorateurs de la Shakti : nous sommes des adorateurs de la voie facile.

 

Mais la Shakti ne peut s'obtenir par la voie facile.

 

Nos ancêtres ont plongé dans un océan de vastes pensées, ils ont acquis une immense Connaissance et édifié une puissante civilisation. Chemin faisant, la fatigue et la lassitude se sont abattues sur eux. La force de pensée a diminué ; avec elle, le puissant courant de la Shakti.

 

Notre civilisation est devenue un achalâyatan [une prison], notre religion une bigoterie de pratiques extérieures, notre spiritualité une lueur confuse ou une vague passagère d'ivresse religieuse. Tant que cela dure, toute résurrection permanente de l'Inde est improbable.

 

(…)

 

Tu dis qu'il faut un fol enthousiasme et remplir le pays d'excitation émotive.

 

Au temps du Swadeshi [lutte pour l'indépendance, boycott des produits anglais], nous avons eu tout cela dans le domaine politique, mais ce que nous avons fait est maintenant tombé en poussière.

 

Y aura-t-il un meilleur résultat dans le domaine spirituel ?

 

Je ne dis pas qu'il n'y ait pas eu de résultat. Il y en a eu. Tout mouvement produit un résultat, mais c'est surtout de l'ordre d'un accroissement des potentialités. Mais ce n'est pas la bonne méthode pour réaliser la chose stablement.

 

Par conséquent je ne veux plus prendre pour base l'excitation émotive ni quelque ivresse du mental. Je veux fonder le yoga sur une vaste et puissante équanimité. Sur cette égalité, je veux que s'établisse une Shakti complète, ferme, inébranlable, dans l'organisme et dans tous ses mouvements.

 

Je veux une large manifestation de la lumière de la Connaissance au sein d'un océan de Shakti.

 

Et je veux, dans cette lumineuse immensité, la tranquille extase de l'amour, de la félicité et de l'unité infinis.

 

Je ne veux pas avoir des centaines de milliers de disciples. Si je puis trouver une centaine d'hommes complets, purifiés du petit égoïsme, et qui seront les instruments de Dieu, ce sera suffisant.

 

Je n'ai aucune foi en le vieux métier de gourou. Je ne veux pas être un gourou.

 

Si quelqu'un éveille et manifeste de l'intérieur sa divinité endormie et s'il arrive à la vie divine, que ce soit par mon contact ou celui de quiconque, c'est tout ce que je veux. Ce sont ces hommes-là qui relèveront le pays.

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S
Superbe rédaction ! Merci Pascal.
Répondre
P
Merci Saskia, content que cela t'ai plu, bonne continuation à toi.